Noël: sang humain dans nos icadeaux

 

La machine est ton seigneur et ton maître
Yang – Jenny Chan – Xu Lizhi, La machine est ton seigneur et ton maître, Agone 2015, 128 p., 9,50 € – Traduit de l’anglais par Celia Izoard

Bonjour!

Nos sociétés, Californie en tête, versent dans l’ère « post-industrielle ». Cette réalité n’est vraie qu’à condition de séparer les uns des autres les territoires d’un monde que l’on déclare par ailleurs unifié dans la ‘mondialisation’.
Car la société post-industrielle n’existe pas sans l’industrie. Elle serait morte sans qu’ailleurs des usines ne fabriquent les objets matériels omniprésents, en particulier les plus récents.
L’époque post-industrielle est une illusion d’optique, une myopie, une cécité, une illustration de l’externalisation et de la délocalisation, lesquelles sont à la fois une pratique économique et une lobotomie de la conscience.
Faites donc des beaux quartiers de Glasgow une république indépendante, et vous aurez une société post-industrielle. La longévité humaine y est déjà, chiffre de 2008, de vingt-huit ans supérieure à celle du quartier le plus pauvre. Et faites donc de ce dernier un État distinct, réservez-lui les productions matérielles et le balayage des rues. Pour être complet, appelez-le ‘en développement’.

Le premier monde est une poche inscrite dans des frontières de plus en plus étanches aux être humains, en relation inverse de la porosité absolue offerte mondialement aux capitaux, aux objets du commerce et aux riches.
La mondialisation est ici bien réelle. Le monde est un, et il ne peut se passer ni d’usines ni d’ouvriers. Il n’y a pas de région ‘post-industrielle’ sans industries ailleurs, avec leur exploitation sordide, aux esclaves salariés sous-payés, enfermés, pollués, suicidés.
Pour qu’existent, au bout de la chaîne, les « i-objets » sophistiqués. Une chaîne, ça enchaîne.
Exagérations? Rêverie sur des siècles révolus?

Les éditions Agone publient La Machine est ton seigneur et maître, un livre sur la vie chez Foxconn, entreprise taïwanaise géante, installée principalement en Chine, vouée à la fabrication de nos objets hyper-industriels.

Telerama nous en parle dans un article titré « Les déchirants poèmes de Xu Lizhi, “iSlave” chinois » :
« Le 30 septembre 2014, le Chinois Xu Lizhi, 24 ans, se suicidait à Shenzhen.
« Il suait depuis 2010 sur les chaînes de production de Foxconn, géant mondial des produits électroniques grand public aux 1,4 million de salariés, fondé par le milliardaire Terry Gou.
« Dans le sud de la Chine, près de Hongkong, les usines de Shenzhen, baptisées Foxconn City, ont pour clients Amazon, Apple, Microsoft, IBM, Samsung, HP, Dell, Sony…
« Regroupant 350 000 ouvriers et ouvrières travaillant soixante heures par semaine, elles produisent ces smartphones, ordinateurs, consoles de jeu, liseuses et tablettes qui sont pour nous le signe de la modernité, et pour ceux qui les assemblent celui de la souffrance.
(…) « le jeune suicidé était un « travailleur migrant-poète ». Il rêvait de quitter l’usine pour devenir libraire. Dans ses textes, il raconte la discipline quasi militaire, les nuits interminables devant la machine, les maladies pulmonaires causées par la pollution, le logement étriqué et humide, le suicide des compagnons d’infortune. »  

L’éditeur, lui, précise que « Ce livre propose quelques éléments d’analyse du système Foxconn à partir du portrait que fait la sociologue Jenny Chan d’une ouvrière qui a survécu à sa tentative de suicide en 2010.
« Complété par le témoignage de Yang, un étudiant et ouvrier de fabrication à Chongqing, il retrace également le parcours de Xu Lizhi, jeune travailleur migrant chinois à Shenzen, qui s’est suicidé en 2014 après avoir laissé des poèmes sur le travail à la chaîne, dans ‘L’atelier, là où ma jeunesse est restée en plan’. »

Ombre de l’omniprésent made in China, écho de la crucifixion… Ce petit livre est doublement indiqué pour figurer au pied du sapin.

 

G.

——————————————

http://agone.org/centmillesignes/lamachineesttonseigneurettonmaitre/
http://www.telerama.fr/scenes/les-dechirants-poemes-de-xu-lizhi-islave-chinois,135756.php
http://www.monde-diplomatique.fr/2010/08/BRYGO/19565
http://www.monde-diplomatique.fr/carnet/2008-09-02-inegalites

3 réflexions au sujet de « Noël: sang humain dans nos icadeaux »

  • 22 décembre 2015 à 0h23
    Permalink

    Il y a très longtemps que j’ai abandonné le principe de consommation. Je peux dire exactement quand : quand je suis allée vivre dans des pays où la consommation n’existait pas. Pas encore (ni télé, ni radio, ni téléphone). Je compte ces années-là parmi les plus belles de ma vie. Et ce fut une sacrée leçon que ce dégoût qui s’est emparé de moi dans les rues de Paris un peu plus tard devant les étalages et les monceaux de choses inutiles, devant les pubs et les images d’un monde factice, devant les discours manipulateurs des politiques et des journalistes à la solde de groupes puissants.
    Depuis… je « cultive mon jardin ». Je ne fêterai pas Noël, je m’en fous. Pourquoi fait-on croire aux gens qu’ils doivent absolument fêter Noël, courir à la foire de la vulgarité? Il y a mille autres façons d’enchanter les enfants ou de nous enchanter, nous.

    Répondre
  • 21 décembre 2015 à 20h48
    Permalink

    La société de consommation c’est le fascisme. J’ai essayé de retrouver la citation exacte mais je suis tombé sur cette vidéo où Pier Paolo Pasolini, puisque la citation est de lui, en parle.
    De ce fascisme nous souffrons tous, nous croyons ne pas souffrir (on nous en persuade sans cesse, sans cesse un déni est alimenté) mais le faisons; d’un côté du monde à l’autre. Et les plus grandes victimes, sont là des ouvriers et ici des ouvriers ou ex-ouvriers appelés plutôt chômeurs. Quand le déni ne peut plus être alimenté, la souffrance apparaît. Le pouvoir d’achat servant à retarder l’échéance.

    https://www.youtube.com/watch?v=PtZCcwScGBE

    Répondre
  • 21 décembre 2015 à 18h52
    Permalink

    cela devient de plus en plus important que l’on puisse reconnaitre que notre société de consommation, qui consomme autant de vies humaines pour nous donner l’illusion que nous sommes des nantis qui courons après quelques objets qui finalement ne sont pas nécessaire pour y vivre heureux, surtout que nous avons oublié le principal : vivre en harmonie avec soi même !
    merci pour l’article et passe des bonnes fêtes je profite de l’occasion pour donner le lien justement de quelqu’un (un ami canadien qui veut dépasser toutes ces conneries de consommation)
    http://creer-une-meilleure-vie.com/solstice-dhiver/
    Ça vous prendra dix-neuf minutes pour écouter ma vidéo :
    https://youtu.be/6hOZGQ3vnAM

    Répondre

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.