J’ai vu Demain hier

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San Francisco. Un homeless, pas encore complètement ruiné, dans la ville du zéro déchet (photo G. L.)

 

Bonjour!

J’ai vu ce film qui fait parler de lui, Demain, un documentaire de Cyril Dion avec Mélanie Laurent.
Les critiques dans la presse saluent son optimisme et sa fraîcheur, et semblent s’interdire d’être réellement critiques. Comment dire du mal d’un tel élan de positivité quand les bonnes nouvelles sont si rares?
À l’oral, dans les conversations entre amis, le commentaire le plus répandu énonce que c’est un film dont on sort optimiste.

Autant le dire tout de suite, je suis sorti de la projection fort perplexe et même, franchement sceptique. C’est cependant un film qu’il n’est pas inutile de voir. Il faut le voir pour les informations qu’il livre et pour réfléchir aux problématiques qu’il parcourt. Les images sont belles, et la musique de même (les paroles des chansons sont exclusivement en anglais, je me demande bien pourquoi.) Voir ce film permet aussi de s’interroger sur un goût de trop peu: comment articuler les infos reçues avec toutes ces choses que la caméra laisse hors champ et hors conscience?

Le propos est de passer en revue une série multiforme de réactions citoyennes ou entrepreneuriales aux dysfonctionnements de l’époque, principalement en matière environnementale, quand ces initiatives s’installent dans une certaine durée, qu’elles réussissent ou semblent réussir, et qu’elles rendent ou semblent rendre heureux ou satisfaits leurs protagonistes. Il y a cinq parties: l’agriculture, l’énergie, l’économie, la société, l’éducation.

Demain est un film qui mélange un peu tout, s’abstient de mettre les éléments en perspective, et oublie de faire des liens avec un sacré nombre de réalités sacrément importantes.

L’agriculture

L’agriculture est peut-être la partie la plus intéressante du film. Les cultures biologiques et la permaculture sont en passe de bouleverser nos idées toutes faites sur ce qu’est une agriculture efficace et les exemples filmés, très intéressants, ouvrent des perspectives. La diversité est l’arme de la vie sur terre, depuis toujours, et la monoculture intensive est une aberration inefficace sous tous rapports, sauf celui du rendement financier immédiat et provisoire. – On voit ça aussi dans le film Le sel de la terre que Wim Wenders a consacré au photographe Sebastião Salgado et à sa reconversion dans le sauvetage du domaine familial. Dans son cas, non repris dans Demain, l’exploitation à l’occidentale de 150 hectares de terre brésilienne a enrichi deux générations avant de ruiner le sol.

San Francisco

Que la ville de San Francisco avance dans son projet « zéro déchet », c’est fort bien. Les représentants de la municipalité et le patron de la voirie ont l’air assez heureux, comme la petite nana qui fait la porte-parole, mais j’avoue ne pas avoir vu de vrai sourire sur les visages des employés, ceux du moins qui ne portent pas de masque. J’ai même cru en voir un se détourner de la caméra. L’hôtel Hilton, à lui tout seul, a gagné une forte somme en souscrivant au plan de la mairie. En conséquence, les actionnaires doivent être heureux. Le film n’en dit rien, ni des employés de l’hôtel, qui à Los Angeles en l’an 2000 étaient pour l’essentiel des immigrés et surtout des immigrées mexicaines, comme on a pu le voir dans le film de Ken Loach, Du pain et des roses, un autre film. La capitale de la créativité US, comme disent les journaux, a certainement changé tout ça.
San Francisco est une ville qui compte plus de sans-abri en proportion de sa population que nombre de grandes villes américaines, où déjà la situation n’est pas fameuse. Comme dans toute la Californie, les personnes qui nécessitent ici des soins psychiatriques, n’ont pas de famille aisée ou très aisée, et ne sont pas en prison, vivent dans la rue.
J’applaudirai donc la politique zéro déchet de la légendaire SF lorsqu’elle s’appliquera aux êtres humains. Le pape François a parlé du capitalisme comme d’une culture du déchet humain.

Ah oui! Je vous propose un tout petit défi: tapez dans un moteur de recherche « villes américaines homeless » (c’est comme ça qu’ils disent SDF dans leur langue), filtrez éventuellement les douze derniers mois, et voyez ce que vous ramassez en parcourant les résultats pendant dix minutes, si vous tenez dix minutes. Pour vous motiver, pensez que vous gagnerez peut-être les deux heures et demie que vous mettriez à vous rendre au cinéma, à voir le film et à rentrer chez vous (je plaisante presque). Il y a beaucoup de chefs-d’oeuvre du cinéma que nous n’avons pas encore vus.

L’environnement

La contrainte environnementale s’impose à tous, riches et pauvres. Mais pas pareillement.
Les classes les plus riches s’organisent pour y échapper au maximum, quitte à reléguer les plus pauvres dans les ténèbres des atmosphères assombries, sous les aléas des eaux (parfois même de conduite) polluées, et dans une consommation alimentaire toxique à laquelle ceux-là ne peuvent, en termes économiques/idéologiques (c’est tout un), échapper.
C’est déjà fait.
Entre les deux, les classes qui aiment à s’appeler moyennes prennent quelques mesures et produisent des innovations dont certaines sont aussi, parfois d’abord, de nouveaux marchés.
Parallèlement, de quelque milieu qu’ils soient, les citoyens conscients adoptent les régulations individuelles de sauvetage et de vertu, auxquelles leur conscience ne leur permet pas d’échapper: consommation moins gaspilleuse, alimentation plus biologique.
Mais est-ce que cela fait système? Est-ce que cela met en place des fondations pour ce qui serait un jour la nouvelle civilisation? Au prochain méga-krach financier de 2016-17-18-19 ou 2020, l’oligarchie va-t-elle nous dire « Nous avons mené le monde à la faillite, nous nous retirons et souhaitons bonne chance à nos successeurs » ?
Ce serait sympa et mignon, mais ça ne se produira pas, bien sûr.
Or telle est bien, à mon avis, une illusion majeure que colporte ce film.

L’alimentation

Olivier de Schutter du programme mondial des NU est dans la continuation de son prédécesseur Jean Ziegler. Intéressant et indéniable.
L’agriculture urbaine de Détroit, USA.
Les Incroyables comestibles au Royaume-Uni.
La consommation de viande est une folie mondialisée. Je ne sais plus ce que le film en dit.

La démocratie

Le maire d’un village indien, membre de la caste des intouchables, crée du lien social en faisant cohabiter les pauvres de différentes castes. Ça marche et ça essaime. Au passage, j’apprends qu’il y a des brahmanes pauvres.
David Van Reybrouck, l’auteur du livre Congo – Une histoire, nous propose sa réflexion sur le tirage au sort en politique et nous donne des éléments d’observation concrète sur la question.
L’insurrection pacifique islandaise, qui a fait tomber un gouvernement et produire un projet de constitution écrit par 25 citoyens élus parmi une assemblée de 1.000 personnes choisies au hasard. Le projet est bloqué par le parlement. (À mon sens, c’est vis-à-vis de la finance et des règles de l’UE que l’expérience islandaise est la plus parlante. J’en ai déjà …parlé.)

L’éducation

L’éducation est le dernier chapitre du film. C’est l’histoire de la poule et de l’oeuf. En changeant les conditions de la couvaison, nous changerons la poule.
Modèle est pris sur l’école finlandaise, très appréciée en termes de « compétences » par les études Pisa de l’Ocde, ce jumeau de l’Otan chargé de la propagande économique, et le film nous le rappelle, je dirais: naïvement. Les ‘compétences’ sont les produits blancs que la pédagogie officielle, d’inspiration grand-entrepreneuriale, exige désormais. Il n’y a plus de savoirs ni de savoir-faire. Ça ne se mesure pas et ça ne donne pas de burn-out, ces trucs-là.

Or voici que le cas finlandais est doublement intéressant.
D’abord pour les méthodes pédagogiques appliquées, qui sont fort tolérantes, respectueuses, et qui sont multiples, puisque chaque enfant ne répondra pas pareillement à chaque méthode. Et aussi pour le niveau d’investissement humain et de formation des maîtres, et d’encadrement dans les classes, qui nous paraît hors normes. Les instits sont nombreux, triés sur le volet, et ils ont tous un bac plus cinq.
Ensuite le cas finlandais nous questionne aussi pour tout ce qui n’est pas abordé dans le film. La Finlande où l’alcoolisme n’est pas un vain mot, est un pays où a été créé un parti d’extrême-droite appelé « Les vrais Finlandais », lequel a remporté de grands succès. Là où l’éducation est performante, la formule « vrais Finlandais » ne devrait produire que sarcasmes et moqueries, pas vrai? Où sont les acquis de l’école? Un système éducatif pleinement abouti ne produit pas des citoyens d’extrême-droite. Or la Finlande est gouvernée par une droite dure, à l’électorat gonflé par les précédents, qui s’est illustrée dans le massacre financier de la Grèce. Et récemment, ce gouvernement a repoussé par vingt degrés sous zéro des réfugiés vers la Russie, en leur proposant …des vélos. Ça n’est pas dans le film.

L’éducation finlandaise nous pose ainsi un passionnant problème. Comment se transmettent des modèles autoritaires et de mythes nationaux réactionnaires, où et comment agit ce « tiers symbolique » arriéré, via des pratiques supposées opposées?

Ça demande un peu de réflexion et pas trop de confiance dans les apparences, ni dans les bonnes intentions, qui peuvent se faire les pavés de l’oppression.

Au final, le merveilleux exemple de l’école finlandaise plaide à l’encontre du message d’espoir que voudrait porter le film. Moi en tout cas, ce passage me ferait désespérer de l’éducation.

L’énergie

Copenhague et sa sirène. Copenhague et ses vertus écologiques. Copenhague et ses cyclistes. Bientôt zéro pétrole, en tout cas localement. Merveilleux. Peut-être que le Danemark délocalise une part de sa consommation de pétrole?

Je me souviens qu’au siècle passé, un jour l’huile de foie de morue s’est trouvée trop polluée pour la consommation humaine. Dans le monde entier l’huile de foie de morue était très en vogue alors, pour fortifier les enfants qui manquaient de vigueur. Et le petit Danemark en était un grand producteur. Le gouvernement danois de l’époque a donc interdit la consommation au pays, mais ni la fabrication, ni l’exportation. Le produit est simplement devenu impropre à la consommation humaine …danoise. Bon, je fais dans la perfidie, d’accord, mais il faut reconnaître que c’est ce brave pays lui-même qui m’a donné des verges pour se faire battre.
Les vertus danoises sont grandes, et je veux bien applaudir. Mais il faut m’expliquer comment elles font bon ou mauvais ménage avec la récente loi sur les réfugiés, qui prévoit la confiscation de leurs biens de valeur et de leur argent au-delà de 400 euros – montres, alliances et téléphones portables exceptés. La vertu danoise a un prix, qu’il faut financer.

Les monnaies locales

Ici aussi, il y a de tout.
Il y a le WIR d’un large réseau de PME suisses, qui existe depuis 80 ans, un outil opportuniste pour les règlements internes au réseau: rien qui casse politiquement trois pattes à un canard, tout au plus un support de réflexion logique. Qui ne voit comment le wir a changé la société suisse d’il y a quatre-vingts ans?
Il y a les monnaies locales dans de petites villes anglaises. Elles empêchent une partie des flux monétaires de se diluer à l’extérieur de la « communauté », terme dont usent et abusent les anglo-saxons, et de la sorte elles ont un effet positif sur l’emploi local. Le film ne parle pas des bénéfices des gentils employeurs. C’est un outil de concurrence contre les multinationales, et c’est bien fait pour elles. Est-ce que ça fait système, est-ce que c’est le germe d’un nouveau monde? Le Royaume-Uni est un des pays les plus inégalitaires d’Europe, où le nombre de personnes qui recourent aux banques alimentaires a explosé ces toutes dernières années (ici sur Condroz belge), où le coût de l’éducation supérieure pour les familles a explosé, où aussi le bio, le coaching, le bio-coaching et le marché de la spiritualité ou de la bio-spiritualité explosent de même, pour des publics différents on s’en doute. Le Royaume-Uni est une terre d’explosions: bientôt la fracturation hydraulique à deux pas de Londres. Mais attention: le prince de Galles vend très chers les produits bios et les confitures bios de sa ferme modèle, et il vend tout.
Ajoutons un autre grain de philosophie du soupçon: les petites villes de province ont le propre de concentrer les richesses et les services de la petite région qui les entoure. C’est connu, c’est universel et c’est visible. Une monnaie locale est au service de cet aspect-là des réalités. On pourrait parler de patriotisme sous-patronal sous-régional.
Il y aurait peut-être, d’après un intervenant dans le film [Note du 23/2: Bernard Lietaer], une possibilité pour la Grèce d’améliorer son sort avec une monnaie de ce type-là. Au conditionnel. On attend donc une réalisation dans ce genre de contexte, qui est celui d’un conflit ouvert avec les ministres des finances de l’UE, soit tout autre chose que le commerce de proximité à Bristol. Pour le moment, on sait que le prof de fac Varoufakis a foiré sur ce coup-là. Et qu’il persévère, mais ceci est un autre film.

Dans le chapitre consacré à l’économie, je m’étonne que l’ « oasis collaborative », comme l’ont appelée certains, que représente le village andalou de Marinaleda (2.700 habitants), ne figure pas dans le catalogue de Demain. Cette aventure extraordinaire a trente-cinq ans et la crise ne les touche pas, à Marinaleda. Des liens? Partout sur Internet.

Il y a encore dans le film, Jeremy Rifkin, dont je me méfie parce qu’il conseille des gouvernements de toutes sortes. Pierre Rabhi, qui a trouvé sa solution. La très diplomate et très déterminée Vandana Shiva, impressionnante. Bernard Lietaer, trop brièvement à mon goût. Tous intéressants d’une manière ou l’autre.

Il y a Emmanuel Druon, patron français et inspiré de Pocheco, leader de marché des enveloppes en papier: pas de dividendes pour les actionnaires (le film n’explique pas comment), étalement des salaires de 1 à 4 (c’est 1 à 300 dans les grandes entreprises), organisation très peu autoritaire. Ce Druon-là a écrit Le Syndrome du poisson lune, le seul animal qui croît jusqu’à sa mort, qualifié de manifeste d’anti-management « s’adressant plus aux salariés qu’à leurs patrons ».
Il y a des entrepreneurs de l’écologie ou de l’énergie renouvelable, qui ne m’intéressent pas en tant que tels, et bien moins qu’Emmanuel Druon. La phrase de Pierre Rabhi que j’ai mémorisée, et qui n’est pas dans le film, est celle-ci: « Vous pouvez être écologiste, vous consacrer au bio, etc, et exploiter votre prochain. Les deux ne sont pas incompatibles. »

Bon. J’ai émis beaucoup de critiques. Mais allez voir Demain. Il y a des choses à prendre et à apprendre. Si l’on n’applaudit pas béatement, et que l’on prolonge la réflexion, le film stimule.

Bonne journée, bonne soirée, bonne nuit!

Guy

10 réflexions au sujet de « J’ai vu Demain hier »

  • 17 octobre 2016 à 22h55
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    Cher Condroz belge,
    J’acquiesce aux grandes lignes de votre billet. Mais il me semble que vous avancez masqué, ou que vous modérez ici un peu trop l’allure de votre monture.
    Voici un article qui exprime plus directement ce que sans doute vous pensez comme quelques millions d’autres minoritaires: « Ce que le film ‘Demain’ ne vous a pas dit » , par Emmanuel Wathelet.

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  • 7 mars 2016 à 14h06
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    Je viens de voir le film DEMAIN et j’ai vraiment aimé, beaucoup aimé.
    J’ai aimé parce qu’il stimule et fait réfléchir, justement.
    Parce qu’il ose se mouiller en proposant des pistes, une pensée alternative, sans imposer, en faisant réfléchir.
    Ce film m’a allumé les méninges et m’a fait réfléchir à demain avec plus d’intensité.
    Vais-je commencer à me méfier de chaque passage ? Vais-je mesurer le niveau de réalisme de chaque idée émise à l’aune de je ne sais quel étalonnage, de je ne sais quel indice de vérité ?
    Là n’est pas mon propos.
    Il me paraît par contre important de secouer les consciences d’un maximum de contemporains et d’inviter chaque adulte responsable à agir localement pour éviter une 6ème extinction de l’espèce, pour décider d’un mieux être demain.
    Je ne demande pas au film d’avoir toutes les qualités et toutes les objectivités.
    Il a eu le mérite de témoigner d’une démarche et de me faire sursauter, sans que je me rendorme dans mon quotidien. C’est beaucoup à mes yeux.
    Alors merci à Cyril et Mélanie.

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  • 13 février 2016 à 22h08
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    On ne pourra jamais savoir si une idée fonctionne sans l’avoir expérimenter.
    Et si possible les mains dans le cambouis.
    Alors, ce film a été créé avec toutes ses imperfections,et certaines de ces réalisations qui sont montrées sont dépassées. Il a le mérite d’exister et d’avoir si pas ouvert l’esprit mais bien sensibilisé certain à cet problématique.
    La plupart des gens qui sont allé voir le film en sont au niveau de la réflexion écologique au stade où j’en étais dans la années 80 et il faut se réjouir que les salles sont pleines, cela signifie que la situation actuelle interroge les gens.
    Un tel film n’aurait eu aucun succès dans les années 80.
    Bien sûr que le zéro déchet est une absurdité, bien sûr que la société d l’hydrogène de Jérémy Rifkin est une fumisterie.
    Si on veut se diriger vers le sobriété qui est un mieux avec moins, il faudra s’attaquer à ce qui fait l’obligation du toujours plus qui n’est rien d’autre que le moteur du capitalisme je veux dire la rente de la propriété privée de quelque nature que se soit.
    Aucun décroissant n’en parle, si vous avez un document d’un décroissant qui en parle envoyez le moi.
    Permettez moi de me réjouir du taux zéro sur notre épargne, qui peut-être va peut-être nous rendre un peu moins frileux à l’action vers cette société de la sobriété.
    Si on coupe le moteur du capitalisme, il faudra bien le remplacer par un autre, il faut transférer l’idée de rente financière vers l’idée de rente sobriétaire

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  • 13 février 2016 à 18h19
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    Il y a de trop nombreuses erreurs de casting dans ce film pour le conseiller à qui que ce soit, le pire étant la désinformation qu’elles sous-tendent.

    La plus flagrante est celle de la gestion de déchets de San Francisco dont je voudrais souligner un peu plus la bêtise, en particulier la définition du « zéro déchet » proclamée avec beaucoup d’assurance par la chargée de communication. L’idée de base étant que la quantité de déchets n’est pas un problème du moment qu’ils sont recyclés, le zéro déchet étant atteint quand 100 % du recyclage est atteint. C’est tout d’abord une impossibilité thermodynamique. D’autre part, l’absurdité de ces camions qui transportent ces montagnes de déchets (et de compost) sur de longues distances devrait sauter aux yeux et susciter des sifflets plutôt que des applaudissements dans la salle. Même chose pour ces énormes machines qu’on peut voir en action. C’est avec ce genre de « solution » que l’humanité est en train de se pendre.

    Tu as raison de te méfier de J. Rifkin, on ne fait pas mieux comme dangereux fumiste (mais c’est bon pour ses affaires).

    Il y a d’autres erreurs de casting plus pernicieuses comme l’image positive du transport par avion qui est véhiculée dès les premières images du film (il faut être attentif pour le voir), comme dans n’importe quel film commercial. Tout à fait dans la ligne de la COP21 où le transport par avion et bateau a été exclu des négociations (pas loin de 10 % des GES [gaz à effet de serre]…). Ces « trentenaires » (comme ils se décrivent) à l’origine de ce film sont vraiment des gens formidables.

    Je suis persuadé que ce film aura un effet anesthésiant sur la plupart des personnes qui auront été le voir : avec toutes ces « solutions » en marche, tout devrait aller pour le mieux. C’est sans doute ce qui explique le succès du film.

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  • 13 février 2016 à 4h52
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    Bon, moi, je ne suis pas un type optimiste. Je trouve même dérisoire qu’on parle d’optimisme dans un monde qui a décidé d’en découdre, avec n’importe qui, mais d’en découdre: les Ukrainiens, les Syriens, le Moyen-Orient, la mer de Chine, la Corée du nord, les Russes, la Deutsche Bank, les Grecs, les Arabes, les Chinois…. Ce serait quand même bien malheureux qu’a force de cultiver les désaccords et de souffler sur les foyers de tension il n’en ait pas un qui pète méchamment! Enfin, je dirais!

    Alors, l’optimisme, là dedans? L’agriculture bibi-bio? Comme c’est gentil? L’agriculture verticale? Très ingénieux. L’agriculture urbaine? Trop beau, trop tard et surtout trop peu.

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  • 11 février 2016 à 23h30
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    « J’applaudirai donc la politique zéro déchet de la légendaire SF lorsqu’elle s’appliquera aux êtres humains. »

    Merci et c’est bien ce que je reproche, également, à ce genre de crédo, il y a des initiatives concrètes louables et bien intentionnées en théorie, certes, mais qui font un peu trop l’impasse sur cet aspect plutôt infect que vous mentionnez avec lucidité.
    En quoi est-ce une évolution d’avoir zéro déchet quand des être humains vivent encore dans des villes aussi « riches » dans la rue comme des déchets ?

    Cela devrait être l’inverse non ? Les bennes à ordures dehors et les individus sdf, avec un toit, donc se réjouir quand ça marche sur la tête il y a clairement un gros problème et pas que de biais !

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  • 11 février 2016 à 22h57
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    Merci Guy Leboutte d’avoir rédigé et posté ce commentaire. C’est exactement ça .
    Il y a toujours deux discours qui s’affrontent lorsque l’on parle écologie: les «moralistes» genre «colibris» , si chacun fait sa part le monde peut changer (et s’il ne change pas c’est de ta faute…), et les «politiques» : pour que le monde et les comportements changent, il faut créer les conditions nécessaires, lois, investissements publics, fiscalité, etc…
    Il est heureux que Pierre Rabhi rappelle que l’écologie peut être compatible avec l’oppression. Il va falloir défendre l’écologie aussi de ça.

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  • 11 février 2016 à 18h49
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    Bonjour,
    Juste une remarque d’ « ancien» à l’attention de ceux qui pourraient croire, comme Bernard Legros ci-dessus, que les idées de la décroissance sont nées d’un mystérieux phénomène de génération spontanée en 2002. Ce serait oublier l’impact du fameux Rapport du Club de Rome sur les limites de la croissance… en 1972, le rôle lanceur d’alerte qu’a joué le canard «La gueule ouverte» dans le mouvement écologiste en formation au début des années 80, voire, dès 1977, le très clair écrit de Michel Bosquet (alias André Gorz) intitulé « Ecologie et liberté », dont les « Sept thèses en guise de conclusion » n’étaient rien moins qu’un manifeste pour la décroissance.
    J’en cite in extenso la première phrase : « La crise actuelle du capitalisme a pour causes un surdéveloppement de capacités de production et la destructivité (…) des techniques employées. Cette crise ne peut être dépassée que par un mode de production nouveau qui, rompant avec la rationalité économique, se fonde sur le ménagement des ressources renouvelables, la consommation décroissante d’énergie et de matières. »
    Et pendant que j’y suis, le début de la thèse No 3 : « Le lien entre plus et mieux est rompu. Mieux peut être obtenu avec moins. On peut vivre mieux en travaillant et consommant moins, à condition de produire des choses plus durables etc… »
    Et la fameuse BD de Gébé sur « L’An o1 » (en 1980, je crois)… n’était-ce pas une sorte de Manifeste décroissant… avant la lettre ? Et la mouvance autour de la pensée post-développementiste de Fr. Partant (ou d’Illich etc…), …un courant précurseur?
    Sans accumuler les ex., je veux seulement indiquer que le mouvement actuel de la décroissance est plus une résurgence heureuse, opportunément éclairante, qu’une
    nouveauté absolue.
    Et personnellement je me félicite que Pierre Rabhi, que j’ai rencontré en 1992, soit
    brièvement présent dans le film « Demain », car son rôle n’a pas été négligeable dans la diffusion d’une pensée orientée vers la sobriété, autre nom de la décroissance.

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  • 11 février 2016 à 16h14
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    Rue de France , c’est juste derrière la promenade des Anglais ici à Nice.
    Derrière cette belle vitrine que sont « la prom » et la mer, tout de suite la misère vous saute aux yeux. S’y côtoient, gens de l’est de l’Europe, toute l’immigration que vous pouvez imaginer (nouvelles et anciennes générations, arrivants), et moins miséreux touristes (de toutes provenances, Chinois, Anglais, Danois, etc).
    Je suis rue de France, hier, j’y vois le médecin pour cause d’abcès récurrents, chez Médecins du Monde. Deux heures plus tard, je verrai la psy (j’ai repris une thérapie au motif de ce que je viens de vivre).

    Je lui demande à la fin de l’entretien : « ça vous plaît de travailler ici? ». « Oui, beaucoup », me répond-t-elle.
    Quand je lui demande comment elle fait avec ses patients pour se faire comprendre et les comprendre, elle me répond qu’il y a des interprètes. Ils sont tous bénévoles ou à peu près dans cette association. On vous y témoigne du respect. C’est bon. La dignité, vous comprenez?
    Je suis sans doute le seul à consulter chez eux qui soit de Schengen (hors France je veux dire).
    Dans l’attente que mes droits, si accord, soient exportés ici. J’attends.

    Robert Guédiguian et Ken Loach font partie de mes cinéastes préférés.
    Il y a longtemps que je n’ai plus été au cinéma. De toutes façons avec mon budget, j’ai
    intérêt à bien choisir mes films.

    Bienvenue chez nous, c’est ce que m’a dit l’homme qui était venu me prendre à l’aéroport il y a bientôt un an. Dans mon pays je crevais de dépression et d’isolement. Il y avait une ferme bio derrière la maison, campagne oblige, les gens y arrivaient, … en voiture.

    Alors vous comprendrez bien que …

    Bonne chance à tous ceux qui sont sur la route et que les riches (nommés ainsi comme les pauvres depuis dix ans maintenant sans que ça pose problème) puissent prendre conscience de leur incommensurable misère humaine.

    Avec un grand ciel bleu, bien à vous Guy.

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  • 11 février 2016 à 14h01
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    Je souscris globalement à cette analyse. J’ajouterai 2 choses :
    1) Le film parle bien de l’impasse du modèle de croissance économique infinie, sans toutefois citer l’existence du mouvement de la décroissance, qui porte ces idées-là depuis 2002. Dommage, mais je m’y attendais.
    2) Le film ne cache pas la gravité de la situation, le fait que l’humanité risque l’effondrement systémique à moyen terme. Un bon point, quand l’optimisme irréaliste prévaut souvent chez les « écologistes » de la petite bourgeoisie.

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