Je me suis fait expliquer cette pancarte écrite en allemand.
Un mantra célèbre, dans l’Allemagne de 1945, était: « Wir haben es nicht gewusst », nous ne le savions pas, en piètre et peu convaincante excuse ou défense de ceux qui étaient restés passifs sous le nazisme.
S’ils avaient dit: « Nous avions peur », ou « trop peur » , cela aurait pu s’entendre.
Aujourd’hui, 78 ans plus tard, de jeunes Allemands retournent la phrase en soutien à Gaza, à l’encontre d’un gouvernement pétrifié qui ne peut s’extraire d’un soutien inconditionnel et lobotomisé, aveugle, à Israël.
Plus les quarts d’heure passent, et plus cette phrase me paraît forte. Et pas que pour nos amis allemands !
Bonjour!
21 janvier 2024.
Combien de fois ne me suis-je pas demandé si cela « valait la peine » de participer à une manifestation quelle quelle soit.
Eh bien, je n’ai plus aucun doute aujourd’hui.
Ces manifestations sont nécessaires individuellement: nous ne pouvons rester passifs.
Elles sont utiles collectivement et politiquement: elles sollicitent l’attention, présentent des arguments, produisent des articles de presse comme cet excellent article du Soir sur la manifestation d’aujourd’hui à Bruxelles, où j’étais. (Ici en ligne, là en PDF.)
Elles sont instructives aussi, car on y découvre des groupes ou associations que l’on ne connaissait pas, on parle avec des gens divers, on se fait expliquer une pancarte en langue étrangère, comme celle dont la photo ouvre ce billet.
En outre, on se baigne dans une foule positive et bienveillante, réunissant des jeunes de six mois à 80 ans – pour faire modeste!, car j’ai vu un couple avec son bébé de cinq semaines à la manifestation nationale précédente, et à la dernière manifestation pour le climat, l’homme le plus photographié annonçait ses 91 ans. Encore mieux que le lectorat de Tintin, et des milliers d’amis inconnus.
Je donne ici quelques images prises en Belgique, à Bruxelles et à Liège, qui n’épuisent certes pas le sujet, depuis le 11 novembre, première grande manifestation nationale en soutien à Gaza. Et nous savons qu’il en va de même dans toute l’Europe, aux États-Unis, et ailleurs dans le monde.
Ça vous donne un sacré sentiment d’appartenance, bien loin des patriotismes étroits et des intérêts sectoriels.
Je découvre dans l’article du Soir cité, la pancarte dont j’avais les éléments en travers de la gorge, mais que je n’avais pas su formuler. « Il n’y a pas de droit de légitime défense pour un occupant. » C’est parfaitement vrai en droit international, et en 2004 la Cour Internationale de Justice l’a en toutes lettres signifié à Israël, comme indiqué en fin de mon précédent billet.
Les atrocités en cours par l’armée israélienne sont balayées par bien trop de microphones et de médias, d’un facile et fallacieux « Israël a le droit de se défendre » . Quel monde !
D’une part, des crimes comme ceux du Hamas ou d’autres, ne peuvent jamais justifier d’autres crimes en réponse.
D’autre part, le droit international est formel: le concept de légitime défense n’a ni sens ni objet pour un État, y compris dans les territoires qu’il occupe, contre des agents ou groupes résidant sur l’aire de sa responsabilité, mais seulement en réponse à une agression d’un autre État.
En revanche, tout État a le droit et le devoir de protéger sa population (ce qui ne consiste pas à en spolier et massacrer une partie), et c’est justement en quoi le gouvernement Netanyahou a tristement échoué le 7 octobre, avec un renseignement incapable d’alerter l’exécutif sur des préparatifs à ciel ouvert depuis plus d’un an, et avec un gouvernement polarisé sur la Cisjordanie et la colonisation, ayant priorisé la présence militaire dans cette région au détriment du sud. Un Israélienne « de base » , à Sdérot, ville du sud d’Israël, a fait parler d’elle en s’écriant sur Twitter: « La sécurité, la sécurité! Je ne veux pas des chars, je veux de la politique! »
– Et il paraît que l’intelligence artificielle a favorisé ces erreurs, en annulant les connaissances humaines traditionnelles et basiques, mais ceci est un autre sujet.
Le 16 janvier, au Théâtre de Liège, à la fin de l’excellente pièce Oedipus, un panneau est descendu sur la scène sans avertissement, « Don’t stop talking about Palestine » , au moment des saluts de la troupe:
Je trouve cette formule intéressante, alors qu’à première lecture elle me paraissait politiquement transparente ou non orientée. C’est justement cela son intérêt: parlez! Elle se fonde sur la valeur de la parole échangée…
Si nous parlons, nous avançons.
On la voyait aussi sur des autocollants le long du cortège aujourd’hui à Bruxelles. Et la production de cette pièce à Liège étant plutôt bruxelloise, je me dis « Bravo Bruxelles » , et le reste, je le tais.
Deux jours plus tôt, à Liège toujours, un rassemblement a eu lieu dans les escaliers de la Montagne de Bueren. Cette « montagne » est une rue dont la pente de 30 pour-cent a exigé qu’elle fût en escaliers, comme de nombreuses rues à Liège, et elle est la plus demandée par les touristes étrangers.
Allons.
Trois images encore, prises lors de la première manifestation nationale à Bruxelles le 11 novembre, date prédestinée.
D’abord, la plus modeste et géniale, merci ami inconnu:
Une historique pour ceux qui aiment:
« Biden est le Neville Chamberlain de Nétanyahou », assène l’écrivaine et activiste Sarah Schulman, professeure à la City University of New York (Cuni) et membre de Jewish Voice for Peace. Une allusion féroce au premier ministre britannique (1937-1940) qui crut pouvoir négocier avec Hitler. « Il s’illusionne sur son propre pouvoir et ne saisit pas la logique des esprits criminels qui conduisent ce génocide, dit-elle à Mediapart. C’est Israël qui dirige Biden. Pas le contraire. » (Mediapart et/ou PDF.)
Enfin, celle que j’avoue avoir eu du mal à comprendre, pour le temps de cerveau disponible qui nous reste, et bien jouée. En plus, Izrael, j’aime bien:
Guy
Merci pour cet article.
« Wir haben es nicht gewusst » est une merveille. « Nicht gewusst » , c’est à dire « non su » , de « savoir » , est un déni formidable.
Je ne peux évidemment que penser à cette phrase célèbre, qui parle du « silence des pantoufles » face au « bruit des bottes » .