Bonjour!
Les éléments qui suivent sont extraits, sauf mention contraire, d’un article signé par Yann Pouzols dans Mediapart, intitulé « La Turquie profite de la chute d’Alep pour combattre les forces kurdes » (1).
Il n’y a pas que les suprématistes israéliens qui parlent d’« animaux humains ».
La formule « vermine à figure humaine » est de Devlet Bahçeli, « leader de l’extrême droite du MHP et indispensable allié d’Erdoğan ».
Il désigne de la sorte les Kurdes de Syrie (Rojava), contre qui Erdoğan vient de relancer des opérations militaires le 30 novembre à l’occasion de la prise d’Alep par une alliance de groupes religieux syriens et de djidahistes internationaux d’une part (Hayat Tahrir al-Cham ou HTS), et de groupes de mercenaires créés et financés par la Turquie d’autre part, l’Armée nationale syrienne ( ! ).
Cette offensive-« surprise » était préparée depuis plus d’un an, et le parrain turc vient de l’autoriser.
Car, si Ankara a donné le feu vert à l’assaut lancé par Hayat Tahrir al-Cham (et les groupes djihadistes internationaux, notamment ouzbeks, tchétchènes et ouïghours qui l’épaulent) contre le régime d’Assad, les rebelles directement financés par la Turquie, eux, n’y participaient pas dans leur écrasante majorité. Ces groupes de mercenaires syriens arabes et turkmènes, qu’Ankara a par le passé déployés en Libye et dans le Haut-Karabagh, sont réunis dans une structure baptisée Armée nationale syrienne.
La surprise de l’offensive contre le régime Assad a été la déroute extrême de ses soldats, dont l’armée s’appelle, elle, l’Armée arabe syrienne ou AAS, car Assad veut ou voudrait : Un pays, Un peuple, Une langue. Il paie ses soldats 20 dollars par mois (2).
Je suppose que Xi, l’empereur de Chine, est au courant: il y a donc des Ouïghours qui apprennent le métier des armes à l’étranger. Je dois dire que malgré mon pacifisme foncier, ou mon foncier pacifisme, j’aimerais que cela l’inquiétât.
La Turquie mène donc deux offensives différentes, l’une vers le sud, celle d’HTS, qu’elle soutient de loin, en espérant que l’avancée des rebelles islamistes la placera en position de force à la table des futures négociations avec le régime d’Assad et ses alliés internationaux ; l’autre, vers l’est, menée par ses supplétifs de l’Armée nationale syrienne contre les Kurdes et leurs alliés arabes locaux.
Les Américains protègent et arment le Kurdistan syrien à l’Ouest de l’Euphrate, car les Kurdes syriens ont été les seuls à aider au sol la coalition internationale contre Daech. Ce qui pose une question: le Rojava est-il pour autant dépendants de Washington?
Erdoğan veut repousser les forces kurdes, qui se nomment Forces démocratiques syriennes, à l’est du fleuve, au-delà de la présence étasunienne, pour être plus libre de les malmener.
Micmac en Syrie, disais-je à mes potes.
Pour rappel, les Kurdes (3) forment 20% de la population turque, la Turquie comptant, d’après un militant kurde rencontré à Liège, 80 minorités. Quatre-vingts.
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Un petit exercice de lecture pour s’y retrouver? « Après la prise d’Alep, pourquoi le sort de la Syrie peut se jouer à Hama », L’Humanité du 3 décembre ((https://assawra.blogspot.com/2024/12/apres-la-prise-dalep-pourquoi-le-sort.html ou PDF).
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Post-scriptum du 27 janvier 2025:
Ce Devlet Bahçeli est maintenant à l’oeuvre dans la martyrisation de la « montagne des Kurdes », un territoire à majorité kurde assailli par des milices de l’ANS ou Armée Nationale Syrienne, rebelle anti-Assad. [Ô plaisir des mots : l’armée du régime Assad de son côté s’appelait « arabe » , soit Armée Arabe syrienne.]
Ces combattants, plus « bandits que rebelles » , ont depuis des années combattu davantage les forces kurdes que celles du régime Assad. Financés maigrement par Ankara, ils se paient sur le pays et les Kurdes, les femmes et les Yézédis sont leurs cibles favorites.
Le dépositaire de la mention « vermine à forme humaine » figure en bonne place dans cette galerie des méchants. Il est cité dans un intéressant article de Mediapart signé lui aussi par Yann Pouzols, qui s’attache largement à la région: « En Syrie, les groupes proturcs font régner la terreur sur la « montagne des Kurdes » (aussi en PDF).
Le nouveau maître de Damas, Ahmed al-Charaa, qui a beaucoup de chiens fous à contrôler, a entamé des discussions avec les FDS ou Forces démocratiques syriennes (principalement kurdes du Nord-Est syrien anciennement « Rojava »), résistant aux pressions d’Erdogan lui demandant de les combattre.
Ce dernier, réputé ami de Trump, envisagerait d’intervenir directement.
Le Rojava continue de lutter pour sa survie.
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- https://www.mediapart.fr/journal/international/041224/la-turquie-profite-de-la-chute-d-alep-pour-combattre-les-forces-kurdes ou PDF[↩]
- https://www.mediapart.fr/journal/international/301124/les-rebelles-syriens-reconquierent-alep ou PDF[↩]
- Près de quarante millions de Kurdes sont répartis principalement dans quatre pays, la Turquie, l’Irak, la Syrie et l’Iran, à quoi s’ajoute une diaspora d’environ deux millions de personnes. Dans les années 1920, après la disparition de leur province au sein du défunt empire ottoman, la Société des Nations leur avait promis un État, qui n’a jamais vu le jour.[↩]
Voir le post-scriptum ajouté le 27 janvier.