CoronaViral, 2 – Krach boursier « coronavirus »: Pourquoi les banques centrales sont impuissantes

 

Project Syndicate

 

Bonjour!

Le krach boursier d’après 2008, unanimement annoncé par les économistes libres, mais aussi par des responsables financiers divers, repentis ou pas, est arrivé.
Comme attendu, il est pire.
Et comme on le savait, il était impossible de prévoir par où il arriverait. Ce fut cet événement inattendu, la pandémie de la Covid-19.

Vous avez remarqué que « tout le monde s’en fiche », médias mainstream compris. Tout le monde, sauf les opérateurs financiers, les boursicoteurs professionnels, et quelques épargnants en général plus ou moins aisés, qui trouvent malin de faire « travailler » (la pub) leur argent  en bourse, ce qui fait, en proportion de la population globale, très peu, vraiment très très peu, de monde.

Les banques centrales ont après 2008, sauvé nombre d’institutions financières et le système financier en général, par des mesures massives allant des réductions des taux d’intérêt à une création monétaire effrénée de milliers de milliards d’euros. (D’une façon générale, les banquiers centraux déguisent leurs mesures de soutien à la finance sous le vocable de « soutien à l’économie », mais l’on sait que largement moins de 10% des masses monétaires injectées dans la finance ont un effet sur l’économie productive.) Cependant, et jusqu’à l’irruption de la covid-19, les banques européennes et mondiales sont restées sous perfusion, c’est le mot exact, et fragiles, y compris des prestigieuses qui tentent de sauver la face mais ne font pas illusion aux yeux des observateurs avertis, comme la Deutsche Bank.
Après 2008, les banques centrales ont répondu à une crise néo-libérale par un supplément de mesures néo-libérales, une « répétition du même »: c’est la Stratégie du choc (2007) de Naomi Klein.
Des mesures limitées ont été prises sur la gestion des banques privées, dont ces dernières se sont gargarisées, mais globalement le business as usual a repris sans coup férir, et à part en Islande, aucun aventureux banquier d’importance, et accessoirement ruiné, n’a été ni poursuivi, ni laissé à sa faillite, exception faite de Lehman Brothers aux États-Unis.
Cet épisode doit nous instruire sur les réelles priorités de nos gouvernements.

Qu’en est-il aujourd’hui?
Nous vivons dans un monde où, comme l’a dit un économiste étasunien bien dans la ligne, « La finance est un casino géant dont l’économie productive est une petite filiale » . Cet état du monde oblige à nommer l’économie productive « économie réelle » , …comme s’il en existait une autre, une irréelle. Rappelons que cette suprématie absolue offrant un protectionnisme d’État et universel à la finance date de la « restauration conservatrice » (Pierre Bourdieu), initiée par Margaret Thatcher en 1979 et Ronald Reagan en 1980, et adoptée universellement. Sur le continent européen, ce fut par des gouvernements auxquels participaient des partis « socialistes » ou « sociaux-démocrates »: en France par exemple, le « tournant de la rigueur » de  1983, sous François Mitterrand élu en 1981.

En 2008, la crise financière mondiale résulte d’une cause « intra-financière », l’éclatement de la bulle des subprimes, cette escroquerie bancaire de prêts hypothécaires trompeurs faits à des gens qui de façon certaine ne pourraient pas honorer leurs remboursements, une fois que le taux quasi gratuit offert pour les deux premières années laisserait place aux taux réels du marché. Ces gens très modestes, qui n’avaient jamais pensé acheter un logement, ont été activement démarchés par les agents des sociétés de crédit. Avant que la bulle n’éclate, soit très rapidement, les acteurs financiers ont « titrisé » les dettes de ces pauvres gens, en les mêlant de façon opaque à d’autres actifs. Les montants étaient tels, car il y a peu de limites à la cupidité des génies de la finance, que lorsque les endettés modestes ont cessé de payer, la chute des cours de ces titres a provoqué un effondrement boursier général. Des dizaines de milliers de personnes dans le monde ont perdu leurs économies ou leur retraite (c’est la magie de la retraite par capitalisation, qui consiste à confier ses cotisations à la bourse), et aux États-Unis sept millions de foyers ont perdu leur logement.
Mais aujourd’hui, l’origine du krach est extra-financière. C’est la revanche de la « petite filiale » ,  l’économie « réelle » . Cette dernière plonge en raison des mesures inévitables prises en réponse à la pandémie.

Les banques centrales ne s’énervent réellement que lors des secousses boursières ou financières. L’endogamie est grande entre leur personnel et les personnels de la finance privée, et même des gouvernements. Mario Draghi, avant-dernier patron de la Banque Centrale Européenne, est, comme plusieurs ministres européens actuels ou passés, un ancien de Goldman-Sachs, la plus grande banque d’affaires étasunienne et mondiale, et sa successeure Christine Lagarde a commencé sa carrière professionnelle dans un grand cabinet d’avocats d’affaires étasunien. Le plus grand fonds de placement mondial,  BlackRock (en embuscade dans la réforme des retraites d’Emmanuel Macron) compte parmi sa direction deux anciens banquiers centraux. Etc.

Face au krach boursier induit par le coronavirus, les banques centrales ont donc commencé, comme en 2008, par des réductions des taux d’intérêt, la BCE étant bien en peine puisqu’elle cultive déjà les taux d’intérêt négatifs (on paie pour y placer de l’argent…): aucun effet, puisque la cause est ailleurs.
Elles se limitent donc ensuite à des « injections » de « liquidités ». Il faut mettre les guillemets, car le vocabulaire des financiers est fallacieux. Ces « injections » consistent à « racheter des dettes » , des obligations, à des opérateurs financiers « en manque de liquidités » , c’est à dire en situation imminente de défaut de paiement. Or que doivent-ils payer? Leur activité consiste en des paris et en des paris sur des paris, voire pire. Sans cesse, ils vendent et achètent. Si les prix de ce qu’ils doivent vendre – pour gagner leurs paris en honorant leurs engagements – s’effondrent, il y a « manque de liquidité ». En français et dans toutes les langues, cela signifie qu’ils ont perdu leurs paris, qu’ils sont fauchés, qu’ils risquent la faillite.
Eh bien, chers amis, ces « injections » de « liquidités » ont très peu d’effet salvateur pour la bourse mondiale.

Un détour par le soutien de l’économie productive serait donc utile. Ici, ce sont les gouvernements qui peuvent tenter d’agir. À suivre!

3 réflexions au sujet de « CoronaViral, 2 – Krach boursier « coronavirus »: Pourquoi les banques centrales sont impuissantes »

  • 31 mars 2020 à 9h33
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    Bien d’accord avec vous : pauvre France-Inter! Je ne m’attachais, en vous envoyant ce lien, qu’à la parole de Gaël Giraud. J’ai failli émettre une réserve quant aux interventions des deux journalistes, surtout elle, fidèle à elle-même. Vous l’avez fait et c’est bien!

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    • 29 mars 2020 à 17h53
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      Merci beaucoup. Je viens de l’entendre il y a une heure, et Gaël Giraud ne déçoit jamais! Il confirme ma distinction entre crise intra-financière et crise extra-financière, qui est essentielle et plutôt évidente en réalité.
      Les deux journalistes, eux, ne sont pas à la hauteur du réel, ils n’ont pas les yeux ouverts. Lui, parle du retour de l’état-providence après 2008, quelle aberration, et Giraud réussit à rester calme et mesuré – c’est une de ses grandes qualités. Elle, parle de « la peur » et d’autres éléments subjectifs sans rapport aucun avec leurs causes. Pauvre France-Inter!
      Il serait intéressant de relever la proportion des temps de parole que la chaîne accorde à des gens intelligents comme Giraud, en regard de tous les idéologues ordinaires. La Matinale par exemple est une calamité, un véritable officine de propagande de l’inégalité. Peut-être qu’Acrimed nous fera ça. Ce site de salubrité publique gagne déjà à être consulté, comme en tous temps.

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