Alain Supiot, des outils pour le temps présent

Alain SUPIOT 22222

Bonjour!

Alain Supiot est juriste du travail, théoricien et historien du droit, prof à Nantes, et depuis 2012, au Collège de France, à la chaire « État social et mondialisation : analyse juridique des solidarités. »
Un de ses cours de cette année est intitulé « Du gouvernement par les lois à la gouvernance par les nombres ». Sa pensée qui plonge dans l’histoire s’intéresse à la crête du mouvement présent. (Il a travaillé aux EU et en Italie et semble lire l’allemand aussi.)

J’ai commencé son avant-dernier livre, « L’esprit de Philadelphie. La justice sociale face au Marché total » , Paris, Seuil, 2010, 182 p., dont voici deux citations approximatives:

Verdun, c’est le début des « ressources humaines »: traiter les hommes comme des animaux, ou comme des choses.  La Shoah et Hiroshima [sont dans cette ligne.]

Karl Polanyi l’a très bien expliqué: le capitalisme, forme actuelle d’une économie de marché plus large que lui, repose sur trois fictions: il considère le travail, la nature et la monnaie comme des marchandises, comme des produits.
Ces fictions ne sont tenables que si des dispositifs institutionnels, juridiques, protègent les hommes, la nature, la monnaie. Depuis trente ans, on s’emploie à miner ces dispositifs. Le point où la déréglementation a été la plus totale étant le monétaire, il était prévisible que c’est là que ça casserait.

On est passé du gouvernement des hommes (ce qui me paraît déjà une vue optimiste du passé) à l’administration des choses (là, très modestement, je suis d’accord), nous dit-il. Ça se voit dans de nombreux domaines de l’activité humaine et en particulier dans la sujétion au « marché total », y compris dans la mise en concurrence, comme de simples marchandises, des régimes juridiques nationaux, et dans  l’organisation du travail (ce qui n’est pas peu !) où l’on observe la montée asymptotique du recours à la quantification, au « ranking », et à toutes ces tentatives de mettre en chiffres ce qui ne se doit, et de toute façon ne se peut.
L’optimisme de Supiot, qui me laisse sur ma faim, c’est que « la réalité va reprendre le dessus », et sa conception idéaliste du droit, lequel semble descendre du ciel et fonder la société, sans que le ventre de cette dernière y soit pour quoi que ce soit, n’est pas la mienne, mais ces deux réserves exprimées, Supiot m’épate au plus haut point. Formidable!

Vous saurez très vite si Alain Supiot (Wikipedia) vous touche, avec ces deux vidéos de douze minutes,
1/2: http://www.dailymotion.com/video/xc15hj_justice-sociale-entretien-avec-alai_news
2/2: http://www.dailymotion.com/video/xc15ly_justice-sociale-entretien-avec-alai_news

Si vous en voulez plus, il y a aussi conférence que je trouve fascinante par la conjugaison d’une présentation tout à fait universitaire-académique (donc très convenue si pas coincée) et d’un contenu à mes yeux tout à fait tranchant (40 minutes), le monde d’aujourd’hui dans toute son actualité: http://www.dailymotion.com/video/xbrhew_conference-alain-supiot_tech

Bien à vous!

Guy

 

2 réflexions au sujet de « Alain Supiot, des outils pour le temps présent »

  • 19 mai 2014 à 12h12
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    Les travaux de Supiot sont intéressants. Toutefois, je ferais remarquer qu’hélas le regard des francophones belges reste trop souvent braqué sur l’actualité française. Nous passons ainsi à côté des penseurs belges trop peu lus. Sinon vous sauriez qu’à l’ULB une chercheuse répète depuis près de vingt ans ce que Supiot découvre aujourd’hui. À l’écouter nous aurions pu prévoir et non subir passivement nombre d’ignominies politiques. Lisez du Corinne Gobin. Parlez-en.

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    • 19 mai 2014 à 23h03
      Permalink

      Merci! C’est sûr qu’en Belgique les intellectuels en sont pas à la fête. J’ai lu quelques articles de Corinne Gobin, notamment l’appel paru dans La Libre (et qui à mon avis doit beaucoup à sa plume, tant la qualité de ce texte tranche sur ce qu’on peut lire dans la presse belge en général) qui a donné naissance à l’expérience Un Autre Gauche, dans laquelle je me suis engagé à Liège. Corinne a quitté UAG après deux ou trois mois, suite à des manipulations d’un groupe trotskyste, moi après deux ans. J’avais compris cette initiative comme la tentative d’une rénovation des cadres ordinaires de pensée de la contestation émancipatrice, et UAG s’est révélé être un essai de convergence de petits partis et mouvements de gauche et de certains syndicats.

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