Le journalisme de révérence dans « Le Soir », et les dinosaures

(Première mise en ligne sur http://bxl.indymedia.org/articles/2184 )

Les dinosaures ont vécu cent cinquante millions d’années. Comment envisagez-vous une gouvernance économique de cent cinquante millions d’années?

 

Bonjour!

 

J’ai soigneusement étudié à l’époque, sur papier, la double page consacrée par Le Soir à la ratification du traité de Lisbonne. Elle était coordonnée par Maroun Labaki, alors envoyé dans la capitale portugaise au titre de, si je ne me trompe, rédacteur plus ou moins en chef plus ou moins adjoint.
C’était en tout point absolument creux et anecdotique, dans la veine « Le congrès s’amuse », mais sans le talent d’un film qui savait divertir et prendre des distances avec son sujet.

Le même signe aujourd’hui la mâle apostrophe ci-dessous [texte au bas de ce billet], tout empreinte des recommandations du gratin financier et eurocrate, et d’une morgue de donneur de leçon.
Où l’on voit que la presse peut être loin du « contrepouvoir » ou  du « quatrième pouvoir » que les optimistes  aimeraient qu’elle soit.

La démocratie représentative est une démocratie sévèrement limitée par le triomphe de l’oligarchie, c’est ce qu’affirme au moins un rédacteur en chef adjoint au monde, Hervé Kempf, du …Monde. (Voir son livre L’oligarchie, ça suffit, vive la démocratie)

Comme certains syndicalistes, Labaki ramène à lui la couverture labélisée des Indignés, alors que ceux-ci affirment avec force que les élus ne les représentent pas, que les syndicats ne les représentent pas.
Il recommande de « s’indigner » pour enfin « terminer le chantier de la gouvernance économique » Goldman Sachs-compatible…
Le propre de la récupération, et son impératif catégorique, c’est d’oser le plus grand contresens, et le plus vite!

Les chiffres et l’obsession économique sont en fait le vrai sujet de l’article.
Pour qui roule Maroun Labaki?

Eh bien… Le discours économique est la formulation de la nécessité telle qu’il est efficace aujourd’hui, pour  le maintien des privilèges, de la répandre dans l’opinion.

Si les gouvernants évoquaient jadis la religion ou la patrie, aujourd’hui la religion d’État s’exprime en jargon économique, lequel est une mise en abime d’une superposition de silences et de mystifications sémantiques. Ainsi, quand John Kenneth Galbraith*, qui a connu en tant qu’économiste tous les honneurs, rédige à plus de nonante ans son testament intellectuel, il le nomme Les Mensonges de l’économie. C’est,  pour 10 euros, une heure de vivifiante remise en place des fondamentaux du mensonge des haut-parleurs.

Ben oui… « l’économie n’est pas une activité née de la prégnance du règne des besoins et de la nécessité de la lutte pour la survie. Si c’était vrai, sa place serait décisive dans les sociétés primitives, et secondaire dans les sociétés matériellement développées. Or, c’est le contraire qui s’est produit » , ainsi que l’écrit Patrick Viveret dans Transversales en avril 2001.

Ce qui rend optimiste dans cette écœurante sujétion du prétendu « destin commun » aux « chiffres » (citations empruntées à l’avant-dernier paragraphe), c’est qu’avec des pilotes ou des cerveaux comme celui-là, l’Europe de la gouvernance économique sera, le jour venu, aussi aveugle à sa fin imminente que Louis XVI, écrivant dans son journal le 14 juillet 1789: « Aujourd’hui, rien » , que le communisme de Berlin-Est la veille de la chute du mur, que la Tunisie de Ben Ali le jour où un jeune marchand de quatre saisons s’est immolé par le feu…
À suivre!

…Les dinosaures ont vécu cent cinquante millions d’années. Comment envisagez-vous une croissance équilibrée de cent cinquante millions d’années?, raillait l’écrivain suisse Friedrich Dürrenmatt. « Croissance équilibrée » n’est bien sûr ici qu’un avatar transitoire, périssable, à remplacer par la sornette idéologique du moment.

Bonne lecture!

Guy

* J.K. Galbraith est aussi l’auteur d’un article indispensable, « L’art d’ignorer les pauvres ».

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(sur le site du journal Le Soir: ici)

Indignons-nous et débloquons l’Europe !
MAROUN LABAKI

samedi 18 juin 2011, 11:30

 Crise de l’euro, divisions sur le Printemps arabe, retour des contrôles à certaines frontières intérieures, montée de l’euroscepticisme : l’Europe fait grise mine ces derniers temps, alors que l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, fin 2009, devait la rendre plus efficace et plus séduisante.

De toutes parts, des voix inquiètes s’élèvent. Mercredi dernier, Jan Tombinski, le représentant permanent de la Pologne auprès de l’UE, déclarait : « La crise des finances publiques a un impact sur tout, y compris sur la confiance entre les partenaires dans l’Union. » En tant qu’ambassadeur du pays appelé à assumer la prochaine présidence tournante, il s’exprimait lors d’un colloque organisé à Bruxelles par Notre Europe et quinze autres think tanks – qui prévenaient : « L’Europe en tant que telle subit des niveaux jamais égalés de division et de contrainte, qui amènent à s’interroger sur la détermination des Européens à rester unis. » Le lendemain, un de ces think tanks, le European Policy Centre, se montrait presque alarmiste : « L’UE paraît fragile et fatiguée, et certains dirigeants semblent ignorer que l’intégration peut encore échouer par manque de confiance et par négligence. »

 Voilà donc l’Europe au milieu du gué ! Et chacun, dans les capitales, de sortir son boulier compteur, comme si les effets de la construction européenne étaient tous quantifiables !

A ces états d’âme, une seule réponse s’impose : aller de l’avant, avec la certitude que le point de non-retour est depuis longtemps franchi.

 Il ne s’agit pas que de belles formules. Toute monnaie est accoudée à une politique économique. Sauf l’euro ! Depuis les débuts de la monnaie unique, les plus lucides répètent inlassablement qu’il convient de corriger cette lacune.

 Il a fallu la secousse de Lehman Brothers et toutes ses répliques pour qu’enfin le chantier de la gouvernance économique européenne soit réellement lancé. Indignons-nous et terminons-le !

 Bien sûr, comme pour le financement futur de l’Union, il est question de chiffres, mais davantage encore de politique, de dessein historique, de transferts de souveraineté, de confiance, de destin commun. Libre à ceux qui n’en veulent pas de faire demi-tour…

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