Tutti!
Et le foot dans tout ça?
Je vous parle une fois de plus de deux livres que je n’ai pas lus.
Vous avez déjà entendu parler d’Eduardo Galeano, né en 1940?
Cet écrivain uruguayen, de tendance ou d’esprit communiste, est comme un poisson dans l’eau dans son quartier à Montevideo – ce qui est très maoïste. D’ailleurs, il a signé cet aphorisme: Le petit vol est un délit contre la propriété. Le grand vol est le droit des propriétaires, et il fut sur la liste des condamnés à mort de la dictature militaire.
Il paraît que si vous prenez un taxi à Montevideo, et que vous dites vouloir aller chez Eduardo, le chauffeur vous répond: « L’écrivain? », et il vous y emmène. Un rêve pour BHL, sauf que celui-ci ne veut pas que les chauffeurs de taxis et n’importe qui sachent où il vit.
Galeano a écrit en 1971 un des plus beaux livres en son temps sur le sujet, Les veines ouvertes de l’Amérique Latine, d’après ce que disent des personnes à qui je fais confiance. Un succès mondial. Et des décennies plus tard, Hugo Chavez a pensé qu’il ne serait pas inutile de l’offrir à Barack Obama.
Galeano a aussi écrit le moins connu El fútbol a sol y sombra, « Football, soleil et ombre », comme on appelle les deux catégories de places, au foot là-bas ou à la corrida ailleurs, les plus chères à l’ombre, les moins chères au soleil (1995, édition augmentée depuis):
« Pendant des années, je me suis senti défié par le sujet, la mémoire et la réalité du football, et j’ai eu l’intention d’écrire quelque chose qui fût digne de cette grande messe païenne, qui est capable de parler tant de langages différents et qui peut déchaîner tant de passions universelles. C’est de ce défi et de ce besoin d’expiation qu’est né ce livre. Hommage au football, célébration de ses lumières, dénonciation de ses ombres. Je ne sais pas s’il est tel qu’il voulait être, mais je sais qu’il a grandi en moi et qu’il est arrivé à sa dernière page, et que, maintenant qu’il est né, il s’offre à vous. Et je garde l’irrémédiable mélancolie que nous ressentons tous après l’amour et à la fin de la partie. »
Je voulais simplement citer l’extrait de quatrième de couverture dont je me souviens, que je n’arrive pas à trouver sur Internet. Le voici donc de mémoire et en substance: « Comme tout enfant de mon pays, je rêvais d’être un jour un grand footballeur. Et ça tombait bien! J’étais d’une légèreté et d’une vitesse qui me faisait dribbler tous mes adversaires. Malheureusement, uniquement dans mon sommeil. »
L’intérêt de ma petite recherche, ce sont toutes sortes de pépites qui me sont tombées sous les yeux. Ici, une longue citation, et là, tout le bien que certains pensent de son opus Le livre des étreintes: même le Figaro l’aime!
Je ne suis pas loin de penser que le football et la politique telles que nous la connaissons font appel aux mêmes facultés et régions du cerveau – je l’ai même écrit ici et là. Vous avez déjà remarqué ça?
Cela dit, pour certains, je tremble fraternellement de penser à ce qui leur resterait d’activité réflexive sans ces jeux du cirque parfois douteux et les guerres de religion parfois pacifiques dont il s’agit: <http://www.youtube.com/watch?v=BGY7GDfkrsE>.
Plus sérieusement, Jean-Claude Michéa, que j’aime beaucoup pour son Impasse Adam Smith: Brèves remarques sur l’impossibilité de dépasser le capitalisme sur sa gauche, et qui joue au foot, a écrit, en réponse et en hommage à Galeano,
Les intellectuels, le peuple et le ballon rond. Il y définit le mot « intellectuels » , et cela aussi a retenu mon attention.
Au bout du compte, on peut donc s’intéresser au foot sans crainte de tomber idiot ou corrompu pour la cause. Si ceux-là le peuvent, pourquoi pas nous?
Et du côté des joueurs, même professionnels et parmi les plus grands, certains ont été des citoyens exemplaires et engagés, au péril de leur vie parfois. Arte leur a rendu justice dans une série de cinq reportages, présentés par Eric Cantona, et réunis en un DVD, Les rebelles du foot. Certains passages sont terriblement émouvants.
Bon.
Il est est 15h55. À 18 heures commence le match après lequel nous saurons si l’équipe belge dite de chez moi l’aura emporté en quart de finale contre l’argentine dite de Messi.
Je me dépêche de mettre ce billet en ligne et de l’envoyer à mes contacts, et preuve sera faite qu’avant ce match, je disposais toujours de mes facultés.
Bonne fin de journée, bonne nuit, bonjour!
Guy
PS: j’ai un regret, celui de ne pas avoir les références ou le lien pour une chanson anarchisante et critique de la folie du foot, entendue sur Rtbf première, où une jeune femme chante des rimes sur « fiottes » et sur « foot ». Si une de mes lectrices pouvait m’en dire plus, ce serait formidable. Un lecteur, aussi.
Eduardo Galeano nous a quittés le 13 avril 2015.
À cette occasion j’ai retrouvé la citation donnée ci-dessus de mémoire. « Comme tous les Uruguayens, j’ai voulu être footballeur. Je jouais très bien, j’étais une vraie merveille, mais seulement la nuit, quand je dormais. »
Elle est reprise dans cet hommage écrit en vocabulaire footballistique: http://www.legrandsoir.info/eduardo-galeano-ballon-crampons-et-revolution.html