Bonjour!
Faut-il être sémiologue ou spécialiste du langage des signes, doté d’un talent de traducteur de la pierre de Rosette, pour décoder cette couverture?
Tout d’un coup, la presse du capital nous dit que les gens qui travaillent « doivent travailler ». Ah! Ils doivent, les pauvres? N’ai-je pas mille fois entendu qu’ils le choisissaient, de travailler ou pas? Eh bien, la presse de l’entreprise peut le dire, qu’ils doivent travailler, et elle le dit! …Mais uniquement dans l’hypothèse où ils ne devraient plus le faire.
…Glâce à Groogle!
L’article développant le sujet de couverture en rajoute une couche: « Les robots et les algorithmes sont là pour réaliser toutes les tâches routinières dont les travailleurs ne veulent plus » . À nouveau, je découvre la lourdeur de mes préjugés: contrairement à ce que je croyais avoir appris, les travailleurs ne vivent pas sous l’empire de la nécessité, ils décident! Ils « ne veulent plus » de certaines tâches, et l’informatique s’exécute. Groogle, c’est le peuple au pouvoir.
La couverture affiche encore que, prochainement, les robots feraient « tourner l’économie »…
– Faire tourner l’économie… Pour qui, pour quoi?
– Mais on s’en fiche! On vous dit qu’elle tournerait.
À vrai dire, Trends-tendances met quelques guillemets dans son article et demande si tout cela est plausible.
Le Financial Times cependant, sur lequel la revue se fonde, est lui carrément idolâtre.
Le FT photographie Larry Page, patron de Groogle, les yeux au ciel comme Bernadette Soubirous – et je ne dis rien ici du subtil et éthéré drapé de couleurs en fond.
Le FT dit la grandeur de la vision du « CEO ».
Le FT parle d’un modèle d’entreprise altruiste.
Le FT entérine l’idée, véhiculée par ses fondateurs, que Groogle remplit des missions.
Je me souviens que Page ou son associé a dit un jour: « Google a la mission d’organiser l’information du monde. » Car tel est l’ADN socio-culturel ou l’inconscient de l’Étasunien de base.
Pour revenir au Financial Times, les considérations merveilleusement messianiques et morales qui précèdent sont entrelardées, et grassement (ben oui…), du vrai motif de la révérence journalistique: les dollars et les milliards. Ce qui au final rend tout ça assez ordinaire.
La vulgarité n’est pas le privilège des pauvres!