Bonjour!
Michel Rocard, une fois mort, fait l’unanimité de la classe politique française de gouvernement.
Une de ses dernières déclarations fut que la loi travail est « une chance pour la France. »
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Michel Rocard fut aussi l’auteur de la phrase « Nous ne pouvons pas héberger toute la misère du monde », popularisée par les partisans de la fermeture des frontières, et frappée selon toute apparence au coin du bon sens. Vous avez peut-être déjà appris comme moi que la phrase complète se terminait, ou se terminerait, par un « mais la France doit en prendre sa part. »
Voici que l’article suivant nous donne un lien vers l’enregistrement original, où l’on peut découvrir (c’est mon cas) que les seuls migrants considérés par Michel Rocard comme recevables étaient les réfugiés politiques, interdits chez eux de liberté d’expression.
C’est dans la revue Contretemps. Cette dernière rompt avec l’unanimisme des cimetières et rappelle quelques vérités intéressantes dans son article « Quand Rocard préparait le tournant de la rigueur. »
Le « tournant de la rigueur », vous vous en souvenez peut-être, c’est le début, en 1983, de la contamination néo-libérale du parti de François Mitterrand, élu à la présidence de la République française en 1981. Un tournant qui aboutira, dès la fin de son premier septennat, à la mise au pouvoir sans contrôle de la finance qui caractérise notre époque.
Le protectionnisme légal accordé à la finance, et la dérégulation des marchés, apparaissent avec le recul, comme la vraie mission historique des années 80 de la gauche de gouvernement européenne, à cette époque partout au pouvoir sur le continent.
Et Michel Rocard n’a pas démérité de ces socialistes et sociaux-démocrates qui ont « fait le job », dévolu à Margaret Thatcher et Ronald Reagan en d’autres pays.
Aujourd’hui, le parti de Sarkozy et Juppé ne s’y trompe pas, et lui rend hommage.
…Dame! Quand on veut le pouvoir – ou garder le pouvoir -, on met le prix.
Et les choses étant bien faites, ce sont d’autres qui paient.
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Début de l’article:
La mort est une grande productrice d’amnésie collective ; à coup d’hommages nationaux, elle va jusqu’à transformer ceux qui furent les serviteurs zélés des puissants en amis des opprimé·e·s. Michel Rocard est de ceux là, dont la mort permet d’oublier ce que fut son action réelle, par la célébration ad nauseam de « l’homme de gauche » qu’il fut, dit-on, indéfectiblement.
Car Rocard n’est pas seulement celui qui a affirmé « nous ne pouvons plus héberger toute la misère du monde », légitimant les renoncements de la gauche sur la question de l’immigration et offrant un boulevard, dans le champ politique, à une xénophobie de plus en plus sûre d’elle-même. Il n’est pas seulement le 1er ministre qui a le plus usé du « 49-3 » pour imposer sa politique (Manuel Valls a été à bonne école…), ou a permis l’amnistie des militaires qui assassinèrent des militants kanaks à coup de bottes au terme de l’assaut de la grotte d’Ouvéa, comme il le reconnut plus tard. Il est également celui qui, dès les années 1970, a préparé le tournant de la rigueur et favorisé l’introduction, au sein du PS, du néolibéralisme.
Rien d’étonnant dès lors à ce que Michel Rocard ait pu fêter ses 80 ans en compagnie d’ancien·ne·s dirigeant·e·s du MEDEF, tels Ernest-Antoine Seillière ou Laurence Parisot, d’Alain Bauer (grand promoteur de politiques sécuritaires sous couvert de « criminologie »), outre évidemment les pontes du PS, Nicole Notat (ancienne secrétaire générale de la CFDT, reconvertie en PDG d’une entreprise d’audit-conseil) ou l’intellectuel social-libéral Pierre Rosanvallon (qui cherche activement, depuis quelques années, à faire oublier qu’il fut, sur un plan intellectuel, le principal promoteur de l’extrême centre, c’est-à-dire d’un néolibéralisme « ni droite ni gauche »). Nulle raison non plus de se montrer surpris que Rocard ait pu, à la toute fin de sa vie, considérer que la loi travail était « une chance pour la France ».
Article complet ici.
PS:
Il faut rendre justice à Michel Rocard jeune. Alerté par un ami et sur sa suggestion, il a enquêté, lors de son stage d’inspecteur des finances en Algérie, sur les camps « de regroupement » qu’organisait en secret l’armée française pour enfermer les populations paysannes algériennes, afin d’assécher les soutiens dont pouvait bénéficier le FLN dans la population. Les conséquences en furent au moins 200.000 morts, par mauvais traitements ou famines provoquées par la ruine des campagnes, chiffre auquel aboutit Rocard. Il a fait une longue étude sur le terrain, accumulant les preuves et les chiffres, sans mandat officiel, en-dehors de ses heures de travail et dans la plus grande discrétion lui aussi. Son rapport fut envoyé en secret à destination du général de Gaulle, et les intermédiaires organisèrent la fuite de ce qui devint pour la presse et l’histoire le Rapport sur les camps de regroupement, un document explosif.
Les précisions sont donnés par l’historienne Anne Guérin-Castell en réponse à un article de Pierre Joxe.
Michel Rocard? Hi ha hou!
« Un branleur parle des gaz de schiste (le cas Rocard) » , par Fabrice Nicolino, le 12 novembre 2012:
http://fabrice-nicolino.com/?p=1418
Bonjour,
Unanimisme des cimetières, oui, et privatisation de l’histoire. C’est un des intérêts de la théorie, pardon, de la propagande selon laquelle l’histoire serait faite par les rois, les princes et les ‘grands’ hommes ou femmes.
Ainsi Michel Rocard aurait créé le RMI (revenu minimum d’incertitude.) Vous comprenez? Tout seul, il a fait ça. Et à contrecourant, tant qu’on y est.
Le blog Mediapart d’Yves Faucoup nous dit ceci: « le RMI était une proposition électorale de François Mitterrand, que Michel Rocard fut chargé de mettre en œuvre. On pensait qu’elle permettrait à 500 000 foyers de disposer d’un minimum vital (car rien n’existait alors pour leur venir en aide, sinon des bons alimentaires distribués par les centres communaux d’action sociale ou par les associations caritatives). Très vite, ce fut un million de foyers qui se trouvèrent ainsi aidés par ce nouveau revenu minimum. La loi avait été massivement approuvée, excepté 24 députés qui s’abstinrent et trois qui votèrent contre (dont Gilbert Gantier, député, comme il se doit, du 16ème arrondissement) » . (https://blogs.mediapart.fr/yves-faucoup/blog/060716/michel-rocard-et-le-rmi)
Et je gage qu’un examen à l’international montrerait que la France n’était pas en avance sur ce coup-là. Il fallait bien que ça arrive, le ventre de la société y travaillait, et forcément, il y aurait un gouvernement à la manoeuvre. C’est leur boulot, les manoeuvres.
« Michel Rocard avait laissé un testament très précis. Il voulait une cérémonie au temple, un hommage national aux Invalides avec allocution du président de la République mais aussi de l’ancien secrétaire général de la CFDT, Edmond Maire, et un hommage à Solférino avec intervention du Premier ministre Manuel Valls, de l’historien du PS Alain Bergounioux et de moi-même », explique le Premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis. »
http://www.francetvinfo.fr/politique/michel-rocard/le-testament-de-michel-rocard-un-triple-hommage-au-temple-aux-invalides-et-au-ps_1529417.html
Je ne suis pas française… mais je sais qui est Michel Rocard.
Je possède son livre « Pour une autre Afrique », écrit quand il était député au Parlement Européen.
Ce monsieur a toujours eu son mot à dire sur tout.
D.