[Ce billet, retrouvé en mars 2017, et qui couvre une année d’efforts intermittents, a été publié le 6 septembre 2006 sur deux sites ou parties de sites aujourd’hui disparus, sans archives et sans sommations, fairelejour.org et acontre-courant.org. Il y manque la relation de l’ultime mésaventure qui m’a fait tourner les sangs, asséché toute patience et poussé irrésistiblement à réinstaller un Windows sur ma bécane, sans esprit de retour et au bord d’une attaque.
Je n’ai pas entendu dire depuis que Linux soit devenu d’usage courant pour les innocents, et quoi qu’il en soit, cette page est tournée pour moi.
Je le remets donc en ligne ici, puisqu’après tout, mon blog est aussi un site d’archives.]
Intro
Le hasard et la nécessité ont fait de moi un utilisateur Windows efficace, mais je n’ai pas tardé à me convaincre des fondements purement commerciaux et médiatiques de la fausse supériorité de MicroSoft. J’ai peu à peu découvert l’intérêt du logiciel libre, qui s’étend sur les plans de l’innovation, de l’évolutivité et de la stabilité (Windows, ça se « plante » !), en plus de reposer sur un rapport citoyen et pacifié, non propriétaire, au « droit d’auteur ». Ça fait beaucoup ! Ainsi depuis des années, je n’utilise que les logiciels Mozilla, Thunderbird pour mon courrier, et Firefox pour naviguer sur Internet. Parfois Openoffice en texte ou tableur, avec cette limite sérieuse qu’il est incompatible avec mes travaux professionnels. Et toujours l’inévitable Windows avec la vanité de ses incessants débogages ou Service Packs.
J’ai donc décidé qu’à court, moyen ou long terme, je bannirais les produits de Willy Desportes [1]. Je veux Linux.
Cela dit, mon ignorance de la syntaxe des « systèmes d’exploitation libres » (!) est totale, totale et sans complexe. Je n’ai aucune envie d’étudier les innombrables commandes « sudo » et autres, vu qu’il y a plus de 30 ans, Macintosh ou un de ses modèles créait les interfaces graphiques pour éviter le recours au fer à souder. Je n’ai ni le temps ni l’envie de souder, seraient-ce des bribes, de « software ». Mon cas aurait été incurable jusqu’il y a peu, mais les distributions Linux ont beaucoup progressé, et deviennent accessibles, dit-on, à l’usager lambda. Plus besoin d’un DEA en informatique parallèle pour en goûter les fruits.
Cet été je me suis offert un ordinateur portable. Et deuxième plaisir, j’ai dès le déballage soigneusement écarté les logiciels Windows livrés avec la machine. Comme je n’ai trouvé, vacances obligent, personne pour m’aider, il a fallu installer moi-même la distribution Ubuntu, réputée la plus intuitive, au départ d’un CD. Les lignes de commande et les questions s’affichaient pour leur premier tiers à droite de l’écran, pour leur troisième à gauche, et le tiers manquant était livré à mon habileté pour les devinettes, mais je m’en suis sorti. Troisième plaisir.
Ensuite j’ai configuré la machine pour mon modem usb, la pire des espèces sous Linux ai-je lu quelque part, grâce à un petit programme [2] trouvé sur Internet à l’aide de Google, autre star de ce monde du délire d’appropriation que je cherche à quitter. Ça marche parfaitement, et en deux minutes comme écrit dans la doc.
Oui, en deux minutes …après que j’ai eu lu pendant deux heures toutes sortes de versions du document, car les anciennes et la dernière cohabitent, dans le désordre et pas toujours datées, après que j’ai eu lu un tas de recommandations pêchées dans la généreuse gerbe de liens annexes, que j’ai eu appris qu’existaient les protocoles PPPoA et PPPoE, et lequel me concerne, que j’ai eu parcouru une table mondiale des valeurs VPI-VCI pour repérer celles de mon fournisseur d’accès, que je me fus inscrit à un forum spécialisé, que j’y eus passé une heure à lire des documents dont je découvrais parfois à la troisième page qu’ils concernaient un autre type de modem ou de fournisseur, et après TROIS réinstallations COMPLÈTES d’Ubuntu, alors, oui, en deux minutes, ça a roulé comme sur des roulettes.
Il me restait juste, à la fin, le nez sur le document, à traiter deux recommandations. D’abord, corriger un premier bogue. Pas trop difficile, une fois un « terminal » ouvert, une première dans mon existence, au sortir de vingt minutes de labyrinthe.
Ensuite je devais interpréter un dernier point, qui ne me concernait pas dans l’immédiat, mais… J’ai écrit à l’auteur et demandé, sans recevoir de réponse en deux jours d’attente, si l’avertissement suivant, qui me paraît assez inquiétant, restait valable après réussite de l’installation : » Le second [bogue] affecte ceux qui ont utilisé network-admin, l’outil de configuration du réseau de Gnome (Administration / Réseau ). Au moindre changement (relatif ou non au Speedtouch [mon modem]), l’application modifie incorrectement l’un des fichiers de speedtouch ng, alors ne touchez pas à cette application avant une mise à jour de gnome-system-tools !! » Les deux points d’interjection sont de la rédaction.
Inutile de dire que j’ignore tout de cette mise à jour. J’ai bien obtenu, après quarante minutes de recherches diverses, un message m’affirmant « Votre système est à jour », mais il va de soi que je n’ai aucune garantie qu’il s’agisse de la réponse à ma question.
Au cours de mes lectures, j’ai appris qu’avec la distribution Debian on installe mon modem sans problème en une minute… Soit. Mais on m’avait déconseillé cette distribution comme puriste à l’excès est très délicate à installer, impossible à mon niveau de connaissances.
Au total, je venais de consacrer la moitié de mes loisirs de deux semaines de vacances à cette affaire. Ah! J’oubliais presque : sur une des deux « listes Internet » auxquelles j’avais cru bon de m’abonner pour me faire aider, je me suis fait invectiver par un gardien du temple, pour ma méconnaissance de « l’étiquette » disait-il (j’ai cru rêver!), dont j’ai compris qu’elle exige d’expliquer en long et en large les efforts et le temps consacré, ou plutôt, perdu, avant de se permettre de demander une aide qui fait pourtant l’objet de la liste : « N’oubliez pas la netiquette. Poser des questions, c’est bien, mais un peu de recherche avant de poser la question est la moindre décence… »
Peu importe. J’avais un début de fonctionnement potable du portable, en attendant de me faire aider, gratuitement ou non, à la rentrée. Je pouvais naviguer sur Internet, consulter mon courrier, traiter sans trop d’exigence des documents basiques. La vérification de l’orthographe et la recherche de synonymes étaient en rade, mais cela pouvait attendre, comme les raccourcis sur le bureau et d’autres petits points de confort que je ne doute pas d’acquérir « en deux minutes », le jour venu.
Je suis loin de l’accès Internet sans fil dans les lieux publics ou dans le train, loin du WIFI sous Linux, mais j’avance, c’est certain !
Panne
Je pars alors une semaine à l’étranger, et j’embarque mon nouveau joujou, sans vraie nécessité, juste pour l’ouvrir à l’occasion, sans modem et sans Internet. Juste pour méditer quelques courriels et relire un texte. Et là, ô joie ! Mon fringant portable se plante complètement. Il n’accepte de démarrer qu’avec l’antépénultième configuration. Et encore, en mode restauration. Je n’ai aucun accès à mes courriers pourtant stockés sur la machine, et mon traitement de texte ne tourne qu’en anglais !
Questions
Mon bel objet, qui devait accompagner et enrichir mon « nomadisme » (la pub), réagit-il en sédentaire déraciné à un déplacement horizontal de six cents kilomètres ? N’a-t-il pu supporter, tel un rampant sonné par l’ivresse des cimes, le déplacement vertical de mille cinq cents mètres entre mon domicile et une vallée suisse ? Lui qui est né pour l’autonomie (la pub), meurt-il de la séparation d’avec son modem, après une noce trois fois reportée ? Et : les mises à jour en ligne, automatiques, peuvent-elles être responsables de l’incident ?
Je m’interroge.
De retour chez moi, j’ai soigneusement rangé le portable. Je l’ai oublié. Jusqu’à ce début septembre, où je vais pouvoir montrer mon cobaye aux bénévoles d’une association Linux, prêt à tout recommencer à zéro. Un mois plus tard et une quatrième fois.
Final
Le plus embêtant, dans cette affaire à suivre [3], c’est que l’expérience n’est pas de nature à installer une confiance à la hauteur de la légendaire stabilité de Linux, dans la mesure où je veux rester un usager naïf pour lequel l’ordinateur est un outil, et non un maître exigeant qui consomme mon temps libre au lieu de me servir. Je suis logiquement prêt à rémunérer une installation, mais j’aimerais avoir une assurance raisonnable de ne pas devoir recourir à un professionnel à chaque nouveau périphérique ou à chaque mise à jour.
J’appartiens pour ma peine à un public encore délaissé par la « communauté » (mot traduit de l’anglais, qui use et abuse du terme) du logiciel libre. Cette dernière ne semble pas à ce jour avoir conféré à Linux une qualité tout de même minimale que l’on est en droit d’attendre d’une machine d’usage courant : l’accessibilité.
Devrai-je attendre Ubuntu 2010 ?
* * *
Notes:
[1] …Vous avez deviné ? Bill, et Gates !
[2] Le très méritant http://doc.ubuntu-fr.org/materiel/modem_adsl_speedtouch_330_speedtouch_ng
[3] La suite a été la fin. Compte rendu prochainement.
Bonjour,
Un ami m’a fait découvrir votre blog au sujet notre vote français ce dimanche : « que veut le peuple » … je souhaite, tout comme vous qu’il se réveille !
Mais mon commentaire concerne bien Linux. 2006, waouh ! Tout comme vous j’ai attendu que cela devienne véritablement accessible et ça l’est aujourd’hui ! Co-fondatrice d’un « groupe d’utilisateurs de logiciels libres (ou GULL), je peux vous assurer que c’est bien le système qui suffit à la majorité des propriétaires d’ordinateurs en évitant d’acheter un nouvel appareil pour avoir le nouveau système Microsoft et ses surveillances de masse.
Dommage que vous habitiez en Belgique, je suis dans la Vaucluse, notre site : https://linux-ventoux.org/ . Toutefois , il existe de nombreux gulls dans le monde et particulièrement en Europe, donc en Belgique. Si l’aventure vous tente encore … n’hésitez pas, je vous conseillerai à distance ; nota : l’esprit du libre a été bien compris par M. Mélenchon 😀
Bien librement et cordialement.