« Nous, quand on est convoqués par la police, on a pas d’immunité ouvrière! On y va. »
Lors du débat télévisé de quatre heures ce soir entre les onze candidats à l’élection présidentielle française, Philippe Poutou, le seul ouvrier de la bande, l’a dit à Marine Le Pen, qui, en tant que candidate « anti-système », use de son immunité parlementaire européenne pour ne pas répondre aux invitations de la police.
C’est une des meilleures phrases de la soirée, et je l’adopte!
Dans le moment qui suit, Philippe Poutou déclare vouloir réduire le salaire des élus au revenu moyen des salariés. Question de la première journaliste: « Et ça va les rendre moins corrompus? » (2:43)
Ça c’est du lourd! Pauvre Poutou, qui ne s’est même pas spécialement habillé pour la soirée!
…Que croyez-vous qu’il pût répondre?
Eh bien, deux choses.
D’abord: « Ils courront moins après le poste ». (Premiers rires dans la salle.)
Et ensuite: « Ils auront peut-être plus envie d’augmenter le smic et les salaires puisqu’ils seront directement concernés ».
Les gens rient et applaudissent. Écoutez alors la réaction de la seconde journaliste, une peau de vache, celle-là.
Il paraît que Fillon aurait dit à Poutou à la sortie: « Je vais vous foutre un procès. »
Foutre?
Ouh là là. Un mot sans cravate. À vérifier.
* * *
Les journalistes de la chaîne organisatrice se sont accordés, après le débat, à réprouver la verdeur de langage de Philippe Poutou. S’ils avaient un peu de hauteur de vue, ils auraient posé une question: « Pourquoi Poutou a-t-il fait le choix de la verdeur de langage? », quitte à ajouter « …qui moi, personnellement, me gêne, s’agissant de la fonction présidentielle. »
Sont-ils malhonnêtes, ou faut-il leur rappeler que Philippe Poutou est un candidat de rupture, qu’il n’adopte pas le code vestimentaire de l’exercice, qu’il a refusé de figurer sur la photo avant l’émission? Qu’il n’est que candidat, et pas encore président? Tandis que par ailleurs Nicolas Sarkozy, pour qui une part non nulle de ces journalistes a voté, a, dans l’exercice même de la fonction présidentielle, osé dire à un homme qui refusait sa main tendue, Casse-toi, pauvre con?
Mais oui, ce « foutre » (je crois bien l’avoir entendu) : un mot sans cravate, comme vous dites. Poutou, je la ferai courte, c’est le réjouissant et salubre coup de pied dans la fourmilière. La grande prêtresse de BFM TV, Ruth Elkrief – n’ayons pas peur des noms – envoyée sur les roses à plusieurs reprises. Au point que la chaîne ne veut plus qu’on l’y reprenne. Cette expérience unique lui a suffi.
La bourgeoisie déteste qu’on lui dise en face ses vérités, encore plus quand le langage est vif, sans détours.
Quand vous le faîtes vous serez déclaré aussi sec persona non grata, viré du club auquel de toutes façons vous n’avez jamais (jamais ou peut-être) désiré appartenir.
Parce qu’ils sont persuadés que vous voudriez leur ressembler ; ils se pensent unique et être un exemple.
Pier Paolo Pasolini, lui disait qu’on était d’autant plus redoutable qu’en en étant issu on connaissait si bien leurs codes qu’on pouvait mieux les dénoncer (les bourgeois donc) ; on sait comment a fini Pasolini et combien ça a arrangé le pouvoir en Italie ET l’ Eglise catholique.
Les bourgeois se reconnaissent facilement entre eux, dès qu’ils ouvrent la bouche et à leur manières policées.
Il s’agit d’une caste, qui demande aux autres castes (classes) de la singer mais qui jamais, sans arrières pensées, ne vous invitera, puisqu’elle est détentrice du pouvoir des possédants et que qui possède ne partage pas facilement, simplement par peur, et, ou par orgueil, de perdre un jour cette chose tellement stupide qui est l’avoir à tout prix, n’importe quel prix dans certains milieux. Et c’est ce prix à n’importe quel prix qui rend cette classe si dangereuse, criminelle.