Bonjour!
Dans son dernier livre, Jacques Généreux – qui porte bien son nom -, ancien économiste de référence de La France Insoumise, professeur à Science Po Paris, déploie comme à son habitude une réflexion puisant dans de nombreuses disciplines comme les sciences cognitives et la psychologie sociale.
Il s’agit de Quand la connerie économique prend le pouvoir, (18/08/2023, 10.90 € TTC, 368 pages) :
Voici la suite de l’enquête amorcée dans La Déconnomie.
La critique du néolibéralisme cible souvent une politique conçue par des dirigeants au service d’une classe dominante.
Généreux explore une interprétation complémentaire : la bêtise d’une élite affligeant la société avec la conviction sincère d’agir pour son bien !
En mobilisant la psychologie sociale et cognitive, il révèle la « banalité de la bêtise » et de sa forme entêtée, la connerie. Celle-ci imbibe l’idéologie qui inspire la parole et les décisions de nos gouvernements, elle nourrit les sophismes absurdes soutenus par de brillants économistes, elle mue en pandémie lorsque la logique de compétition contamine toutes les sphères de la société.Au bout de cette réflexion apparaît une possible antidote à l’épidémie de bêtise et aux fléaux qu’elle induit : l’intelligence collective qui, sous certaines conditions, peut surgir d’une délibération citoyenne souveraine.
Quelles sont ces conditions de réalisation de l’intelligence collective?
Dans un entretien que je n’ai pas archivé, Jacques Généreux énonce qu’il faut un groupe de gens qui n’ont aucun conflit d’ego ou de pouvoir, ni d’intérêt, mais débattent librement d’un sujet donné. Un groupe de gens éventuellement tirés au hasard, parfois au départ très éloignés de la problématique, qui vont prendre du temps pour s’informer par des conférences et autres moyens, et pour discuter entre eux.
Homo sapiens, nous dit Jacques Généreux, est très mal outillé pour reconnaître ses propres erreurs, mais il est très doué pour reconnaître les erreurs des autres. Alors, dans ce groupe hypothétique qui n’a qu’un seul objectif: chercher une justesse ou une vérité sur un certain sujet, celui ou celle qui se trompe va se poser des questions quand se multiplient à la longue les remarques de ceux et celles qui le lui disent, qu’il ou elle se trompe.
Macron, qui n’y voyait sans doute qu’une raison d’être fort opportuniste et à court terme, en a donné la preuve à son corps défendant avec la Convention Citoyenne pour le Climat, dont les recommandations ont été saluées par l’ensemble des associations et auteurs actifs sur la question climatique. Et bien sûr le Jupitérien s’est assis sur ces préconisations.
Vraie ou fausse, la chose est claire, et les contestations se font attendre.
On peut donc oublier les prétentions à l’intelligence collective en entreprise, ou dans des pouvoirs publics revendiquant le « management participatif », voire dans des associations trop bien structurées, prétentions qui ne relèvent de rien d’autre que de vouloir exploiter un gisement d’initiative (ils disent « créativité ») de collaborateurs subordonnés, en bonne conformité avec Le Nouvel esprit du capitalisme (Luc Boltanski et Ève Chiapello, 1999). Dans cet esprit, le capitalisme n’achète pas seulement du temps de corps et de cerveau à ses salariés ou collaborateurs, mais leurs cerveaux tout entiers, et à quel prix? :
Une nouvelle organisation en réseau, fondée sur l’initiative des acteurs et une relative autonomie au travail, s’est mise en place au prix de leur sécurité matérielle et psychologique.
Que du bénef, mais pour qui.
Les salariés qui se laissent prendre au jeu du patriotisme d’entreprise, se portent candidats il me semble à ce burn-out devenu scandaleusement banal, lequel ne peut avoir lieu sans l’acquiescement plus ou moins forcé des intéressés à une quête impossible de productivité.
Malheur à ceux qui ne résistent pas!
Les autres fuient, sabotent, ou se limitent à une résistance spontanée plus ou moins inconsciente, comme la surdité au réveil-matin, la chute de tension artérielle ou la gueule de bois le lundi.