Bonjour!
Robot est un mot qui nous vient du tchèque « robota ».
Le terme signifie « travail, besogne, corvée ». Paré d’un exotisme en noir et blanc qui est celui de Kafka et du Golem, il porte son lot de fantasmagories inquiétantes.
Qu’y a-t-il en français pour le dire autrement? Automate, déjà utilisé au XVIIIème siècle, qui ferait se dégonfler bien des soufflés, est interdit.
Dans la vidéo ci-dessus figure un robot japonais très habile au iaijutsu, un des arts traditionnels du sabre nippon.
On y voit que les lames des sabres sont damassées ! L’acier damassé aussi, comme l’art du samouraï, a demandé quelques siècles de méditation.
La grande inquiétude, ou la grande anticipation, est aujourd’hui, dans certains milieux par ailleurs ou prétendument éclairés, qu’un jour les robots seront autonomes et se passeront de nous, les humains.
Un scientifique américain a même nommé ce moment.
Il l’a appelé la singularité, reprenant la métaphore des points bizarres d’une modélisation mathématique, points extrêmes où les propriétés de la fonction ne sont plus descriptibles. Par exemple, la fonction devient « divisé par zéro ». Aux limites du modèle relativiste d’Einstein, il y a aussi des « singularités »: on ne sait pas ce que la fonction pourrait vouloir dire, ni si elle a encore un sens, et à partir de là, chacun y va de son imaginaire le plus débridé. La singularité dont il s’agit ici est la limite au-delà de laquelle nos modèles ne sont plus compréhensibles ou valides, où la réalité n’est plus descriptible: les robots, c’est indescriptible!
Cependant j’attends donc que les robots conçoivent et produisent leurs propres lames, damassées ou pas, que les robots développent leur propre art du samouraï, artistique ou pas, et que les larbins des robots, ceux qui mettent en place les légumes, fleurs et bambous pour la démonstration, ceux qui filment la vidéo pour Internet puis nettoient le local après la séance, soient des robots.
À ce moment-là, je déciderai si je lance ou non une campagne de financement pour la création de robots robophages et suicidaires. Robophages et suicidaires, dans l’ordre : d’abord ils mangent ou détruisent des robots, et quand ils n’en trouvent plus, ils se suicident.
Ça doit être facile à programmer.
Le slogan de la campagne sera: « Il y a des hommes et des femmes derrière chaque robot. Libérons-les! » …
Bonnard! Ça nous mènera à une guerre entre humains: ceux qui seront derrière les robots samouraïs et consorts, contre ceux qui seront derrière les robots robophages et suicidaires, et ce retour à notre histoire guerrière millénaire sera le signe du retour à la raison, aux fondamentaux, au trans-historique, à la nature humaine, et que nous serons sauvés.
Bon. Je plaisante.
Les apocalyptiques du robot prennent trop de place. Le but de l’individu réaliste étant de ne pas se laisser surprendre par un malheur inattendu, ni décevoir par une occurrence contraire à ses désirs, l’individu réaliste ne désire plus rien d’inatteignable (qu’il croit) et s’attache à prévoir le pire. Rien désiré, pas déçu!
La robotique bouscule incontestablement le concept d’emploi et semble rendre certains humains inutiles, mais …uniquement dans un monde où les progrès de la productivité vont presque uniquement aux détenteurs du capital, un peu à des réductions de prix, et pas du tout aux salariés de base. Autrement dit, dans un rapport social qui est le nôtre, contingent: il est, mais n’était pas, et un jour il ne sera plus, comme tous les rapports sociaux.
Que la question soit donc posée en termes de choix de société.
Dans le capitalisme financiarisé, c’est simple. Les robots sont un des outils qui oeuvrent à la transformation d’une part de la population en déchets, comme dit le pape. Un point de plus dans le dossier à charge.
Mais sinon? Et à par ça?
Il n’est pas possible de penser les effets de la robotique en faisant abstraction des rapports sociaux et de propriété au sens marxien. (La propriété de ta chemise n’est pas en cause!)
Penser la robotique sans lien avec les conflits sociaux, sans lien avec une (grande) histoire qui ne finit pas et ne finira jamais, c’est une foutaise.
Tant que cette petite histoire tourne en rond, sans attendre je cultive mon jardin.