Emmanuel Macron est un extrémiste

Tête typique d’extrémiste. Attention à votre apparence, car la police agit au faciès.
Tête typique d’extrémiste, interprétée par un logiciel de la police. L’analyse spectrographique, manifestée par les barres verticales, ne laisse aucun doute.

(Temps de lecture: 5 minutes)

Bonjour!

Le commentaire politique de convention dit: Macron est du centre.
Du centre de quoi, je me le demande.
…Du centre du monde, sans doute.
Ou plus modestement du centre de l’Olympe, puisqu’il a dit que sa présidence serait « jupitérienne » . Une telle prétention me paraît un sacré signe de petitesse. Quelques quinze centimètres sous Napoléon, notoirement petit.

Il se fait qu’à la révolution française, un jour un président de séance a vu deux camps s’opposer, l’un à sa droite, l’autre à sa gauche.
Où était le centre?
Le centre, pardi, c’était lui:  le président de séance.
C’est simple.
Il leur aurait tourné le dos, et c’était inversé.
Quoi qu’il en soit, si cette histoire a fait de la politique une affaire de droite et de gauche, elle a du même coup défini un centre.

De la sorte:
Le centre sous Napoléon était esclavagiste.
Le centre en l’Union soviétique des années 1930, c’était Staline.
Le centre au Chili de 1978, c’était Pinochet.
Et le centre chez vous, c’est vous.

…Nous avons compris.
Le patron est au centre, et le centre c’est le patron!

Chacun est au milieu de sa vision du monde, c’est inévitable.

Celui qui parle définit la droite et la gauche. Le haut et le bas. Lui est au milieu.
Quand tu fais demi-tour, la gauche est à droite et la droite est à gauche, et toi tu es toujours au centre. Ici le centre, dans sa constance, nous montre toute sa supériorité tautologique (qui se définit par soi-même). Il se définit par lui-même, et où qu’il se déplace, l’oeil humain est toujours au centre.

Xi Jinping, président de la République populaire de Chine, est au centre.

Tout cela va de soi.
Ce qui ne va pas de soi, c’est qu’il y ait un Patron, individuel ou collectif, qui impose à autrui sa vista.

Or le centre, comme le montre l’histoire, peut être extrême. Il peut l’être, et il l’est souvent. Méfions-nous du centre et des centristes!

Elio Di Rupo, ancien premier ministre socialiste belge et  vice-président de l’Internationale socialiste, se dit à l’occasion, comme Paul Magnette, du centre-gauche, et il dit que Macron est du centre-droit.
Alain Minc, multi-essayiste auto-satisfait sur le retour, situe Macron comme il se situe lui-même, au centre-gauche. Pour mémoire, la preuve que se donne Minc d’être du centre-gauche, c’est qu’il estime beau et juste que les syndicats existent. Ça le dédouane, pense-t-il, d’être de droite en tout pour le reste.
Le faussaire Cohn-Bendit dit quelque chose d’équivalent, je le sais sans l’écouter et sans le lire, et je ne veux surtout plus ni l’écouter ni le lire. Comme il doit se singulariser, son centre s’appelle « libéral-libertaire », ce qui n’indique rien d’autre que l’hédonisme cheap des sociétés marchandes occupant tout le champ de la conscience. Le centre de Cohn-Bendit, qui est du centre sans le dire, c’est le petit tiret de rien du tout qu’il y a entre « libéral » et « libertaire » dans son étiquette, ou entre les deux moitiés de son patronyme.  Au dehors sont les ténèbres.

Etc.

Alors, qui a raison?
Je vais vous le dire avec la modestie que vous me connaissez, et avec le sens des nuances qui me caractérise: Ces gens sont des ignorants.

Leur place dans le monde est…
Leur place est, précisément, d’occuper une place: D’abord, j’occupe une place. Ensuite, je parle.
Bien sûr, ils parlent déjà avant, mais l’ordre logique des déterminations est celui-là: la place voulue ou occupée détermine le discours. Si tu veux t’enrichir, t’es communiste en Urss, libéral en Fédération de Russie, libéral à peu près partout aujourd’hui, sous la version socialiste éventuellement à Liège ou à Bruxelles. Tu l’es déjà avant de t’enrichir, tu l’es pendant, et en général tu l’es après.
D’abord je me place, ensuite je parle, ensuite je me débrouille avec la pensée.
Ici tous les ambitieux sont matérialistes: la carrière précède l’idée. Une carrière, c’est un trou avec des cailloux, qui sont très matériels. Les cailloux existent d’abord, et notre pensée du caillou vient ensuite, nous disent les philosophes matérialistes.

Si vous voulez de la vérité, vous n’en aurez pas beaucoup venant des gens dont la vie est consacrée à se placer, mais si vous voulez une carrière, suivez-les.
Jean-Paul Sartre disait que la vérité de la société se voit par les yeux du plus opprimé.
C’est simple!

Comme cette histoire est ancienne, lisez J. K. Galbraith, L’art d’ignorer les pauvres.
« Ces gens-là, monsieur », n’ont pas trop de mal à se bricoler leur charabia conceptuel.
Ils héritent d’une longue tradition. Les hauts-parleurs parlent pour eux. Ils empruntent à tout va. Ils greffent, sur la souche millénaire de l’exploitation, quelques poncifs à la mode. Ils mâchent et remâchent les idéologies du passé, ce qu’il en reste, pour se fabriquer leur prêt à porter idéologique, toujours indispensable en terre humaine. Car l’être humain ne peut pas vivre sans un système de représentations organisées en description du monde.

Or donc Condroz belge vous assure que Macron est un extrémiste: il est un extrémiste car le centre est extrémiste, le centre est un extrême-centre.
Ne trouvez vous pas cette notion réjouissante? J’ai cru pendant quelque temps qu’extrême-centre était une blague sympathique, et j’y adhérais en rigolant.
Eh bien, c’est plus sérieux que ça!
L’intellectuel québecois Alain Deneault a consacré un livre à l’extrême-centre. Il a ensuite, très logiquement, titré son commentaire de l’élection du jupitérien: « Une victoire de l’extrême centre » .

L’argument de son livre est bien simple: les politiques du centre n’ont rien de modéré dans leurs effets.
Les politiques du centre ruinent les pauvres jour après jour.
Les politiques du centre enrichissent les riches.
Les politiques du centre sont au coeur de la machine à creuser les inégalités à l’oeuvre depuis quarante ans, nous ramenant à des rapports du XIXème siècle et de 1929.
Les politiques du centre ont sauvé et continuent de sauver les banques sans contrepartie, c’est à dire sans contrepartie de la part des banquiers.
Les politiques du centre réservent en revanche une contrepartie salée et même sanglante aux Grecs modestes (voyez l’état du système de santé grec, la mortalité, les suicides). Les Grecs riches sont exemptés.
Les politiques du centre réservent l’austérité aux peuples salariés, sous le pur mensonge, infiniment démontré, que l’austérité ranimerait l’économie: machine à creuser les inégalités.
Ce mensonge des discours officiels est obligé. TINA. There is no alternative: soit l’extrême-centre ment, prétendant oeuvrer à un progrès futur, soit l’extrême-centre reconnaît être au service des grands actionnaires et du grand management.

En un mot comme en mille, les politiques du centre n’ont rien de modéré pour les populations.
Il s’agit bien d’un extrémisme et d’une persévérance dans l’erreur (si homo sapiens était un être non pas doté, ce qui arrive, mais voué à la raison), à un point où l’erreur en vérité n’est plus invocable. La politique du centre est une oeuvre de prédation consciente et obstinée.

Naissez banquiers!
– Ou devenez-le.

 

*   *    *

Ajout du 22/10:  Alain Deneault en entretien avec Aude Lancelin pour Là-bas si j’y suis (https://la-bas.org/):

(L’extrême-centre: minute 1:50.  « Pour réussir il faut être médiocre » [càd ne pas exprimer sa conviction mais une conformité]: minute 15:00. Belles citations de Macron juste après. Très intéressants développements sur le nivellement, non pas: par le bas, mais: par le moyen. Amusante et pertinente typologie, en cinq catégories, des médiocres.   Etc!)

5 mars 2021: cette vidéo ayant disparu de Youtube, voici en 8 minutes Alain Deneault développant son propos sur la médiocratie (titre d’un autre de ses livres):

9 réflexions au sujet de « Emmanuel Macron est un extrémiste »

  • 22 octobre 2022 à 14h01
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    Je découvre votre site par ce billet. Formidable.

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  • 19 octobre 2017 à 18h11
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    « Les politiques du centre ont sauvé et continuent de sauver les banques sans contrepartie, c’est à dire sans contrepartie pour les banquiers. »
    Ou plutôt « de la part des banquiers » ?

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  • 19 octobre 2017 à 10h51
    Permalink

    Bonjour Guy,

    Pourrais-je faire un copier-coller pour mettre sur Facebook?

    Merci,
    Fabienne

    Répondre
    • 19 octobre 2017 à 10h55
      Permalink

      Oui, bien sûr. Avec un lien vers le billet… 🙂

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  • 19 octobre 2017 à 10h32
    Permalink

    Les mots conservateur et progressiste ne sont pas dans votre texte. Le mot changement ou changer non plus. Comment voulez-vous que les choses s’améliorent ?

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  • 19 octobre 2017 à 9h39
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    En voyant le visage et l’expression de Macron, j’ai pensé à Boris Vian !!!
    Un autre extrémiste bien sympathique !!!

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  • 19 octobre 2017 à 8h29
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    Tout ça était prévisible « avant ». On savait d’où il venait, on a entendu ses discours creux et grandiloquents, on l’a vu, si amoureux de lui-même, rempli d’une ambition démesurée, ratissant de tous côtés pour asseoir son pouvoir. Et les électeurs ont en majorité voté pour lui, beaucoup s’en mordent les doigts aujourd’hui. Ils auraient dû réfléchir « avant ». Les indécis, les mous, les peureux ont cru au « centre ».
    En même temps que la politique de Macron se durcit, il caresse un rêve : celui de devenir Président de l’Europe. Attention!

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  • 19 octobre 2017 à 7h11
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    Voilà qui a le mérite d’être formulé clairement et en perspective, avec les conséquences que l’on sait sur les populations en difficulté et donc sur l’exercice de la démocratie.

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