(Ici la liste de mes billets de la série CoronaViral)
(Note: certaines évolutions des savoirs, parfois importantes, pouvant survenir à tout moment, sont ajoutées dans le texte en cette couleur-ci, avec l’entrée « Màj » pour « Mise à jour » .)
Bonjour,
Devant l’avalanche d’informations de toutes sortes, Condroz belge s’est abstenu d’écrire sur « le coronavirus » depuis sa réaction, le lendemain, à l’annonce du maintien du salon du bâtiment Batibouw à Bruxelles le 28 février, soit le 29 février.
Le 29 février, dans l’intensification du temps propre à la crise, c’était il y a longtemps !
Aujourd’hui, que peut-on, et provisoirement, penser raisonnablement?
Je commence une série numérotée « CoronaViral » , et par ailleurs tous mes billets traitant de la covid-19 se retrouvent en cliquant au bas de cet article sur l’étiquette Covid-19 .
Toutes les informations contenues dans ce billet sont vérifiées, bien que tous les liens ne soient pas donnés.
Quelques précisions terminologiques
Covid-19
La covid-19, nom féminin, est le terme qui désigne la maladie. Covi pour corona virus, d pour disease soit « maladie », et 19 pour l’année de son apparition en Chine, 2019. On peut aussi la désigner comme « maladie à coronavirus 2019 ». Le nom de cette famille de virus provient de son image au microscope électronique, présentant une couronne circulaire.
SARS-CoV-2
SARS-CoV-2 est le nom retenu par les virologues pour désigner le virus actuel. L’acronyme est en anglais. Il est le deuxième coronavirus de l’histoire, d’où l’ajout du chiffre 2 à son nom, produisant une maladie de type SRAS, …un nom beaucoup plus effrayant que Covid-19 !
Covid-19 pour la maladie est un euphémisme, car en effet SARS en anglais ou SRAS en français, valent pour: syndrome respiratoire aigu sévère.
« Il ne faut pas confondre le SARS-CoV-2 (nom du virus) et la COVID-19 (nom, féminin, de la maladie due au virus) » , nous dit Wikipedia.
Cette précision terminologique explique que nous trouvons sur Internet des comparatifs entre les différents virus où on ne trouve pas « covid-19 »! Il faut chercher « SARS-CoV-2 ».
En résumé, la covid-19 est un SRAS-2.
Cela étant précisé, il est d’usage courant de dire le covid-19 pour la maladie autant que pour le virus, appelé aussi simplement le coronavirus.
Personne ne va sortir le bic rouge ou la mitraillette, car « La vie est courte » est une des lois du langage !
SRAS (2002-2003)
Le SARS-CoV, dénomination scientifique, soit donc un acronyme en anglais, a été le premier coronavirus à syndrôme respiratoire aigu et sévère connu, apparu en Chine en 2002. En français, on désignera communément et le virus et la maladie comme « le SRAS », et ce fut une maladie infectieuse nouvelle. Le virus n’a donc pas été numéroté. L’épidémie du SRAS a été partiellement mondiale mais surtout asiatique en 2003, et jugulée en 2004.
Voici d’après Wikipedia les chiffres pour le monde et pour les pays ayant connu plus de 50 cas. Ce tableau est important pour apprécier les différences d’efficacité aujourd’hui contre le SARS-CoV-2, expliquant les meilleurs résultats des trois pays les plus touchés par ce premier SRAS tant en létalité et qu’en rapport à leur population: Singapour, Hong-Kong et Taïwan.
SRAS 2003 | Cas | Décès | Létalité |
Monde | 8.346 | 646 | 7,7% |
Chine | 5.900 | 348 | 5,9% |
Hong Kong | 1.654 | 204 | 12,3% |
Canada | 251 | 44 | 17,5% |
Singapour | 204 | 27 | 13,2% |
Taïwan | 125 | 11 | 8,8% |
États-Unis | 65 | 0 | 0,0% |
Viêt Nam | 63 | 5 | 7,9% |
Létalité
Le terme de « létalité », ou taux de létalité, mesure le taux de décès relativement à l’ensemble des personnes contaminées, malades ou pas (on sait que la covid-19 connaît en proportion inconnue mais certaine, de contaminés sans symptômes). Le taux de létalité du SRAS de 2003, s’élevant à 7,7 % pour le monde entier, est élevé en regard des maladies infectieuses connues. Ainsi, le taux de létalité de la covid-19 est évalué provisoirement, selon les sources actuelles, entre 1 et 4 %, le plus souvent entre 2 et 3 %, tandis que la létalité de la grippe saisonnière, variable d’année en année, reste sous la barre de 0,1 %, souvent autour de 0,05. Au moins 20 ou 30 fois plus mortel que la grippe.
Notons que les chiffres rapportés en début d’épidémie sont les plus incertains, et que seule une épidémie « mûre » , ou mieux, terminée, peut livrer son taux le plus exact.
Mortalité
Il faut réserver « mortalité » ou « taux de mortalité » à l’incidence des décès dans une population globale, comprenant les personnes non contaminées, que ce soit par territoire, par tranches d’âge, par sexe, par profession, etc.
Épidémie et pandémie
Ces deux termes concernent au sens propre l’espèce humaine (demos).
L’épidémie décrit une maladie qui se répand sur un territoire donné dans un même laps de temps, qu’elle soit infectieuse ou pas: ainsi, l’Organisation mondiale de la santé a reconnu l’obésité comme une épidémie.
La pandémie quant à elle est une épidémie qui se répand sur une large zone géographique, comprenant plusieurs pays, voire selon certains, sur au moins deux continents.
La covid-19 est une pandémie.
Les symptômes de la covid-19
Nous voyons que les difficultés respiratoires distinguent la covid-19 de la grippe et du rhume.
Tandis que les maux de tête et les douleurs musculaires indiquent la grippe.
Les chiffres de la covid-19
Avertissement: le site de référence pour un suivi au jour le jour de l’épidémie, avec plusieurs mises à jour par 24 heures (mais attendez-vous à voir de temps en temps ce site prendre 12 heures pour publier les derniers chiffres de votre pays), consulté par la plupart des journaux et médias, est celui de la Johns Hopkins University de Baltimore. Enregistrez en favori son adresse !
Le célèbre CDC américain, pardon, étasunien, (Centers for Disease Control and Prevention, dont le QG se trouve à Atlanta), qui a été remarquable pour l’identification et le suivi du sida, publie aujourd’hui, administration Trump oblige, des chiffres tout à fait tronqués, et du reste officiellement reconnus comme tels. Les États-Unis ont par ailleurs voulu développer leur propre test de dépistage du virus, ce qui a donné lieu à des cafouillages et des retards.
La désUnion nEuropéenne de son côté a créé son propre CDC, appelé… ECDC (European Centre for Disease Prevention and Control ou Centre européen de prévention et de contrôle des maladies https://europa.eu/european-union/about-eu/agencies/ecdc_fr ), qui donne le nombre de cas recensés avec je ne sais quel rythme de mises à jour, mais le Johns Hopkins Hospital donne en plus, le nombre de décès, le nombre de guéris, et le nombre d’ « actifs », càd de contagieux, les contaminés qui ne sont ni morts ni guéris.
Quant à l’Organisation mondiale de la santé, sous influence de la bureaucratie chinoise, elle s’est déconsidérée à plusieurs reprises. Elle a ainsi un jour déclaré, à rebours de toutes les source mondiales, que « la covid-19 est moins mortelle que la grippe » .
Contagiosité
Le mode de transmission de la covid-19 est celui de la grippe saisonnière: par les gouttelettes produites par les postillons, la toux, l’éternuement, le crachat. Ces gouttelettes tombent au sol au plus loin à un mètre cinquante, et un crachat vaut 10.000 gouttelettes. En Asie, le crachat des motocyclistes, nombreux là-bas, est une inquiétude. La humains ne produisent pas d’aérosols, ces gouttelettes très fines qui peuvent se répandre bien plus loin, sauf s’ils ont subi des soins respiratoires invasifs, intubation ou autres. [Post-scriptum d’avril 2022: cette vision des aérosols humains est périmée, on sait qu’ils sont une production constante de la parole, des chants, des cris, des éternuements, et que la contagion est largement le fait de ces aérosols.]
« Les spécialistes semblent s’accorder sur le fait que chaque malade infecterait entre 2 et 3 personnes (ce qu’on appelle le « taux de reproduction de base » de la maladie, ou R0). C’est plus que la grippe (1,3), nettement moins que la rougeole (plus de 12), et comparable au Sras (3). » (Rtbf)
Létalité
Pour les spécialistes qui chiffrent la létalité du SARS-CoV-2 à 2 % (alors que des chiffres entre 1 et 4% circulent), la ventilation des décès donne ceci:
- 0-9 ans: 0 %
- 10-39 ans: 0,2 % (pour chacun des trois déciles)
- 40-49 ans: 0,4
- 50-59 ans: 1,3
- 60-69 ans: 3,6
- 70-79 ans: 8,0
- 80 ans et plus: 14,8. (Rtbf)
Ne vous pressez donc pas de vieillir.
Et avis à la jeunesse: sur 1.000 de vos amis (y compris Facebook) contaminés, âgés de 20 à 39 ans, 2 mourront. Cependant à l’heure où ces lignes sont écrites, il y aurait en Belgique quatre médecins dans la quarantaine sévèrement atteints.
Mortalité
Si nous suivons Angela Merkel, elle a déclaré que deux tiers de la population allemande pouvaient contracter le virus. C’est un chiffre intéressant à tendance fiable, car elle ne l’a bien sûr pas avancé à la légère. La chancelière n’a pas nommé les experts sur lesquels elle se fonde.
C’est une déclaration qui tranche avec la « com » de la plupart des responsables politiques, dont certains n’ont pas tardé, en Europe, à s’écrier qu’elle effraie les populations. Angela Merkel a dit: « Je suis les avis des meilleurs médecins experts, et je recommande que vous tous [les Allemands] fassiez pareil. »
Je ne sais pas où cette information se trouve dans la presse francophone, je l’ai trouvée dans le New York Times.
En conséquence si nous acceptons la déclaration allemande (66% de contaminés) ET le chiffre de létalité ci-dessus (2%), les chiffres pour la mortalité de la pandémie, càd son taux de décès dans la population globale, sont les deux tiers de ces 2%. 1,33% de la population globale, soit 146.000, mourraient en Belgique.
C’est bien plus que le calcul du docteur Devos, médecin intensiviste liégeois, pour qui le chiffre « noir » de morts dans ce pays pourrait, en l’absence de toute mesure de confinement et de restrictions, atteindre 33.500 décès ou 0,3 % de la population. Un chiffre qui a défrayé la chronique, la radio publique francophone ayant invité une fois, mais pas deux, son auteur à un débat.
Pour la France de 68 millions d’habitants, l’hypothèse Merkel donnerait 906.000 morts. Le calcul Devos appliqué à l’hexagone donnerait, lui, 204.000 morts.
Une récente déclaration de l’épidémiologue Marius Gilbert, de l’ULB, annonce prudemment, suite à une étude londonienne, un chiffre de décès pour la Belgique entre 1.600 et 8.000 morts, évaluation qui ne tient pas compte d’une éventuelle congestion des hôpitaux, qui surviendra prochainement dans toutes les hypothèses des différentes mesures gouvernementales étudiées par l’Imperial College.
Quarantaine ou quatorzaine?
Màj, 18 mars 23h : Une récente étude chinoise du 9 mars, reprise dans The Lancet, les contaminés sont pour le plus grand nombre contagieux pendant 20 jours, si on ne les traite pas. Pas 14 jours de « quatorzaine » , mais 20 jours. Source: Didier Raoult, vidéo libre de droits https://www.francebleu.fr/infos/sante-sciences/coronavirus-le-traitement-a-la-chloroquine-a-marseille-serait-efficace-1584392554, minute 9 :05.
Mode de transmission et durée de vie du virus à l’air libre
Qu’en est-il de la présence du virus sur une surface quelconque, du colis qui vous est livré à domicile aux poignées de portes et boutons divers?
Deux choses sont certaines: sa durée de vie varie selon la matière, et sa durée de vie est prolongée par le froid et par une atmosphère « très humide ».
Ensuite, des chiffres précis qui seraient partagés par l’ensemble des chercheurs n’existent pas à notre connaissance. Un institut allemand a pré-publié les résultats d’une étude sur les différentes durées de vie selon les surfaces, de différents coronavirus mais PAS du SARS-CoV-2, en avançant que les chiffres devraient être voisins, mais son tableau est très variable selon les (corona)virus étudiés: la publication a toutes les apparences d’un coup de pub. Notons que des durées de 9 jours sont mentionnées dans certains cas.
Selon les uns, le SARS-CoV-2 ne tiendrait pas 4 jours sur un carton, durée que mettrait un colis pour arriver de Chine en Europe ou aux Etats-Unis: information étrange, sur mesure pour les achats transcontinentaux par Internet.
Selon d’autres, le virus survivrait moins de trois heures, ou selon d’autres encore, en moyenne 2 heures et jusqu’à 9 heures.
En conclusion toute provisoire, c’est la bouteille à encre. Ma pharmacienne dit « trois heures » .
Màj, 20 mars 16h : sur du papier, le virus survivrait de 1 à 5 jours selon une reprise d’info par Arretsurimage.net.
Avril 2020: une étude robuste a établi des mesures encore acceptées: CoronaViral, 22 – La stabilité du coronavirus dans différentes conditions.
Le risque personnel et le risque de santé publique
La covid-19 est évidemment un risque individuel. Les enfants de moins de dix ans sont à peu près totalement épargnés par la maladie en termes de décès mais ils peuvent plus que vraisemblablement la propager, de même que les adultes contaminés mais non malades. La létalité augmente avec l’âge, pour atteindre 15 % au-delà de 80 ans, mais elle peut frapper à partir de 10 ans.
Les observateurs s’accordent pour considérer que cette forme de pneumonie impose une hospitalisation avec assistance respiratoire pour 13 % des personnes atteintes, parmi lesquels 6 à 7% relèveront des soins intensifs. C’est ici que les risques personnels se conjuguent avec la problématique de santé publique.
En effet, la massivité de l’épidémie et la simultanéité des cas nécessitant une hospitalisation, mettent sévèrement à contribution le système des soins, soit principalement les hôpitaux et toutes leurs activités annexes, laboratoires et autres. Au point que ces derniers risquent de se trouver complètement débordés, ce qui s’est déjà produit en Chine, dans le nord de l’Italie et dans d’autres pays, dont probablement l’Iran. On a pu estimé qu’en Lombardie la létalité de la covid-19, à ce stade de congestion hospitalière, est passée de 2,7 à 3,9 %. (Philippe Devos de retour de cette région.)
Cette saturation du système de soins frappe bien entendu l’accessibilité aux soins pour tous les cas habituels où ils sont nécessaires, des maladies diverses et variées aux accidents de la route.
Il n’y a plus de lits disponibles, les urgences sont encombrées, et de plus un certain pourcentage du personnel soignant est atteint ou placé en quarantaine: on parle de 13% des soignants hors service en Chine autour de Wuhan.
Le gouvernement italien engage massivement des volontaires plus ou moins compétents dans les hôpitaux et a même demandé aux médecins retraités, quoiqu’ils soient dans la catégorie d’âge la plus à risque, de reprendre de l’activité. L’Italie est aussi en pourparlers pour faire venir des médecins de Chine, de Cuba et du Venezuela.
En Belgique aujourd’hui, les médecins refusent déjà de procéder à des analyses normalement considérées comme banales et nécessaires. Dans ma proche famille, et ceci est une forme de « scoop » , il ne sera pas procédé, pour un enfant de cinq atteint d’une otite et d’une pharyngite, à l’analyse d’un frottis dont le but est de connaître l’éventuelle présence d’une bactérie exigeant un antibiotique. L’antibiotique est donc prescrit à tout hasard, et d’autres examens n’auront lieu qu’en cas d’aggravation. Et cela, alors qu’à ce jour aucune information de saturation des dépistages basiques n’est donnée pour le pays.
Un jour, les dentistes ne soignent plus: ça a déjà été le cas à Pékin, où ça l’est peut-être encore. En cas de rage de dents, il faudra attendre les jours meilleurs.
Ce risque de congestion des hôpitaux est celui qu’il faut à tout prix (dirait Emmanuel Macron) éviter. Pour cela, il faut étaler dans le temps l’inévitable développement de l’épidémie, de manière à ce que le nombre d’hospitalisations nécessaires reste en-deça des capacités hospitalières même élargies. Pour bien représenter ce défi, le CDC étasunien a popularisé un graphique très parlant: il faut « aplatir la courbe » .
Les mesures personnelles permanentes
Limiter les contacts,
éviter les avions et les trains, où les voisinages sont étroits et l’air partiellement recyclé,
limiter la proximité physique avec d’autres personnes: un mètre est un minimum,
éviter la garde des enfants par les grands-parents,
ne pas s’embrasser,
ne pas se serrer les mains,
tousser ou éternuer dans son coude,
utiliser des mouchoirs en papier et les jeter dans une poubelle fermée,
toucher le moins d’objets possible,
se laver fréquemment les mains (et pas n’importe comment; les bons gestes sont partout sur la toile)
utiliser un désinfectant hydro-alcoolique pour les mains en déplacement, quand il n’y a pas de possibilité de se les laver,
désinfecter, quand c’est possible selon leur taille et selon la disponibilité du désinfectant, les livraisons à domicile, avec une solution hydroalcoolique, et dans les autres cas, faire déposer la livraison à l’intérieur et ne pas y toucher avant le lendemain.
…Telles sont les mesures de base individuelles pour se protéger, protéger les autres, protéger le système de soins.
Dans les pays où l’on dispose de masques, les utiliser.
Dans les pays où il n’y en a pas, le sujet n’existe pas…
La Belgique n’a pas d’entreprise produisant des masques de protection, indispensables en premier lieu dans les métiers de la santé. Elle n’a pas non plus de stock stratégique, qui devrait être pourvu en permanence de 4.000.000 d’unités selon les épidémiologistes (un métier d’avenir), et on a vu le cafouillage d’une commande-miracle de 5 millions de ces choses à une entreprise turque.
Par ailleurs il y a une « Union » en Europe, mais la France, l’Allemagne et la Slovaquie se sont très vite réservées la production nationale de ce secteur. Les explications des ministres de la santé français et allemand ont été un modèle de mensonge incrédible. En substance, « Nous ne nous les réservons pas pour notre usage exclusif, mais pour avoir le temps de faire des calculs ».
Ajoutons que sauf indications médicales particulières, il faut en ce moment éviter l’ibuprofène (Le Monde) et d’autres anti-inflammatoires comme la cortisone, susceptibles d’aggraver l’infection par le SARS-CoV-2.
Faut-il se protéger, et si oui jusqu’à quel point?
C’est ici que les Romains s’empoignèrent, et que les Mèdes se médusèrent.
Il y a en effet d’innombrables raisons à minimiser le besoin de se protéger et à reconnaître la gravité de la pandémie en cours.
En premier lieu et pour tous, il faut garder le moral.
Ensuite, pour beaucoup, il faut terminer ses fins de mois ou garantir son revenu. Avec la fermeture de leur établissement, bien des cafetiers, restaurateurs et tenanciers de lieux récréatifs ont du souci à se faire: certains acceptent, d’autres pas, ou recherchent une reconversion-éclair. Dans l’ensemble, nombre de commerçants multiplient les relations par e-mail ou téléphone, décident d’offrir la livraison à domicile, etc.
Bien sûr, dans notre régime où l’emploi est une valeur d’ajustement, où la politique est au service premier des chiffres et de la rentabilité, où la précarité est une réalité croissante et organisée, les salariés de tous les secteurs mis à l’arrêt ne sont pas l’objet des priorités gouvernementales ou de la commission européenne.
D’innombrables salariés sont sur la brèche, redoutant des mises à pied temporaires ou définitives (près de 300.000 mises en chômage temporaire aujourd’hui en Belgique), sans négliger les risque de contagion sur le lieu du travail, car de nombreux employeurs à ce jour ne proposent que peu ou pas de mesures de protection de leur personnel. C’est en ce moment particulièrement patent dans la grande distribution en Belgique, où les employés font face à une marée d’acheteurs, mais ne se voient proposer aucune mesure de désinfection ou de mise à distance. Attendons-nous à des cas dans ce secteur. Les lieux touchés resteront-ils ouverts?
Il y a aussi les acteurs du mouvement social. En France, nombreux sont ceux qui continuent à manifester et à se réunir, comme un peu partout ailleurs. Il est difficile de renoncer à sa passion et à son mode de vie, y compris pour les militants qui précisément le revendiquent.
Toutes ces raisons, et quelques autres particularités freudiennes, peuvent pousser à la relativisation, voire à un certain déni, et négliger de se protéger. La tentation du déni peut être grande. « Faire les gestes » , nous dit Philippe Devos sur arretsurimage.net, « c’est accepter que la situation est réelle. Ne pas les faire, [implique de façon] conjuratoire, que [l’épidémie] ne va pas arriver » .
Malheureusement, nombreux sont encore les dénégateurs. Activistes de l’enrichissement matériel …ou symbolique, fêtards, bravaches, trop effrayés, distraits.
Or celui ou celle qui ne prend pas de mesures de protection personnelle, prend aussi le risque de contaminer autrui – sans l’accord de ces derniers, n’est-ce pas. Il ou elle peut contribuer à la saturation du système de santé, dont il peut pâtir personnellement pour n’importe quel besoin, que ce soit la covid-19 qui peut rendre l’hospitalisation nécessaire à tout âge, ou pour n’importe quelle autre maladie ou accident.
Nous dirions qu’il est de l’intérêt bien compris des égoïstes de se prémunir.
Jouer tout ça aux dés ou à la roulette russe n’est ni raisonnable, ni bien sûr responsable, la responsabilité sortant toutefois du champ de l’égoïsme.
Des leçons de l’épisode covid-19
Toute crise porte en elle des dévoilements et des leçons.
La pandémie du SRAS-CoV-2 met à nu la fragilité d’une mondialisation effrénée, d’un recours extensif et mondialisé aux échanges de biens et aux voyages, de la gestion à flux tendus où une rupture d’approvisionnement, fût-ce d’une pièce non essentielle, met à l’arrêt des entreprises entières. Noël Mamère a très bien résumé cette leçon dans une tribune au Monde. (Voir une réserve sur son texte dans les notes de fin).
La mondialisation a ouvert un boulevard à la pandémie, on le voit en Italie où c’est le nord, la région la plus riche et la plus inscrite dans la globalisation, qui a ouvert la porte d’entrée. En Belgique, c’est sans doute pour cette raison que la Flandre compte actuellement trois fois plus de cas que la Wallonie, région qui par ailleurs voulait fermer les écoles une semaine avant que le gouvernement fédéral n’impose la mesure.
Sur le plan du défi climatique et de la pollution, le virus en cours a des effets « collatéraux » remarquables et remarqués. Les cartes-satellites de la pollution au-dessus de la Chine sont éclairantes, c’est le bon mot, et il n’est pas faux de dire que l’irruption de la covid-19 est la seule avancée notable vers le respect de l’Accord de Paris sur le climat (2015 !) où tant de gouvernements se sont soi-disant engagés.
Une autre leçon est que l’austérité appliquée à la santé est une impasse, et peut-être un crime.
Dans tout le monde néo-libéralisé, cette tendance qui ne touche pas que la santé, se poursuit depuis des décennies.
On voit un Emmanuel Macron agiter la brosse à reluire face au dévouement des personnels de santé, dans un pays où déjà avant la pandémie, il n’a rien répondu à des services exténués, malgré un an de grèves et manifestations, si ce n’est son mantra « Nous gardons le cap » . Au vrai, c’est « On vous écrase, dévouez-vous! » Dans sa seconde intervention sur la pandémie, le jupitérien a fait appel à l’imaginaire patriotique de la guerre.
Nous avons ici un puissant exemple de la nécessité de relocaliser nombre d’activités, alors que déjà le dossier carbone/climat à lui seul devrait l’imposer. On pourrait s’attendre à ce que l’importance d’États gérant leurs pays autrement qu’au profit du rendement économique, de la délocalisatoin et de l’écrasement des services publics, soit réévaluée.
Mais nous sommes dans un monde où la réponse à la crise financière de 2008 a été « C’est passé. On continue. » Rien n’est donc gagné, nous sommes instruits.
Brèves notes sur quelques pays
Chine
Le régime chinois, toujours prompt à faire payer parfois cruellement les pouvoirs régionaux, a commencé par nier l’apparition d’une nouvelle maladie. Le docteur Li, Li Wenliang, un des premiers à avoir alerté sur l’apparition d’une nouvelle maladie, a d’abord été arrêté, avant d’être relâché avec quelques excuses mineures. Malheureusement, il a contracté la covid-19 et en est mort. Il avait 34 ans.
Des Chinois se déclarant « journalistes citoyens » , rendant compte de leurs observations sur Internet, ont été réduits au silence et ont « disparu » .
Par la suite le régime a réagi de manière efficace, et aujourd’hui depuis plus d’une semaine le nombre de nouveaux cas quotidiens tourne autour de 0,2 % du total et se montre en-dessous du nombre des guéris: l’épidémie recule en Chine.
C’est le moment où le régime commence à plastronner, notamment sur la guérison d’un centenaire, et où les milliardaires, présents là-bas comme en Occident, offrent de façon magnanime et ostentatoire un ou plusieurs millions de masques de protection et de kits de dépistage à divers pays européens et américains, qui de façon assez discrète en avaient offert à la Chine au tout début de l’épidémie.
Pékin piaffe de remettre en activité les entreprises à l’arrêt, et une question est de savoir s’il va y procéder prudemment ou trop précocement. Lors de la grippe espagnole de 1918, des villes américaines qui ont levé trop vite les protections ont connu deux pics de décès. (Tomas Pueyo, voir les notes de fin.)
États-Unis
Aux États-Unis, l’épidémie est lourde d’une potentielle catastrophe en raison d’un système de soins non universel et des contraintes auxquelles sont soumis les salariés les moins payés et les plus précaires, ainsi que les immigrés et clandestins pourchassés par l’administration Trump. Le congé pour maladie aux États-Unis est inexistant pour les bas salaires, et l’absence au travail, fût-elle pour raison de maladie, est cause de licenciement pour ces gens. Ils vont donc travailler sans accès aux soins, trop chers, le plus longtemps possible, et participer à l’extension de l’épidémie. Notons que dans ce pays, pour les salariés de la tranche la mieux rétribuée, le congé pour cause de maladie est accessible à 60 pour-cent d’entre eux. Que veut le peuple?
Iran
Ce grand peuple malheureusement gouverné par le crétinisme religieux souffre déjà des sanctions américaines. La situation écologique, en particulier l’eau, et sociale, est catastrophique, car ce pays est aussi, inch Allah, d’une grande dureté envers les pauvres. L’Iran souffre des maux des régimes autoritaires où l’idéologie prime et où les réalités sont cachées par les responsables de tous niveaux: il ne faut surtout pas s’afficher en porteur de mauvaises nouvelles, qui même réelles nuisent à la vantardise officielle (la Chine y était les premières semaines, et il est à craindre qu’elle n’y retourne à tout moment). Le parlement iranien est un foyer de l’épidémie. On a vu un ministre perclus de toux à la télévision. Une information récente indique que le pouvoir a donné l’ordre aux gardiens de la révolution, un État dans l’État, de « faire le vide dans les rues » .
Les commentateurs n’ont pas manqué de relever que le nombre déclaré de décès dus à l’épidémie en Iran était incompatible avec le peu de cas reconnus par les chiffres officiels. Cependant cette proportion a été atteinte en Italie sans que ce pays soit l’objet du même commentaire.
Italie
L’Italie est devenue le centre de la pandémie en Europe. Des mesures fortes de limitation et de contingentement ont été prises, et certains chiffres permettent de voir approcher une décrue du nombre de personnes contaminées.
Cependant la maladie et la situation tragique des hôpitaux en complète saturation touche largement et essentiellement le nord du pays, tandis que le sud n’est pas, ou pas encore, dans la tourmente. On ne voit pas pourquoi la contagion épargnerait cette moitiée du pays, où il semble que pas mal de « nordistes » se sont empressés de migrer ces dernières semaines. Antonio Maturo, professeur de sociologie de la santé à l’université de Bologne, se montre très inquiet: « Si la contagion devait gagner le sud de l’Italie le nombre de morts augmenterait de façon exponentielle en raison du délabrement et du sous-financement du système de santé dans ces régions.«
L’Italie pourrait alors connaître une courbe de l’épidémie à deux pics.
Taiwan
Taiwan est une des rares bonnes nouvelles. Ce pays très atteint par le SRAS en 2003 (voir plus haut), peuplé de 24 millions d’habitants, pour un territoire de six cinquièmes de la Belgique avec ses 11 millions de résidents, a été exclu de l’OMS en 1972, lorsque la Chine continentale a pris son siège à l’Onu. Il y a perdu en 2017 le statut d’observateur qu’il y avait obtenu en 2009.
Soit. Taïwan a donc d’une part l’expérience du SRAS, et d’autre part son équipe gouvernementale est aujourd’hui celle de 2003, avec un épidémiologiste comme vice-président.
L’île n’a connu à ce jour que 77 contaminés. Elle produit 10 millions de masques de protection par jour, dont 3 par semaine à la disposition de chaque citoyen, et elle a développé un test de dépistage du SARS-CoV-2 prenant 20 minutes. Son éviction de l’OMS l’empêche de communiquer confarteblement son expertise à l’ensemble des pays membres ou du monde.
…Si j’étais ministre de la santé, je chargerais un collaborateur d’une mission prioritaire, de préférence par visio-conférences, d’une recherche de collaboration avec Taïwan. Il est très peu dangereux de séjourner à Taïwan, mais il est dangereux d’y aller en avion.
Articles de Libération et Lesoir.be.
Hong Kong et Singapour
Ces deux pays, qui ont, comme indiqué plus haut, connu lourdement le SRAS-1, font aussi reculer l’épidémie du SRAS-2. (Liberation)
Covid-19 et effondrement
Condroz belge partage depuis quelques années la conviction que notre civilisation extractiviste-inégalitaire a commencé sa fin.
Nous ne manquons pas d’observations ni d’études pour fonder cette conviction. Rien qu’à nous limiter à deux recueils de nombreuses recherches, Comment tout peut s’effondrer, de Pablo Servigne et Raphaël Stevens, et Effondrement de Jared Diamond, la messe est dite.
Que notre monde en soit à un tel point-limite que d’innombrables événements, imprévisibles ou au premier abord éventuellement anodins, peuvent précipiter cette fin, le virus aujourd’hui nous en donne un exemple.
La finance, lors de la crise de 2008, pouvait apparaître comme un point central et majeur de crise systémique, mais elle n’est désormais plus qu’une potentialité d’auto-destruction parmi d’autres. Sa pire leçon a été qu’une fois la turbulence passée, elle n’est pas résolue, et que tout continue comme avant, c’est à dire en pire.
Nos anciens disaient « Tout fait farine au moulin » .
Pollution, cancers, stérilité, finance, inégalités, endettements, montée des autoritarismes, extinction du vivant, climat, migrations, …, toutes ces épiphanies ou « manifestations d’une réalité cachée » , ayant pu quelque temps apparaître indépendantes, font désormais système. Là est leur message.
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Crédits:
Arretsurimages.net, rezo.net, rtbf.be, lesoir.be, lecho.be, liberation.fr, Jacques du Guerny, Alain Empain, Wergosum, correspondants personnels divers. …Les inexactitudes sont bien sûr de la seule responsabilité de Condroz belge.
Notes
- Dans sa tribune ci-dessus, Noël Mamère écrit « Les régimes autoritaires, telle la Chine, en profiteront pour renforcer leurs systèmes de surveillance numérique et faire la traque aux lanceurs d’alerte et autres individus ne répondant pas à la norme sociale. » Quel aveuglement. Les démocraties, aussi!
- Ressources Internet pour les enfants: Notons la très riche liste collaborative, en permanente extension, « Comment occuper ses enfants à la maison grâce aux contenus géniaux que l’on peut trouver sur le Net ? » Jeux, activités, bricolage, programmes pédagogiques, histoires à écouter…
Mais attention aux écrans. Il est recommandé de ne pas en abuser, d’en lever les yeux toutes les vingt minutes pour regarder à une dizaine de mètres, et de les fermer, les écrans, une heure au moins avant de fermer les yeux au coucher. Et pas de smartphones aux mains des petits ! - L’émisssion en accès libre d’arretsurimages.net, « On doit se préparer à un ouragan » : une heure avec Philippe Devos, médecin intensiviste au CHC de Liège et président de l’Absym, et François Salachas, neurologue à la Pitié-Salpêtrière et membre du collectif Inter-Hôpitaux. À la différence d’Emmanuel Macron qui parle de « guerre » , les médecins parlent souvent de « tangage », ou, ici, d' »ouragan » .
- « Coronavirus: Why You Must Act Now » , Tomas Pueyo.
L’original est en anglais, et une traduction française existe.
Long article fouillé, intéressant, notamment pour l’examen des différentes villes étasuniennes selon leur action par rapport à la pandémie de grippe « espagnole » en 1918. Ce sont les maires qui étaient en charge. Une ville sans réaction particulière a eu 12.000 morts de plus qu’une autre qui avait su prendre des mesures « impopulaires » , tandis qu’une troisième qui avait trop tôt levé des actions efficaces, a connu deux pics de mortalité. Avec de nombreux graphiques, sur les cas observés/cas réels, sur la figuration de ce que représente une progression exponentielle, peu intuitive pour nos cerveaux… - Au bout du bout, hauts les coeurs !
Tout est déjà dit, plus haut [CB: plus bas], sur le fantastique boulot de Guy !
Que dire de plus ?
Qu’en plus de ses dons, immenses, de vulgarisateur scientifique, Guy, passez-moi l’expression, a le virus du jazz : qui n’a jamais goûté à ses improvisations doit illico les déguster : elles sont offertes sur ce blog ! Un régal pour les oreilles et le cerveau, malgré ou grâce à leurs imperfections !
Repassez-moi l’expression et ses plats : Guy a le virus de la cuisine : les mets qu’il concocte, et que j’ai eu l’honneur de savourer… j’en ai toujours l’eau à la bouche !
Merci Guy ! Merci monsieur Leboutte !
Amitiés à toi et à tous tes lecteurs !
Lamy, pour les intimes…
(Texte, hélas, non relu, mais pondu du jour !)
Merci Guy, la science économique n’est pas une science, je me souviens.
Ton « papier » très intéressant et très précis, m’a été très roboratif comme un bon petit déjeuner bien rassasiant.
Après le visionnage de la vidéo d’Arrêt sur images, que je n’avais plus « consulté » depuis bien longtemps, je me suis retrouvée plus alerte et non point plus alertée
Quel boulot !
Magnifique.
Clair, lucide, extrêment utile ! Merci !
Bonjour Guy,
Merci beaucoup pour ton texte très bien documenté.
J’y ai appris beaucoup de choses.
Merci et bravo pour le boulot plein d’intérêt, Guy !
Les figures prennent une toute autre dimension quand leurs axes sont gradués. Voyez la figure 1 de l’article ci-dessous. Le premier auteur, Neil Ferguson, dirige l’équipe de l’imperial college qui travaille notamment pour l’OMS. Ce n’est donc pas un rigolo.
https://www.imperial.ac.uk/media/imperial-college/medicine/sph/ide/gida-fellowships/Imperial-College-COVID19-NPI-modelling-16-03-2020.pdf
Oui, oui, tu as tout à fait raison, sauf que j’espère que Neil Ferguson sait être rigolo à ses heures. Avec les graduations, les choses deviennent concrètes et cliniques, et je ferai d’autres billets. J’ai évoqué cet article, que j’ai déjà consulté, dans ce billet. La référence Marius Gilbert y renvoie.
En l’occurrence, ce qui me frappe dans ce graphique c’est surtout son axe horizontal. Même si l’axe vertical suggère de l’ordre de 200 morts tous les jours pendant un mois, rien que sur la province de Liège.
En l’absence de mesures, le pic serait en juin (USA et GB). Or, les mesures visent à étaler ce pic dans le temps. Et plus il sera étalé, mieux on s’en sortira. Ca veut dire que dans le meilleur des cas, on en aura pour six mois. Ou bien un truc m’échappe?
Le virologue Marc Van Raast, qui a participé au suivi international du SRAS-1 et d’Ebola, table sur 10 semaines selon ce qui se passe en Chine. Moi ce qui me frappe aussi dans ces courbes, c’est la durée pendant laquelle les hôpitaux seront saturés. Dans tous les scénarios, c’est long! Et les projections ne tiennent pas compte de ce facteur.
Très bien fait ton article ! C’est toi qui as écrit tout ça ?
Amitiés et courage .
Merci! Oui, bien sûr, c’est toujours moi qui écris, sauf les citations entre guillemets! Depuis 1995. Comment faire autrement ?
Joli. Bravo.