Bonjour!
La mort d’Adama Traoré dans un local de la gendarmerie française est un sacré révélateur.
Manipulation des dossiers médicaux par le parquet. Appels sécuritaires extrémistes par la mairie. Harcèlement violent de la famille par le corps de maintien de l’ordre suspecté, lui-même. Incarcérations douteuses.
Seuls ceux qui ne veulent rien savoir ignoreront la culture de l’impunité et la violence d’État déjà en place, et les efforts frénétiques auxquels se livrent certains défenseurs officiels de l’ordre et de la justice pour faire taire les familles atteintes par des exactions policières.
Les médias que les optimistes appelaient « le quatrième pouvoir » ne font par leur boulot. Souvenez-vous simplement du peu ou du rien qui vous est arrivé aux oreilles à propos de cette affaire, et voyez pour faire court une petite revue de la presse radio par Daniel Schneidermann, l’homme qui se farcit les médias main-stream pour nous, qui sommes bien heureux d’en apprendre sans devoir connaître les originaux: « Adama Traoré, dans le temps imparti des radios ». Soit sur son site payant et sans publicité, arretsurimages.net, soit en libre-accès sur Rue89, site estimable vivant, lui, de la publicité (le prix de la lecture de Rue89 est donc incorporé dans celui des biens que vous achetez, et les annonceurs peuvent avoir barre sur lui.)
Sur contre-attaque.org, vous pouvez lire, dans un article bien écrit, les derniers abus de la gendarmerie et de la mairie: Assa Traoré : « Cette détention provisoire, c’est une vengeance insupportable du parquet de Pontoise » .
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Voici me semble-t-il, le moment de donner quelques-unes de mes notes sur l’état de la police en France.
Vous savez qu’elle est fatiguée, bien plus par la répression des banlieues et de la contestation de la loi travail que par la sacro-sainte chasse au terrorisme, et vous savez que des policiers ont manifesté contre le dénigrement dont ils s’estiment victimes dans l’opinion. Le slogan « Tout le monde déteste la police » a fait florès et a fait mouche.
La plupart de ces notes sont extraites de Mediapart, un autre site sans publicité et donc payant (environ 8 euros par mois). Vous savez, Mediapart, le journal en ligne qui sort à peu près la totalité des affaires mises au jour en France, que les pouvoirs voudraient tenir cachées, depuis au moins Cahuzac.
Police: la colère de la base ne passe pasar Louise Fessard. Paroles diverses de policiers. (PDF)
Malaise policier : l’impossible diagnostic?
13 nov. 2016, par Liévin Stéphane , qui se présente lui-même comme « policier, citoyen et encore un peu syndicaliste » . Un flic humaniste. Avec une intéressante sélection de liens en fin d’article.) (PDF)
« Alors que des champs immenses de recherche ont été ouverts ou demandent à l’être sous condition que nos portes et nos fenêtres s’ouvrent également ; alors que nous ressentons que ce qui mine notre institution c’est avant tout la politique imbécile du chiffre, accompagnée de son cortège de management violent, infantilisant et méritocratique ; alors que l’urgence serait de nous interroger sur l’avènement de moyens permettant de redonner du sens au métier de policier ; malgré cela et bien d’autres choses encore donc, nous continuons chimériquement à croire que le bonheur ne peut être trouvé que dans la fiche de paye. Nous continuons collectivement à nous persuader que nos bourreaux sont avant tout à l’extérieur. Il y en a, bien entendu. Mais le principal ennemi de notre profession n’est-il pas à chercher dans son propre miroir ? »
« La chose la plus urgente est, de mon point de vue, de mettre fin à la pratique méritocratique en supprimant les primes dites « de résultat exceptionnel » et « de responsabilité et de performance ». Notre profession a besoin de cohésion. Ces primes apportent tout le contraire. Une organisation syndicale a enfin pris la décision de demander l’ouverture de ce chantier. »
« Le second chantier consiste à trouver le moyen de redonner aux décideurs de tous grades la capacité de dire « non ». Aussi singulier que cela puisse paraître, je reste persuadé que cela lèverait de nombreuses souffrances, à tous les niveaux de notre institution. Quoi de pire que des chefs de tous niveaux qui se contentent de faire exécuter à l’échelon inférieur l’ordre qui vient de l’échelon supérieur, sans aucune capacité de réflexion et d’intelligence ? «
«Les policiers n’en peuvent plus»
Notez les guillemets! 15 novembre 2016, par Alain Brossat, professeur de philosophie émérite à l’université de Paris 8, auteur de Abécédaire Foucault, Démopolis, 2015:
« En bref, et la chose est constante, la police à laquelle un pouvoir politique veule et inconséquent lâche les rênes et qui, en conséquent se sent pousser des ailes, ne rêve pas de meilleures conditions d’exercice du noble métier consistant à assurer « le respect de la loi » ; elle rêve, platement et en automate, d’un État policier. »
La fin de l’article:
« Ce que nous voulons, c’est la justice pour Rémi Fraisse et Adama Traore.
Quant à la police, qu’elle fasse son boulot, dans le respect des lois et surtout, qu’elle se taise et soit bannie de la vie publique et du débat politique. »
Et pour une lueur d’espoir, ou plutôt, pour se rappeler que nul cours des choses n’est homogène ni joué d’avance, cette chronique de Marie Barbier, journaliste à L’Humanité:
https://chroniquesdepalais.blogspot.be/2016/11/au-proces-du-flash-ball-bobigny-n-pas-d.html.
Il y a un procureur impavide (qui n’a pas peur) à ce procès-là, et qui ne parle pas la langue de bois. En lisant une page, vous en savez ici plus qu’en cent ans de Pujadas.
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Bonsoir Guy,
Ce dont beaucoup de gens vont finir par se rendre compte à l’avenir, c’est qu’ils ont, eux aussi et c’est nouveau, quelque chose à se reprocher et que dorénavant le Pouvoir sera en mesure de le savoir (de manière quasi instantanée).
Je dis ceci, parce que, allez savoir pourquoi, j’hésite après vous avoir lu, à me demander de quoi il faut parler exactement, d’un système politique, de ses acteurs, de ses victimes ou de ses buts?
Beaucoup trop de gens par facilité se diront: oh, c’était un Black de banlieue et basta.
Sauf que dans notre système actuel, nous sommes tous devenus un peu black, que ça nous plaise ou pas. Ceci n’est pas vraiment nouveau mais les faits sont là, dans un système qui manipule si bien les idées et les mots, se penser à l’abri de tout devient réellement dérisoire.
L’article auquel je fais référence est ici.
http://www.lemonde.fr/pixels/article/2016/11/24/trois-ans-apres-les-revelations-snowden-la-surveillance-de-masse-se-porte-bien_5037022_4408996.html
Une des raisons, selon le Guardian, serait « l’apathie du public » qui, en plus d’une « opposition en lambeaux », viendrait expliquer l’adoption en douceur des « pouvoirs de surveillance les plus étendus du monde occidental ».
Ces quelques lignes disent bien le fond du problème de nos démocraties (j’hésite à mettre des guillemets à démocratie, pourtant on sait que ce mot n’est plus tout à fait exact (restons polis, s’énerver est très politiquement incorrect), vu les glissements sans cesse qu’on peut constater).
Merci Guy de veiller à nous tenir en éveil.