Mai 2007, Belgique. Les élections approchent. À quoi sert l’extrême-droite ?

23 mai 2007. Texte sauvé de l’évaporation (ou du naufrage) de deux sites militants,

(uneautregauche.be/forums/messages/1512.html et http://liege.indymedia.org/news/2007/05/16267.php)

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Slavoj Žižek, dans son livre Que veut l’Europe, considère que sur notre vieux continent, l’extrême-droite est instrumentalisée par le débat officiel, qui est plutôt un non-débat, ou alors un débat dans un « périmètre idéologique minuscule », comme dit Serge Halimi. Pour Žižek le seul vrai danger pour le pouvoir, serait un projet de gauche radical …crédible. Ce risque doit être tenu en permanence aussi près de zéro que possible. Ajoutons à cela qu’en France, pays qui inspire inévitablement les Belges de langue française, Mitterrand, pour affaiblir la droite, a favorisé le développement du Front National, dont les succès ont sans conteste donné un coup de pouce à notre parti du même nom.

On voit bien aujourd’hui qu’une droite dure et éligible, comme celle de Sarkozy, est bien plus dangereuse qu’une droite extrême, ringarde et passéiste, et surtout, non éligible, comme le FN. Aujourd’hui la droite dure a été élue, et on va voir ce qu’on va voir. (La Palisse)

Revenons chez les Bleus Blancs Belges. Le péril fasciste est l’alibi agité depuis trente ans par les intellectuels et intermédiaires idéologiques de tout poil et plume, animateurs, formateurs, chercheurs, élus locaux et membres de cabinets, qui doivent leur perchoir à la gauche de gouvernement. Moins haut ils volent, et plus vite ils ont le vertige. J’en entendais certains, la veille de la marche blanche où ils n’osaient aller, tant ils craignaient pour la stabilité de leur monde, annoncer une présence massive de, et une récupération par, l’extrême-droite. Cette obsession est le lot de ceux qui à longueur d’année se coltinent le rapport au public et doivent produire une légitimité idéologique qu’il n’est pas possible d’assurer en défendant la pratique réelle des élus de haut rang ; pour ces derniers, le contact avec la matière citoyenne se réduit avantageusement au mauvais moment à passer que représentent les périodes de campagne électorale.

Les Territoires de la Mémoire et autres initiatives vertueuses du politiquement correct, constituent le degré zéro d’une conscience politique qui s’exonère de penser la critique des pratiques quotidiennes, très rentables en termes de carrières diverses. On « gère les acquis », on les occupe et on en use sans modération, on gère la part socialisée du salaire global. Mais uniquement sur la défensive, comme chacun a pu le constater. C’est inévitable à partir du moment où la gauche de gouvernement est la même qui sur le plan économique, a promu toutes les avancées libérales mettant à mal lesdits acquis. Par exemple, le grand marché européen qu’elle annonçait, en accord avec la droite, créateur de 5.000.000 d’emplois nouveaux, pour se vouer à un silence radio total une fois atteint ce bel objectif marchand. Ou les aménagements légaux organisant la protectionnisme absolu accordé à la finance. Par exemple encore, l’indépendance sans précédent de la banque centrale européenne par rapport au suffrage universel. Et bien sûr la privatisation continue d’un maximum de services publics – le socialiste Di Rupo lui-même a, en tant que ministre, signé le premier pas vers la privatisation de la poste, avec la libéralisation des colis de plus de 350 grammes.

L’antifascisme est dans ce contexte le plus petit commun dénominateur que l’on peut feindre de partager entre la gauche du cœur et la gauche du ventre, et je commence à croire que les représentants de la senestre qui se veut radicale s’illusionnent et se font rouler dans la farine, en figurant sur le terrain de la commémoration antifasciste. Ils rejouent les occasions perdues dans les années trente du siècle passé, et répètent les bonnes réponses à des questions que l’histoire ne pose plus.

Et voyez le triangle arboré en ville par tous ces démocrates repus. Son rouge est celui de la honte. La honte de leurs trahisons passées, quand ils refusaient de soutenir la république espagnole ou d’accueillir des Juifs que l’Allemagne nazie n’avait pas encore décidé d’exterminer, deux exemples qui ne closent pas la liste, et la honte de leurs trahisons récentes, quand ils abandonnent pour quelques maroquins le souci de répondre à la souffrance sociale, renonciation par laquelle ils recrutent eux-mêmes pour la droite extrême. En attendant que Reynders nous propose la dure.

Voter pour s’opposer au « péril de l’extrême-droite » est à mon avis, pur égarement. Il faut penser autrement la restauration conservatrice dont parlait Bourdieu, et trouver d’autres raisons pour s’inscrire dans la comédie électorale, que Marx appela « crétinisme parlementaire ».

Sang et CO2 à Bierset

(Article publié originellement sur acontrecourant.be)

 

« Un rapport réalisé il y a peu par un groupe d’ONG des Pays-Bas (United Civilians for Peace, UCP) indique que 90% des fleurs exportées par Israël sont exportées vers les Pays Bas avant d’être vendues au reste du monde. Selon ce même rapport, on compte environ deux vols de nuit par semaine vers le Luxembourg et dix vols de nuit par semaine vers l’aéroport de Liège, centre principal de transport aéronautique des produits d’Israël vers l’UE. »« La compagnie aérienne israélienne Cargo Air Line (CAL) ainsi que TNT (compagnie hollandaise qui, selon le rapport cité plus haut, entretient des liens avec les entreprises installées dans les colonies d’Israël) se sont installées très tôt à Bierset, où elles ont pu profiter de normes moins sévères qu’à Schiphol aux Pays-Bas. »(in Le commerce fructueux de l’exploitation, de l’expropriation et du vol http://www.radioairlibre.be//infos/Agrexco-Israel.htm)

*

Le directeur de Liège-Bierset adore son boulot. Dans un organe de la presse gratuite (la mal nommée), son sourire en couverture, il dit sa fierté de « travailler pour l’avenir de sa région ».

Il n’est pas le premier à confondre le court terme avec l’avenir, ni ses fins de mois personnelles avec la prospérité collective.

Vous avez remarqué comme les hommes d’affaires aiment se prendre pour des visionnaires, alors que la négation, qui se dit en leur langue « externalisation », celle des coûts, des problèmes et des concepts, est au coeur de leur pratique quotidienne et de leurs relations avec l’environnement, qu’il soit naturel ou social ?

Pendant combien d’années croyez-vous que de leur côté les affairistes publics wallons, maîtres d’oeuvre à Bierset, vont réussir à favoriser et imposer cette hérésie économique, politique, éthique et environnementale : avions chaque nuit pour les fleurs et fruits d’Israël, produits là-bas dans un des derniers États coloniaux de la planète, en une économie de rapine guerrière et théocratique, et en violation du droit international ?

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« Agrexco appartient pour 50% à l’État israélien et tous les produits exportés [des colonies] de la Vallée du Jourdain sont emballés et vendus par eux. »

« (…) certains produits israéliens sont emballés en France ou en Suisse par Delhaize, Carrefour, Auchan, Monoprix, Intermarché ou Leclerc (jus de fruits Jaffaden), etc. avec un code barre français. »

« (…) L’exportation par Agrexco de marchandises provenant des colonies de Cisjordanie sont illégalement vendues en tant que « Produits d’Israël », tirant ainsi bénéfice des termes de l’échange préférentiel que l’Europe accorde aux importations israéliennes. »

« Les produits sont labellisés CARMEL, JAFFA ou STAR RUBY »

(Dans Apartheid et Agrexco dans la Vallée du Jourdain http://www.ism-suisse.org/news/article.php ?id=3769&type=campagne)

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Les mains humiliées des cueilleurs sont couvertes de sang et le circuit de livraison est opaque : les participants à ce commerce d’avenir n’ont pas le courage d’afficher l’origine des produits. Au Delhaize, les avocats Carmel sont présentés dans des cartons espagnols, comme nombre de produits Agrexco en Europe. La traçabilité est brouillée et les fleurs seront en général vendues comme provenant des Pays-Bas : après la fable des Israéliens faisant pousser des oranges dans le désert, voici celle des Hollandais produisant des oeillets sous la neige.

À Bierset, une débauche d’aides publiques pas très regardantes pousse haut le coût public de l’emploi privé. Luc Misson, avocat des riverains, l’évaluait en 2004 et au bas mot, à 11.357.183 francs (281.500 euros) par unité. Mais le double est probable !

« – Le 20 juillet 2000, le Gouvernement wallon déclarait évaluer les dépenses à 18,5 milliards de francs belges. »

« – En mars 2003, la SOWAER qui assume cette mission actuellement, évalue les dépenses à 27 milliards de francs belges. »

« – L’évaluation a donc augmenté de 46 % en 3 ans. Il est généralement avancé par les autorités wallonnes que le développement et l’équipement de l’aéroport de Bierset coûtera 20 milliards de francs belges. 10 fois le budget annoncé en 1996 ! Pourtant nombreux sont ceux qui pensent qu’au total l’équipement de l’aéroport, les rachats et les insonorisations coûteront plus de 40 milliards de francs belges. »

« Nous pensons qu’on sera en bout de course plus près des 40 milliards que des 20 milliards annoncés mais le démontrer demanderait trop de développements. »

« Si même l’investissement public devait se limiter à 20 milliards, il faudrait de toute manière en conclure qu’à Bierset pour créer 1.761 emplois (souvent de mauvaise qualité), on dépenserait 11.357.183 francs par emploi créé. »

Et encore faut-il y ajouter un coût, qui n’est pas seulement économique, infligé aux riverains eux-mêmes.

Résumé:

1, 2, 3
* Cologne ne voulait plus de TNT.
* Schiphol est trop exigeant.
* Bierset accueille les nuisances, à l’unanimité de trois vieux partis, par l’odeur alléchés.

4, 5
* Des chômeurs acceptent des temps partiels de nuit, pour les fuir dès que possible : un tiers des ouvriers quittent TNT chaque année. (rapport Misson ci-dessus)
* En provenance de colonies d’Israël, illégal, camouflé, nocturne, honteux, polluant, bruyant, s’ensuit un transport de produits valant leur poids de sang, d’humiliation et de CO2.

et 6
* Ce que les électeurs n’auront pas la sagesse de refuser dans une saine prévoyance, le tarissement du pétrole à bon marché et la panique climatique l’imposeront dans la douleur.