Leur ami le wahhabisme proscrit la poésie, la musique et le rire

wahhab

 

Bonjour!

 

L’Arabie saoudite est courtisée par l’Occident. On le sait, et ça ne date pas d’hier.
Hier justement, le ministre-président wallon socialiste, Paul Magnette, justifiait les ventes d’armes de guerre wallonnes à ce pays, par un bla-bla à prétention géopolitique et dans une posture de responsabilité des « engagements internationaux » , comprenons les compromissions, de la Belgique. Çuilà, il ne connait l’internationalisme que dans les livres d’histoire. Et du commerce, il connaît d’abord le déni.

Le wahhabisme est la version bien cadenassée de l’islam à la saoudienne. Wahhabisme notre ami? Pas le mien, mais alors, wahhabisme leur ami?
Lorsque le roi Abdallah est mort, en janvier 2015, quelques jours après les attentats à Charlie-Hebdo, le roi Philippe de Belgique s’est rendu aux obsèques du monarque défunt d’un régime qui interdit aux femmes de conduire une voiture, exécute de façon sanglante plus d’une centaine de condamnés par an, et au même moment condamnait le blogueur Raif Badawi à dix ans de prison et mille coups de fouet pour avoir animé un site internet consacré à la liberté d’expression. François Hollande aussi était de la partie aux funérailles, et pas mal d’autres démocrates. Récemment l’inénarrable Manuel Valls est allé écrire une ligne de son CV là-bas, à l’occasion de la signature de contrats portant sur dix milliards d’achats militaires divers par Ryad à l’industrie française. Il a tweeté victorieusement un message supprimé depuis lors, mais pérennisé par Serge Halimi dans Le Monde diplomatique. C’est bien, Twitter:
« France-Arabie saoudite : 10 milliards d’euros de contrats ! Le gouvernement mobilisé pour nos entreprises et l’emploi. »

En cela, la France ne fait du reste rien d’autre qu’imiter des décennies de politique américaine dans ce pays. À un moment où Washington se rapproche de Téhéran, l’équipe Hollande-Valls, qui porte toujours l’étiquette socialiste, comme le parti de Paul Magnette, s’engouffre dans la brèche ouverte par un certain refroidissement des relations de l’oncle Sam avec l’état salafiste.
Ainsi va le socialisme européen, qui ne fait plus rêver personne au monde. …Une désillusion qui n’est pas étrangère au succès des intégrismes.

L’Arabie gorgée de pétrole et de dollars est régie par un accord historique qui laisse le pouvoir politique aux familles régnantes, et le pouvoir religieux, y compris une police des moeurs, à un clergé qui ne cherche pas à gouverner. Il n’y a pas d’idée de califat en Arabie, c’est un point important qui la sépare de Daech. Le pouvoir salafiste finance largement les ulémas et les imams, lesquels, non contents de maintenir la population locale dans une stricte arriération, à coups de milliards inondent de leur propagande le monde musulman et l’Europe, finançant mosquées avec imams clefs sur porte du Maroc à l’Indonésie. Sur le vieux continent, des États austéritaires sont ainsi trop contents de quelques épargnes à courte vue. …Ces économies de bouts de ficelle, elles non plus, ne sont pas étrangères à l’extension des prêches intégristes.
Un exemple? L’imam  de Brest, que l’on appelle « quiétiste » car il refuse la violence djihadiste, dit aux enfants qu’ils seront transformés en cochons s’ils écoutent de la musique.

René Backmann, dans Mediapart, livre un intéressant article intitulé Le double jeu de l’Arabie saoudite face à Daech, dont voici quelques extraits:


Terreau de multiples courants du fondamentalisme sunnite, depuis les Frères musulmans jusqu’au salafisme djihadiste, le wahhabisme, religion et doctrine du royaume saoudien, a été fondé au XVIIIe siècle par Mohamed Ibn Abd al-Wahhab, auteur du Livre de l’unité fondamentale qui commande notamment de limiter la part humaine dans le jugement. Conservateur, rigoriste et puritain, il repose sur une lecture littérale du Coran et de la charia, tient les chiites pour des apostats, et proscrit la poésie, la musique et le rire. C’est cette version de l’islam que les imams saoudiens et leurs innombrables disciples et relais s’efforcent depuis plus de 40 ans d’imposer, dans le monde musulman mais aussi dans les banlieues des grandes métropoles européennes.


« Rien n’a été plus destructeur pour la stabilité et la modernisation du monde arabe et, plus largement, du monde musulman », écrivait en septembre dernier l’éditorialiste du New York Times Thomas Friedman, excellent connaisseur du royaume et de ses dirigeants, « que les milliards et les milliards de dollars que les Saoudiens ont investis depuis les années 1970 dans la destruction du pluralisme de l’Islam […] pour imposer à [sa] place cette version puritaine, anti-moderne, anti-féminine, anti-occidentale, anti-pluraliste de l’islam salafiste wahhabite, promu par l’establishment religieux saoudien. Ce n’est pas un hasard si plusieurs milliers de Saoudiens ont rejoint l’État islamique ou si des organisations charitables du Golfe ont adressé des dons à l’État islamique. C’est parce que tous ces groupes sunnites djihadistes – E.I., Al-Qaïda, Al-Nosra – sont les fruits du wahhabisme inoculé par l’Arabie saoudite dans les mosquées et les madrasas [écoles coraniques] du Maroc au Pakistan et à l’Indonésie ».

C’est enfin Abou Bakr al-Baghdadi, à la sortie d’un centre de détention américain où il s’est radicalisé, qui a organisé, à partir du début 2006 la jonction de ces djihadistes irakiens et d’une partie des combattants du Front Al-Nosra, la branche syrienne d’Al-Qaïda, pour s’emparer de Mossoul et y proclamer en juin 2014 le califat dans les territoires qu’il contrôlait sous le nom de l’État islamique.

« Indéniablement », affirme [l’anthropologue saoudienne et professeure à la London School of economics] Madawi al-Rasheed, « il existe entre l’Arabie saoudite et l’État islamique une histoire partagée et des affinités idéologiques. […] Les décapitations, les lapidations, la stricte application de la charia, le traitement des femmes sont autant de pratiques communes à Daech et au gouvernement saoudien. L’administration locale de Daech à Mossoul emprunte largement au modèle de société en vigueur à Riyad – un modèle de société que l’Arabie saoudite diffuse grâce à son clergé, à ses écoles religieuses, à ses publications, à ses fatwas de Djakarta à Londres, en passant par les banlieues françaises. »


Le déroutant paradoxe de la stratégie saoudienne est qu’elle utilise ouvertement, à l’étranger, les djihadistes sunnites comme instruments de son combat contre l’influence chiite tout en les réprimant impitoyablement, à l’intérieur de ses frontières, en raison des menaces qu’ils font peser sur le statu quo qui fonde la stabilité du royaume. Mais cette duplicité est de moins en moins dissimulable.
Autre constatation accablante pour Riyad : tout comme les combattants de Daech en Syrie, les aviateurs saoudiens n’ont pas hésité à détruire au Yémen des trésors culturels inestimables, inscrits au patrimoine mondial de l’Unesco. À Sanaa, la mosquée Al-Mahdi, du XIIe siècle, a été soufflée par un missile. Le précieux musée de Dhamar a été bombardé, tout comme l’inoffensive cité fortifiée pré-islamique de Baraqish, ou le barrage de Marib, construit au temps de la reine de Saba. Le tout dans l’indifférence totale de la communauté internationale. Et notamment des États qui ont armé Riyad…
 

Alors que des pourparlers de paix sont annoncés pour le 15 décembre en Suisse par le médiateur de l’ONU, les Émirats arabes unis, qui ont perdu dans les combats plusieurs dizaines de soldats et qui contestent l’appui fourni par Riyad à la branche locale des Frères musulmans, ont retiré les trois quarts de leur corps expéditionnaire de 2 000 hommes du champ de bataille yéménite où ils s’enlisaient. Pour compenser ce repli, Riyad aurait acheminé sur place plusieurs centaines de soldats soudanais et érythréens. Et Abou Dhabi aurait déployé 500 hommes du contingent de 1 800 mercenaires latino-américains – colombiens, chiliens, salvadoriens, panaméens – récemment recrutés et actuellement à l’entraînement sur une base émiratie.
 

Il faut aussi toute la fidélité désintéressée d’Olivier Dassault, président du groupe d’amitié France-Arabie saoudite et président du conseil de surveillance du groupe d’aéronautique et d’armement Marcel Dassault, qui produit notamment le Rafale, pour répondre, jeudi 3 décembre, aux députés qui souhaitent une révision de nos liens avec Riyad, que ce serait «une faute majeure» d’adopter une « posture frontale d’opposition» face à ce « pays ami ».

L’article complet est ici sur le site de Mediapart, consultable uniquement sur abonnement. Il faut soutenir Mediapart, exemple de presse indépendante et sans publicité, ne vivant comme Arrêt sur images que de ses lecteurs. Provisoirement, je donne l’article complet sur demande.

Par ailleurs Kamel Daoud, journaliste algérien faisant l’objet d’une fatwah dans son pays, romancier primé au Goncourt du premier roman en 2015 pour Meursault, contre-enquête, vivant actuellement à New York, a signé un article qui a fait un certain bruit: L’Arabie saoudite, un Daesh qui a réussi.
http://www.nytimes.com/2015/11/21/opinion/larabie-saoudite-un-daesh-qui-a-reussi.html

Bonnes lectures!

 

Guy

2 réflexions au sujet de « Leur ami le wahhabisme proscrit la poésie, la musique et le rire »

  • 12 décembre 2015 à 9h43
    Permalink

    Bonjour,

    Oui, cet article de Kamel Daoud a également été cité dans une émission de France-Culture (ou plutôt une série de 4 émissions dans Culturesmonde) sur les banques « À la poursuite de l’argent du crime ». Intéressant.

    Cordialement.

    Répondre
  • 12 décembre 2015 à 9h32
    Permalink

    Merci pour cet article. Avons-nous idée, des infos sur l’importance de la participation des monarchies du Golfe (l’AS n’est pas la seule hélas) dans l’actionnariat des entreprises multinationales qui indirectement sont les patrons de pas mal de travailleurs dans le monde. Ces monarques ne sont-ils pas devenus, en réalité, nos patrons ?

    Répondre

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