La crise qui vient

Dessin paru dans Tech Central (Afrique du Sud)

 

« D’ici 2020, George Ugeux prédit une nouvelle crise économique sans précédent » , nous prévient Radio Première RTBF.
(Dans un entretien qui certes vaut un autre billet à lui tout seul, et dont vous pouvez trouver ici un enregistrement mp3.)

Et il n’est pas le seul. Lui voit arriver la crise par l’endettement des États, et d’autres par d’autres chemins, l’implosion de l’euro, la dette étudiante US, la dette des entreprises privées (CADTM), les banques italiennes, mais ce qui paraît établi, c’est que tout est en place pour un 2008 en pire, et assez prochainement.
Tout est comme avant 2008, en plus grand, et en plus rapide. Ainsi, avec le high-frequency trading, il n’y a plus aujourd’hui que deux traders chez Goldman-Sachs. Je veux dire: deux traders humains. Le trading à haute fréquence, c’est légal, et ce sont des ordinateurs qui parlent à d’autres ordinateurs. Une merveille!
Une autre différence de taille avec l’avant-2008 est que les États, dont la dette n’est un sujet que depuis cette année-là et pas avant (ce qui est un fait frappant mais presque jamais mentionné), les États, étant massivement intervenus pour sauver la finance, ne devraient plus pouvoir, au cas où le chemin de crise ne passerait pas par eux, mobiliser à nouveau, les moyens déjà déployés alors, et la claque, traduction française libre de krach, devrait se produire assez prochainement. Avant cinq ans très probablement. Dix ans paraissent un délai inaccessible.

La création monétaire dite quantitative easing continue de déverser mois après mois des liquidités en quantités extravagantes, sans aucun effet sur l’économie productive, car elles restent enfermées dans les circuits financiers. Autrement dit: une bulle himalayenne. Surtout aux États-Unis. Mais l’UE aussi maintient une grande quantité de banques et de sociétés d’assurance sous perfusion: 70-80 milliards d’euros mois après mois, d’achats de créances ou titres douteux. Et perfusion est le mot le plus juste. N’est-ce pas, Ethias?
Les institutions financières privées reçoivent aussi des fonds à taux d’intérêts quasi nuls, mais elles s’endettent.

Je vois cependant un bémol et de taille: la créativité du désespoir est sans limites, et des aménagements inédits autant qu’imprévisibles peuvent se produire. Bref, ça va valser, et sur une drôle de musique pas drôle.

Il faudrait écouter ce qu’en dit un Australien qui enseigne à Londres, Steve Keen, dont l’excellent Gaël Giraud a fait traduire le livre sur la question. Car il est le seul théoricien, dans les limites de mon ignorance, à avoir construit un modèle qui prédisait 2008. Paul Jorion, dont c’est le titre de gloire, n’a rien « prévu » en termes théoriques: il était juste, par les hasards de la vie, employé dans la plus grande firme californienne émettrice de contrats subprime, et il raconte lui-même quelque part dans son blog que les dix-douze employés de son équipe ont tous vu 2008 arriver via ces subprimes, lui étant le seul de la bande à en faire un livre, ce qui est un grand mérite, et même, de ses plus petits. Un autre, de New York, est aussi connu pour avoir à peu près prédit le krach, mais peut-être prédisait-il un peu tout à la fois, et André Gorz dans son dernier article a dressé un portrait saisissant des impasses de la dette. Mais seul Keen a monté un modèle prédictif sur ce coup-là. La crise n’existe pas dans la pensée économique standard.
Le bouquin de Steve Keen, paru en anglais en 2014 sous le titre  Debunking Economics: The Naked Emperor Dethroned?, apparaît en 2017 en français comme L’imposture économique, aux Éditions de l’Atelier. C’est du rouge, et ça titre 532 pages.
Je n’ai pas le temps de chercher ce que pense Steve Keen en ce moment précis. Vous avez vu l’heure?

*

Pratiquement, si vous avez des sous en banque ou n’importe où dans la finance, mettez-les ailleurs. À défaut, comme l’a écrit maintes fois le Charlie-Hebdo de la première heure et à tout propos, si vous n’avez pas d’argent en banque, volez-le. (À l’adresse des services qui me lisent, comme la sûreté militaire belge – si si! – : je plaisante!)
Personnellement, lorsque mon petit héritage arrivera, s’il arrive, car les successions sont une épreuve de vérité pour les familles, je ne mettrai rien en banque. Je convertirai au moins la moitié en or. On a déjà vu des États interdire la détention d’or sous peine de poursuites pénales, et quoi qu’il en soit, l’achat d’or monétaire est très facile en Belgique.
Je suis allé voir à Maastricht, qui est tout près de chez moi, et là c’est un sujet ésotérique : il faut s’adresser à la banque royale néerlandaise pour acheter de l’or monétaire.
Le reste, je le mettrai en liquide, autant par méfiance que par refus de laisser une banque jouer avec mon argent.
Mais dans quelle monnaie?
La couronne norvégienne? J’ai regardé son historique, et j’ai conclu: non, malgré son statut de devise d’une pétromonarchie. Le franc suisse, à la propreté inquiétante, resteraitait la seule option en-dehors de l’euro allemand. Le dollar US, lui, ne paraît pas jouable: il est trop manipulé et trop erratique.

Je parlais donc de l’euro allemand. Vous connaissez l’euro allemand? Le jour où l’euro implosera, l’euro allemand existera: ce sera l’euro des résidents allemands et peut-être, mais on verra, celui des déposants étrangers sur des comptes allemands.
Il existe déjà un euro chypriote, dans le sens où pour certains comptes en banque à Chypre, pays où les banques sont gangrenées par des fonds russes, une décote sous forme de taxes de plus ou moins dix pour-cent s’applique à la sortie des fonds. Cet euro chypriote vaut donc 90 pour-cent de l’euro du reste de la zone. Les maffias et les oligarques s’en fichent évidemment, même s’ils auraient aimé y échapper.

…Je dis ce que je ferai, pas ce que vous devez faire.
…Je commence même à envisager d’en faire autant pour ma petite épargne au quotidien, celle que le jargon économiste appelle « de précaution » .

*

Notes
Articles de presse: La Libre: « Les premiers bruits d’un tsunami financier se font entendre. Une nouvelle crise pourrait être plus destructrice que celle de 2008   » (sur abonnement),
Le Soir: rien,
Le Monde: rien.
Le blog de Georges Ugeux hébergé sur le site du Monde: Démystifier la finance.

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