Bonjour !
Samedi 20 décembre.
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Je suis descendu à pied en ville, au milieu de l’après-midi. Descendre est le mot juste, puisque je vis à l’altitude 147, et les quais sur Meuse à Liège sont à 65. En un quart d’heure je suis au centre.
Il y a plusieurs centres à Liège, disent les dépliants de l’office du tourisme.
Il y a, contigus, le Vertbois des officielles institutions socio-économiques de la région wallonne, où personne ne va, sauf ceux qui y gagnent leur vie, à côté de la place des Carmes et sa toute petite maison de la culture, grande comme, à la louche, un dixième du palais de justice, puis la place Cathédrale, voisine de la Saint-Paul du syndicat socialiste, six étages, caisse de paiement des allocations de chômage, service juridique, agence de voyages, salles de conférences, beaucoup d’employés pour un patron difficile à ce qu’on dit, place Cathédrale voisine aussi du « Carré » formé par ces rues étroites et moyenâgeuses se coupant à angle droit. Bourré de bistrots dont un certain nombre ne ferment jamais, le Carré connaît une certaine célébrité au marquisat international de la bamboche. Puis, les rues piétonnes qui mènent aux places République française, Saint-Lambert, Saint-Étienne, du Marché. Des saints, des saints, tant de saints.
Et un peu en-dehors de cette zone, il y a la gare des Guillemins re-liftée par Santiago Calatrava, erreur de casting, bel objet certes, d’origine valencienne, qui fait aussi frigo …en hiver. Elle est de ce blanc immaculé qu’appellent les ciels bleus, perdue dans la grisaille d’une ville industrielle du demi-Nord de l’Europe. Son dernier et tout récent avatar est l’installation d’un chauffage qui vise à tenir la température de la galerie marchande à 12 degrés centigrades.
12 degrés comment? Au-dessus de zéro.
Au final, le centre de Liège, contrairement à la communication officielle, c’est tous ces lieux-là, moins le Vertbois, et moins la gare.
Voilà qui est clair et qui éclaire !
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J’achète mon pain de la semaine, j’achète Le Monde.
J’achète les deux! Ne croyez pas que j’appelle Le Monde du samedi, mon pain de la semaine.
J’achète aussi, pour des amis ignorants de ça, de vrais cure-dents, pas des bâtonnets en bois dur destinés aux olives, auprès de l’enseigne hollandaise Kruydvat, où l’on trouve des trucs simples et inexistants chez les Belges. À côté, il y a Hema, autre fleuron du commerce batave pratique et pas cher, avec des couleurs vives et joyeuses comme on en voit sur les lunettes des bourgeois stijf (raides) et souriants, que l’on peut observer en nombre au théâtre à Maastricht, par exemple. L’esprit pratique des Néerlandais, c’est Ikea sans l’invasion du monde. Les idées leur viennent à vélo, comme elles venaient aux péripatéticiens en marchant. Les vélos n’ont pas la radio. Comme ils font beaucoup de vélo, nos voisins ont beaucoup d’idées. Ils en ont plus semble-t-il qu’on n’en a dans des pays plus automobilistes. Il n’empêche, les autoroutes orangistes sont sur-encombrées, à toute heure de n’importe quel jour de la semaine.
Je zone et je musarde. Pas d’heure pour rentrer, liberté dans la foule.
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Le marché de Noël est très animé. Il s’y mélange les gens qui viennent prendre un verre, ceux qui se pressent pour leurs achats, et ceux qui font l’un et l’autre. Il y a aussi les sorties de bureau. Rien de plus prévisible que Noël, qui tombe (tombe?) chaque année le 25 décembre. Pourtant ils seront nombreux à courir jusqu’au 24. Moi, les cadeaux que je vais offrir à Noël, je les ai depuis trois semaines.
Les gens aiment-ils se courir sur les pieds? Aiment-ils se rassembler, se ressembler?
La plupart de ces heureux malheureux viennent dans une voiture où ils vont passer de trente à nonante minutes juste pour entrer en ville et en sortir. Deux cent mille automobiles entrent à Liège et en sortent chaque jour, soit une par habitant, bébés et paraplégiques compris. Leurs conducteurs perdent chaque année « l’équivalent d’une semaine complète de travail, soit 38 heures, dans les bouchons » , selon Todayinliege. En réalité ils perdent du temps de loisir, soit deux ou trois semaines de loisirs! Ils ne perdent pas du temps de travail, ne rêvons pas. Le temps de travail est dû, quoi qu’il arrive ! Imaginer une chambre de compensation, qui annulerait le temps perdu dans les bouchons par des réductions du temps de travail, en voilà une utopie digne d’un journaliste distrait.
En attendant, les malins et les veinards viennent à pied, à vélo, en bus, en train.
À Liège et officiellement, il y a, non un marché, mais un VILLAGE de Noël: un bourgmestre ou maire est nommé pour la durée de ce lieu très commercial et très électoral, ainsi que quelques autres personnages fictifs de cette agglomération provisoire. La plupart des gens adorent ce truc, le village de Noël. Moi aussi, à ma façon et à ma dose, mais les radicaux comme mon fils que l’excès de couleur marchande fait fuir, détestent ces lieux. Il en faut des gens comme eux, notre honneur à nous, les gens de la moyenne. Ce sont eux qui s’enchaînent aux barrières des centres fermés pour sans-papiers, de Liège à Calais, produisant l’écho médiatique d’une réprobation que nous partageons, quand nous y pensons.
J’ai dans la foulée une pensée pour les LilithS, parce qu’elles viennent d’entarter le fils Michel « aux frites, sauce austérité », ce qui s’est raconté jusqu’en Allemagne (elle est juste à côté mais va très loin), et aussi parce qu’elles sont les seules qui interviennent efficacement, c’est-à-dire en produisant un peu de bruit médiatique, contre le commerce opaque et illégal de l’aéroport de Bierset avec Israël. Où nous avons dans un sens: importations illégales de produits des colonies de Cisjordanie, couvertes par tous les partis de gouvernement, socialistes du béton, héritiers réformistes, écologistes normalisés, humanistes intéressés, du conseil d’administration de l’aéroport. Dans l’autre sens, leurs homologues de la région régionalisée consentent à des exportations de matériel sans doute militaire et sans doute légalement, mais autorisées dans le secret et sans mandat de l’électeur. À part les LilithS, quelques militants pacifistes manifestent une fois par an. Ils viennent à trente de toutes les régions et de toutes les langues de Belgique, yiddish et marocain compris, se font photographier par la sécurité mais pas par la presse. J’y fus une fois, c’était d’un déprimant ! Ils tentent de sauver l’honneur des aveugles sourds et muets, et des déprimés, qui peuplent l’opinion publique.
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Aujourd’hui, les gens des communes voisines et de la province plus lointaine descendent sur la ville. Le mot reste juste, car au bord d’un fleuve, seuls les souterrains sont plus bas. Et à chaque minute on entend parler flamand et hollandais. L’allemand aussi, de temps en temps.
Les commerçants, qui en-dehors des heures d’ouverture vivent hors de la cité, dans les banlieues vertes car on ne dit pas bidonvilles pour riches, les commerçants font bouchées doubles et triples.
Au village de Noël, les vendeurs viennent de n’importe où. Il y a des locaux, liégeois, qui sont aussi de temps en temps italiens ou espagnols, et il y a d’autres Belges, et pas mal de Français et, souvent, une ou deux équipes de Québecois. Beaucoup de bouffe et de boissons, des huitres, du saumon, de la poutine, du nougat, des churros… Sans oublier les cochonnailles de toutes sortes et de toutes origines, preuves redondantes que nous sommes ou avons été chrétiens. Les vendeurs ont loué leur emplacement pour trente jours, petite cabane en bois avec l’électricité, il y a deux ou trois mois, pour une somme qui varie entre 2.500 et 6.500 euros selon l’emplacement et la dimension. Le but est de gagner plusieurs fois la mise, et quelques-uns peut-être n’y arrivent pas. Bien que se plaignant des prix et des taxes, la plupart reviennent chaque année, comme ils reviennent au « village gaulois » qui mi-juin annonce les vacances d’été et se termine le 14 juillet, très fêté à Liège, plus que le 21, jour de la fête nationale en ce pays.
Les commerçants souffrent, c’est connu.
Et la Belgique a quelque chose d’un pays étranger à Liège, comme dans beaucoup de villes de ce royaume, ou comme l’Espagne à Barcelone.
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Il y a tellement de monde place Cathédrale qu’il y fait moins froid. Rue Saint-Paul, je parle avec un homme d’environ trente ans. Il fait la manche. Je lui trouve une bonne tête et il m’explique qu’il essaie de réunir, je trouve le mot pittoresque, les trente euros nécessaires pour être logé pendant un mois dans les locaux d’une association dont je viens d’oublier le nom. Alors il pourra recevoir l’aide sociale minimale, versée par les communes et assujettie à un domicile. C’est un droit absolu, qui honore la Belgique, censée ne laisser personne sur le carreau. …Mais les sans domicile en sont exclus ! Cette allocation de dernier recours est baptisée revenu minimum d’insertion, label prométhéen de la novlangue législative ne recouvrant sociologiquement que l’insertion des professionnels de l’aide sociale. Surtout, avec son logement à trente euros, mon interlocuteur pourra percevoir son indemnité d’handicapé (ou de handicapé, me souffle un gardien du beau langage), droit lui aussi soumis à la contingence d’un domicile. Dans la même respiration, il ajoute que son handicap, c’est la sclérose en plaques. Et il me nomme le pont sous lequel il dort en l’absence de pécule.
Quand je l’aurai quitté, je penserai que ses trente euros, il les réunira assez vite! Mais pour le moment je lui dis: Oh, vous avez la sclérose en plaques ?
Et lui, se redressant:
– Comment le savez-vous ?
– Mais vous venez de me le dire !
…Intenses échanges du regard. Si j’osais, je dirais que dans ce discours des yeux, nous nous entendons.
Je suis dans une forme mentale, et même psychologique, olympique en ce moment. J’ajoute sans barguigner, tous sourires dehors, de la bouche, des yeux et des oreilles:
– Et en plus vous avez des trous dans la mémoire?
Il prend un air touchant et touché, sourit autant que moi, et résume:
– Oui.
Là, nous sommes amis.
Je me dis et je lui dis que je vais lui donner quelque chose. Je fouille ma poche: trois centimes!
– Zut, je n’ai rien!
– …
– Vous avez quatre euros? Je vous donne un billet de cinq, et vous m’en rendez quatre?
Je pourrais lui donner les cinq mais je veux m’en tenir à mon idée de départ, un euro. Ses collègues diraient que je casse le métier.
– Oui…
Nous échangeons papier contre métal et je le quitte, non sans une dernière vanne: Je ne suis pas médecin, mais je l’avais devinée, votre sclérose en plaques!
Je me tape le front de l’index et je termine: Malin, hein !
Nous nous marrons et nous pourrions continuer l’échange, mais c’est bien aussi de s’arrêter. Surtout, c’est bien de s’arrêter dans la rigolade.
Dix mètres plus loin, un type joue de l’orgue de Barbarie. Question: à qui donner de l’argent, sachant que l’on ne pourra donner à chacun ? Souvent, je me suis dit: « Je donne à ceux qui font quelque chose: musique, jonglerie, chanson. » Et voilà qu’aujourd’hui, je pense: « Pas la peine de donner à ceux-là, qui sont dynamiques. Je donne à ceux qui ne font rien, sauf demander. » La question est insoluble.
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Me voici en Vinâve d’Île, un piétonnier fort large.
Plantée en plein milieu, bien habillée d’une laine chaude qu’on a envie de toucher, une femme de trente ans, que j’imaginerais plutôt croiser au théâtre ou à une exposition, se tient immobile, un écriteau à ses pieds aux chaussures rouges: « Pour m’aider à vivre, simplement. » Elle joue de la flûte à bec. Jouer, c’est beaucoup dire. Le temps de m’éloigner au point de ne plus l’entendre, et elle n’a fait que répéter les trois mêmes notes. Je pense donc qu’elle ne sait rien en tirer d’autre.
Ici, la réalité se fait trop littéraire ou trop cinématographique, elle dépasse la fiction, vire à une tonalité gênante, « bouscule les codes ». La question qui était insoluble il y a un instant, devient très dérangeante.
Je n’ai pas osé m’arrêter.
Et j’ai oublié la flûtiste instantanément.
C’est seulement quelques heures plus tard, en complétant mes notes, que le souvenir me revient.
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Je renonce à la Casa Ponton, où le café se décline en petit, grand, au lait, amélioré, décaféiné et que sais-je encore, à toutes les façons pratiquées en Iibérie, et où les portions d’ensaladilla et de paella voisinent avec des boulettes ou boulets à la belge. J’y renonce pour la Toccata, bistrot tranquille à tendance bio tenu par un patron aux nom et prénom belgo-belges, quoique black de black, place du Marché devant l’hôtel de ville. Ils ont deux vins rouges. Par exception, j’opte pour le merlot chilien, malgré tout le pétrole qu’il y a dans son prix.
À la table voisine, une belle femme et quatre autres personnes, tous très sympathiques, sont venus de Charleroi. Il y a quelques jours, ils étaient au marché de Noël de Montjoie, dans l’Eiffel près d’Aix-la-Chapelle. Ils disent Monschau, c’est à moins d’une heure d’ici. Quand ils partent, je prends un deuxième verre.
J’ai eu vite terminé Le Monde et son supplément du week-end, qui se la joue libéré mais ne peut cacher des préjugés de classe sociale supérieure ou tendant à l’être. Le représentant du mouvement Podemos espagnol ? Il est décrit comme un self-made man habité par un destin purement individuel, un coureur de fond qui a remporté, seul contre tous, l’épreuve universelle de la réussite. Margaret Thatcher adorerait lire ça. Un homo economicus aux choix rationnels dans une concurrence libre et non faussée.
C’est comme ça un peu partout dans les pages du Monde 2.
J’ai abandonné le journal en quittant le bistrot.
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Traversant la place dans la foule, je m’arrête un instant devant une scène où trois musiciens et trois chanteurs reproduisent de façon convaincante des chansons pops célèbres. Comme il fait cinq degrés, ils sont habillés chaudement et ressemblent à des badauds ordinaires. Je les imagine animer des bals en costumes de soirée et robes décolletées à paillettes, mais ici c’est baskets et doudounes. Alors que le groupe qui tenait le micro une heure plus tôt, quand je suis arrivé à La Toccata, chantait faux, ceux-ci sont très bien.
C’est à ce moment que je décide d’écrire cette balade, que vous lisez peut-être, à mon copain de Pékin.
Il est dix-huit heures. Je vais voir ce qui se passe Chez Tasso, qui ouvre tout doucement, et je m’installe au bar, seul client.
Je demande au serveur si existe, et s’il l’a, une anisette sucrée typiquement grecque. Non, il a ça en version italienne, la sambuca. Plus facile à trouver en Belgique, j’imagine.
Puisqu’on en est à mélanger les genres, je me fais faire un sol y sombra espagnol comme à la Casa, moitié anisette, moitié brandy, à la sambuca italienne et au metaxa grec. Le compte est bon. Bien placé, au bon moment, c’est délicieux.
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Purée! Qu’est-ce qu’on s’ennuierait dans ma ville sans les présences étrangères!
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Pour remonter chez moi, je prends le bus, c’est très rapide. Il traverse les embouteillages en voie propre, et hop, à la maison. Bien sûr, dans le bus, la société est un peu plus proche, prégnante sinon envahissante, l’enveloppe est technique et sidérurgique, ou l’inverse, il y a moins de liberté qu’en rue sous le ciel.
Il fait nuit noire depuis dix-sept heures.
Cependant, quelle belle journée!
Le temps n’est-il pas un tapis rouge qui se déroule devant nous à chacun de nos pas?
En tous les cas, on se le souhaite mutuellement le 31 décembre, en famille et entre amis. Pour une année à la fois.
– Sans engagement?
– Non non! Avec un engagement implicite! Le répéter tous les douze mois.
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…Je vous souhaite une excellente année 2015 !
Guy
Il faut trainer les organisateurs des Marchés de Noël devant la C.P.I. sans oublier de faire fondre les patinoires.
> les autoroutes orangistes sont sur-encombrées, à toute heure de n’importe quel jour de la semaine.
Parce que les Hollandais ont fini par comprendre que si on résout (dissout!) un bouchon ici, le flux amélioré cause un nouveau bouchon deux km plus loin, etc ad infinitum. Morale: ils ont décidé d’être rationnels et ne plus « améliorer » le réseau routier. Les usagers sont responsables; que les usagers s’adaptent, qu’ils marchent ou qu’ils prennent leur vélo, où qu’ils partent plus tôt ou plus tard…
Je suis passé à Liège il y a quelques semaines. Je n’ai pas vu grand chose: je me suis promené aux alentours de la Place Cathédrale et de la rue Pont d’Avroy en attendant d’autres personnes. On se marchait sur les pieds, et il pleuvait.
J’ai trouvé ça d’une tristesse proche du dégoût, mais rien à voir avec le temps: tous ces gens qui dépensent leurs ressources (souvent manifestement maigres) pour sacrifier au dieu de la consommation. Obligés par la tradition. Et qu’achètent-ils? Des merdes: des clicotes et de la bouffe. A l’entrée du passe Lemonnier, il y avait une papeterie qui vendait de beaux papiers et de beaux stylos, et des porte-mines avec mines de 0.7 mm. Disparu! Dans le passage, il y avait un disquaire qui connaissait la musique (au sens propre, of course). Disparu. Un peu plus loin, un coutelier où on trouvait des canifs suisses. Disparu. Tous remplacés par des clicotes et de la bouffe…
J’en ai parlé avec mon frère et sa femme le soir, en buvant quelques excellentes bières. Ils ont laissé tomber la tradition des cadeaux sur commande. Comme je les comprends! Tous ces villages et marchés tiennent du gavage.
Je regrettais, dans le commentaire précédent, que des shops « specialisés », des îlots de différence, soient remplacés par des magasins de fringues et de bouffe. Voici un passage d’un livre à paraitre dans quelques jours [*], où l’auteur note la tendance au nivellement par le bas dans la création d’entreprises. Le hamburger et les fringues qui remplacent la librairie et la coutellerie, c’est le même phénomène: la bouffe (ça se mesure en calories) a plus de valeur (ça se mesure en euros!) que l’information (qui se mesure en bits).
Information is a machine for grinding the price of things lower and slashing the work time needed to support life on the planet. As a result, large parts of the business class have become neo-luddites. Faced with the possibility of creating gene-sequencing labs, they instead start coffee shops, nail bars and contract cleaning firms: the banking system, the planning system and late neoliberal culture reward above all the creator of low-value, long-hours jobs.
[*] http://www.theguardian.com/books/2015/jul/17/postcapitalism-end-of-capitalism-begun