Il faut suivre Panagiotis Grigoriou

Photo d’accueil du blog ‘Greek Crisis’ de Panagiotis Grigoriou

 

L’anthropologue et historien grec Panagiotis Grigoriou s’est fait l’observateur des événements qui marquent son pays depuis l’irruption de la crise financière en 2008, qui l’a privé de ses budgets de recherche.

Il participe au film documentaire d’Ana Dumitrescu, « KHAOS ou les visages humains de la crise grecque » (90 minutes), qui sortira en salles en France en octobre 2012.
Et Fayard publiera en automne son premier essai sur la question, « Le Cheval des Troïkans ».

Vous pouvez dès à présent consulter son blog, tenu en français et à mon sens indispensable,  Greek Crisis, déjà cité à plusieurs reprises dans mes courriers, et référencé
depuis des mois sur mon site Condroz belge. Vous ferez connaissance avec le charme de ses réflexions qui croisent dans l’amour des gens et la reconnaissance de leurs douleurs, une analyse politique de type ethnographique, souvent savante, et un sens séveux, journalistique, du quotidien et de la culture populaire.
Le tout, ni sans humour, ni sans photos.

Aujourd’hui, dans son propre blog, Paul Jorion, qui a été surnommé « l’anthropologue de la crise », nous annonce le film et le livre ci-dessus et  présente Grigoriou comme un « blogueur de querre ». La bande-annonce du film est consultable sur ce billet.

On voit entre les deux hommes une communauté de conception de la temporalité historique, laquelle offrirait de temps à autre une fenêtre de « temps opportun » ou « d’histoire immédiate », riche d’opportunités d’action et d’inflexion historique potentielle, ouverte sur la créativité, autant que lourde d’implications pour le futur, en-dehors desquelles les veilles inerties restent aux commandes.
La Grèce a connu cet instant en juin 2012, la finance mondiale a eu sa fenêtre d’opportunité – non exploitée – autour de janvier 2010.
Selon Grigoriou et Ana Dumitrescu, le fruit des vieilles inerties, actuellement en place en Grèce, s’appelle chaos.

La grande histoire aussi est à suivre.
Comme dans un feuilleton, il y a la respiration suspendue, le moment blanc où se tourne la page.

La vidéo de Jorion de cette semaine ( + 1 bonus: La finance, c’est le déni )

(hometips.com)

Bonjour !

En vitesse.

Paul Jorion est de plus en plus souriant.
Je crois que sa cohérence ne rencontre plus beaucoup de vraies surprises depuis quelque temps.
Un de ses entretiens récents est d’ailleurs titré: « Il y a toujours une alternative. » (Allô, les distraits, ça vous rappelle quelque chose? Le célèbre TINA, « There is no alternative » ? De…, de… Voilà, vous y êtes !)

Il faut vraiment regarder sa vidéo d’aujourd’hui:
http://www.pauljorion.com/blog/?p=38569

Bonne journée !

Guy
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Bonus:

La finance, c’est le déni

Voici une liste dressée par un certain Alex Banbury :

« Spain is not Greece » – Elena Salgado, Spanish Finance minister, February 2010.
« Portugal is not Greece » – The Economist, April 2010.
« Greece is not Ireland » – George Papaconstantinou, Greek Finance minister, November 2010.
« Spain is neither Ireland nor Portugal » – Elena Salgado, Spanish Finance minister, November 2010.
« Ireland is not in ‘Greek Territory’ » – Irish Finance Minister Brian Lenihan. November 2010.
« Neither Spain nor Portugal is Ireland » – Angel Gurria, Secretary-general OECD, November 2010.
« Italy is not Spain » – Ed Parker, Fitch MD, June 12, 2012.
« Spain is not Uganda » – Spanish PM Mariano Rajoy, June 2012.
« Uganda does not want to be Spain » – Ugandan foreign minister, June 13, 2012.

http://www.telegraph.co.uk/finance/debt-crisis-live/9336591/Greek-election-debt-crisis-and-G20-Summit-Live.html

D’une conversation radio, « Austérité et croissance »


Il y a des silences radio.
Réaction ci-dessous, à une, conversation radio.


Madame Cornil,

J’ai écouté en podcast, votre intéressante émission « samedi + » de ce jour, sur le thème « Austérité et croissance ».

Je dois vous dire qu’il y a une confusion permanente et lassante dans ce genre de conversations, à savoir l’attribution d’un sujet unique aux réalités sociales, mêlant en un tout indistinct le gouvernement, la population, les salariés, le patronat, les actionnaires et la finance, bref les différents groupes sociaux et intérêts qui se combattent d’une manière ou de l’autre pour le ciel des idées et pour le partage des richesses terrestres.

 

Par exemple, il a été dit que « les Islandais » ont refusé de payer des créanciers. Même monsieur Dupret, qui appartient à une gauche critique, n’a pas reformulé. En réalité, il faut dire et comprendre : « le contribuable islandais a refusé de payer la faillite des actionnaires bancaires privés ».  C’est très différent, et cette confusion de langage, qui n’est pas neutre, est omniprésente dans le débat !

Dire, comme entendu à votre émission, que « la banque centrale européenne a choisi d’être indépendante », doit me semble-t-il se comprendre comme ceci : « les gouvernements de la zone euro et la commission ont depuis trente ans organisé une indépendance totale de la BCE par rapport aux gouvernements nationaux et donc par rapport au suffrage universel, et coulé sa mission dans le bronze institutionnel d’un objectif prioritaire, la lutte contre l’inflation » ! (Vous vous souviendrez peut-être ne pas avoir été informée de cette évolution, ni a fortiori consultée, pas plus que moi dois-je le dire, ni quelques autres.)
Pourquoi cette priorité ? Il ne faut pas une longue enquête pour découvrir le groupe d’intérêt dont l’inflation est le cauchemar : …le financier.

Mais voilà, à tous les micros et dans la plupart des journaux, on appelle le financier un « investisseur », ce qui est un abus de langage féroce !
Les problèmes que nous cause la financiarisation de l’économie résident précisément dans ce fait que les excédents (qu’il ne faut pas appeler « épargne », ce qui est une autre et permanente distorsion sémantique) justement ne sont pas investis, c’est-à-dire consacrés à des activités productives de biens ou de services, mais placés ou joués dans la finance. La finance représente précisément, pour les détenteurs d’excédent, l’inintérêt et l’impossibilité de l’investissement (dans la production), entraînés par l’absence de débouchés que constitue la contraction de la part salariale. Oui!

 

Faire valoir que « les Grecs » souffriraient d’une éventuelle rupture d’avec l’euro, c’est oublier à quel point « ils », entendons les Grecs modestes, souffrent depuis cinq ans de récession allant jusqu’à la réduction des salaires pour ceux qui en ont encore, que le suicide en relation avec ce traitement de la crise y est quotidien, comme déjà plus ou moins en Italie, et que si les élections de juin provoquent un jour le retrait grec de l’euro, ce sera justement en raison d’une souffrance passée et actuelle insupportable. Peut-être connaissez-vous le blog Greek Crisis, http://greekcrisisnow.blogspot.fr/, tenu en français par l’historien et ethnologue Panagiotis Grigoriou.
Certains de vos interlocuteurs me font penser à ce politologue et historien belge qui vient de comprendre, « en raison » d’une incarcération de cinq jours, la nature du régime syrien, que l’exercice de sa profession d’intellectuel ne lui avait pas permis de percevoir en plusieurs années.

 

Etc.

 

En réalité la science économique n’existe pas.

J’ai étudié cette discipline pendant quatre ans à l’université, et je la tiens pour un discours de légitimation de l’injustice. Bien sûr, je n’ai pas trouvé ça tout seul. Quelques solides auteurs sont à mes côtés. Ainsi Frédéric Lordon, qui vient de le réaffirmer avec force dans son blog, sous le titre « Euro, terminus ? ». Il n’y a pas de science économique, dit-il, il y a une économie politique, il y a la politique, et cette dernière se caractérise en ce moment, en Grèce particulièrement, après l’Islande à sa façon, par l’irruption sur la scène de l’acteur que les pouvoirs veulent à tout prix tenir à l’écart : le peuple, le corps social, les gens d’en-bas, les pauvres.
À 90 ans, J.K. Galbraith n’a pu qu’intituler son testament d’économiste Les mensonges de l’économie, et à côté de quelques rares économistes hétérodoxes, l’un des commentateurs les plus pertinents de la situation actuelle n’est pas économiste, mais anthropologue, c’est le Belge Paul Jorion, dont je ne peux que vous recommander les ouvrages et le blog, qui est en soi un phénomène de l’Internet : http://www.pauljorion.com/blog/.

 

Vous aurez une illustration de ce que ces considérations, lectures et réflexions peuvent produire pour l’amateur que je suis, qui préférerait ne s’occuper que de son jardin, mais que l’indignation rattrape régulièrement. En cliquant, sur le blog où je suis en train de rassembler mes archives éparpillées sur le net ou dans des courriers électroniques, sur les tags « économistes » ou « finance ».

 

Bien à vous,

 

Guy Leboutte,
Liège

Le documentaire grec « Debtocracy »

 Affiche "Debtocracy"

« Debtocracy » est un documentaire d’une heure et quinze minutes, aux images efficaces et à la somptueuse bande-son. Il a été tourné en Grèce, où des dizaines de milliers de gens l’ont vu.
J’ai bien tenté d’y échapper, mais pas moyen. En voici une table des matières bien incomplète:

 

Comment se transmet la métaphore médicale de Papadopoulos le dictateur à Papandréou l’héritier, en passant par Dominique Strauss-Kahn et d’autres.
Comment de Dublin à Athènes la formule « On a tout dépensé ensemble » est brandie pour recouvrir « Ils ont vécu au-dessus de nos moyens » (Paul Jorion).
Comment la seule première année de remèdes du FMI fait exploser la pauvreté et le chômage, et affecte la santé publique.
Comment la justice grecque n’a pas été à la hauteur de l’affaire de corruption Siemens.
Comment le gouvernement de la vertu, pardon, le gouvernement allemand, a acquiescé à un premier train de mesures, sous conditions que les livraisons d’armement made in Deutschland se poursuivent.
Comment cela fait bondir Cohn-Bendit qui, en aimant protester contre l’immoralisme d’un capitalisme qu’il défend par ailleurs, s’assure pour l’éternité une niche de rebelle récompensé.
Comment définir une dette odieuse.
Comment l’Équateur a réalisé un audit de sa dette qui a conclu à l’illégitimité de celle-ci et comment Éric Toussaint et d’autres y ont travaillé pendant quatorze mois.
Comment l’Amérique de Bush itself  a décrété odieuse, sans dire le mot, la dette irakienne contractée sous Saddam Hussein, après d’autres cas historiques.
Comment Samir Amin, écartant d’un revers de la main la question « Les Grecs sont-ils paresseux? » au titre de racisme pur et simple, parle du reste.

*

Avec inévitablement des sujets non abordés, parmi lesquels la monétisation de la dette comme réponse à la crise du même nom, qui serait tout simplement la captation de la rente offerte par les USA et l’UE aux banques, avec suppression de l’intérêt sur la dette, à partir du moment où les banques centrales financeraient directement les États, à taux nul ou quasi nul.
Dans mon envoi précédent, Pierre Larrouturou en faisait une de ses principales propositions. Il oppose le 0,01% (si, un centième de pour-cent!) demandé par les EU aux banques « aidées »  et le 1% demandé par la Banque Centrale Européenne aux mêmes, lesquelles prêtent à leur tour à un taux entre 4 et 7 % aux États…
(Pour rappel, et pour  lever l’objection de l’obligation de modifier les traités européens, avec toutes les lenteurs et incertitudes que cela comporterait, Pierre Larrouturou ajoute que si le célèbre article 123 du traité de Lisbonne interdit cette mesure, la BCE peut prêter à la Banque Européenne d’Investissement, qui à son tour pourrait prêter aux Etats.)

*

Voici deux liens qui permettent de voir ce film en français sur Internet:

 

Quelques nouvelles de la « règle [du veau] d’or »

Illustrations: Le blog d’ Eva, R-sistons à la crise, L’arène nue – Le blog de Coralie Delaume, Contrepoints.org


 Bonjour, bonsoir, ou bonne nuit !

1.
Ce matin à Matin-Première, de la RTBF, Pierre Larrouturou a fait sauter la langue de bois ordinaire de la radio publique nationale belge francophone, entre 7h30 et 8h50. (À 5h25, le parlement votait, les doigts sur la couture du pantalon, une réforme de quarante années de régime des pensions, montée comme une sauce en quelques jours. Il n’est pas impossible que ceci ait favorisé cela pour le choix de l’invité du jour.)
À ce qu’il dit, la moitié de son dernier livre, « Pour éviter le krach ultime », est consacré aux solutions.
Je le trouve très calme, très précis, très convaincant.
Le fait majeur, totalement inaudible à droite et chez la plupart des sociaux démocrates, c’est que la pression sur les pensions qu’ils nous arrachent, représente 1% du PIB, alors que depuis trente ans, ce sont DIX % du PIB, qui allaient à la part des revenus du travail, qui vont maintenant aux revenus de la propriété. La part des salaires au sens large est passée de 67 à 57 % du PIB. C’est, en trois lignes, la lame de fond qui a rendu nécessaire l’endettement privé, et inévitable l’endettement public, ce dernier copieusement renouvelé pour le sauvetage des banques en 2008.

Podcast:
http://www.rtbf.be/radio/player/lapremiere?id=1506413&e=

(L’aveuglement des gouvernants actuels, y compris de ceux qui n’ont pas encore été remplacés, prime à l’incompétence ou vérité ultime de la démocratie représentative, par des ex-tenanciers de Goldman Sachs ou Lehman Brothers, est incroyable. Elio Di Rupo va prendre une sacrée place dans l’histoire!
Je me demande si c’est réellement une incapacité de penser la crise qui les afflige, ou si c’est carrément la protection de la finance qui les anime. Le tout appuyé par une passion d’agir et de « réussir » d’abord, et de s’arranger avec la pensée ensuite, ou plutôt d’arranger la pensée ensuite.
« Je n’ai qu’une vie, et je la réussis. »)

2.

Joseph E. Stiglitz, prix Nobel, dont le dernier livre est titré, en français, Le triomphe de la cupidité (« Chute libre » en anglais – Freefall: Free Markets and the Sinking of the Global Economy), peut être lu en textes courts et dans notre langue sur le site projetct.syndicate.org:  http://www.project-syndicate.org/syndication/joseph-e–stiglitz.
Après quelques jours, une semaine parfois, le drapeau britannique en haut à droite de la page donne les différentes langues en lesquelles existe une traduction – pas toujours très bonne -, mais saluons l’offre polyglotte de project-syndicate.

3.

La chronique économique de Paul Krugman, autre prix Nobel d’économie étasunien un peu revenu du « fondamentalisme des marchés » (Stiglitz) est en français sur le site de la RTBF: http://www.rtbf.be/info/chroniques/archive_paul-krugman?chroniqueurId=5032403

4.
Un vent d’espoir se lève!

par Paul Jorion

MADRID, 21 décembre 2011 (AFP) – Luis de Guindos, ancien président de la banque Lehman Brothers pour l’Espagne et le Portugal, a été nommé mercredi ministre espagnol de l’Economie.

Rejoignant MM. Monti, nouveau Premier Ministre italien, ancien conseiller de Goldman Sachs, et Draghi, Président de la Banque Centrale Européenne, ancien directeur en exercice de Goldman Sachs International, M. de Guindos confirme brillamment la nouvelle « Règle d’or » en matière de politique : le principe souverain de la « prime à l’incompétence ».

Nul doute que le projet d’une Constitution pour l’économie, réclamé à cor et à cri par l’opinion publique internationale, sera confié incessamment à M. Bernard Madoff.

http://www.pauljorion.com/blog/?p=32179

5.
…Sans oublier Frédéric LORDON, économiste et ingénieur, directeur de recherches, dont les esprits littéraires apprécieront son histoire de la crise en alexandrins, D’un retournement l’autre. Comédie sérieuse sur la crise financière, en quatre actes, et en alexandrins (Le Seuil.) Ni Jacques SAPIR, Emmanuel Todd, Les économistes atterrés et leur Manifeste (cadeau de fin d’année), Daniel Mermet et son émission quotidienne sur France-Inter, son répondeur et son réseau de bistrots, Les repaires de Là-bas si j’y suis,… de plus en plus de beau monde !

 

Joyeux Noël !

Pourquoi la crise de l’Euro ne sera pas résolue

Photo Reuters – John KOLESIDIS (Le Monde)

…ni celle de la dette, ni celle de la finance.
(Ni celles de la faim dans le monde, de l’environnement, du climat, de la santé publique…?)

La raison en est donnée dans les deux  premières minutes de cette vidéo de Paul Jorion, parue aujourd’hui sur son blog, au titre d’une apparente grandiloquence dans laquelle il ne faut voir qu’un trait de son humour favori:  « Le grand mystère des choses enfin révélé. »

Le reste, ce sont les détails, certes intéressants, voire passionnants, peut-être vitaux, mais attachons-nous ici à la cause de nos embêtements financiers, qui sont loin d’être théoriques, ainsi que nous pouvons l’observer en Grèce. Cette cause peut être décrite en trois mots: la concentration des richesses.

Il s’ensuit une grille d’analyse pratique très simple: tant que les plans gouvernementaux ne s’adressent pas à cette cause, ils n’auront aucun effet curatif.
Au prix d’une minute d’attention par jour, vous pourrez désormais vous faire une idée pertinente de l’actualité Sarko, Merkel, UE, FMI et consorts, libérer votre temps pour d’autres activités et choisir votre prochain  bulletin de vote ou de non-vote.

Cela dit, chacun se pose ou s’est posé la question: qu’est-ce qui empêche des professionnels instruits  de repérer une cause aussi voyante et massive, et d’y remédier?
La réponse tient en deux choses toutes simples et intimement liées: l’intérêt personnel et l’idéologie.
Oui, nos gouvernements, leurs conseillers, les économistes d’université (pour la plupart), sont la proie d’un biais idéologique absolu. (Les financiers, banquiers et affidés aussi, mais chez eux c’est normal et professionnel – il faudrait juste s’en souvenir et cesser de les inviter aux débats sur l’emploi ou l’enseignement par exemple.)
Encore une fois, voyez la Grèce: le remède imposé par la troïka, dont les émissaires en costume trois pièces  dînent avec le gouvernement grec à 300 euros le couvert, accroît le mal au lieu de le soulager. Mais ces gens-là, Monsieur, ces gens-là, ne peuvent envisager d’autre action que d’alourdir la potion qui tue.

Si vous avez lu ce courrier jusqu’ici, et si vous avez un peu de temps ou de curiosité, la suite de la vidéo de Paul Jorion pourrait vous intéresser. Elle présente la réflexion d’un homme qui, depuis des années, réfléchit , débat et écrit en liberté sur ces questions.
Vous ne courrez qu’un risque: sentir la confusion reculer et votre intelligence stimulée.

Bonne fin de journée !

Guy

PS: pour ceux qui ne me connaissent pas ou ne sont pas sûrs de me remettre, et tant que j’y suis à répandre des vidéos, en voici une autre où  l’on peut me voir à la minute 1’10. Il s’agit du Prix Première (2012) de la RTBF, pour lequel j’ai été retenu comme membre du jury.

 

Salauds de Grecs !

salauds_de_Grecs

Thessalonique, le 16 septembre. Un homme tente de s’immoler par le feu pour protester contre le gouvernement, les banques et les partis politiques. Photo AFP.

*

Qui n’a entendu, à propos de la crise grecque, des propos faisant écho à l’exclamation de Jean Gabin dans le film d’Autant-Lara, La traversée de Paris: « Salauds de pauvres ! » ?

La Grèce.

Il y a eu beaucoup de copies dans la presse bien-pensante européenne, qui décrivent les turpitudes « des » Grecs, utilement confondus en un sujet collectif homogène, ce que la population grecque n’est pas, ni aucune autre au monde, et décrits commodément comme corrompus, voleurs de deniers publics et inconséquents. Des gens qui ont nourri eux-mêmes leur propre malheur et que seuls les pays amis de la prétendue union européenne pourraient sauver d’eux-mêmes.

Si vous avez du goût pour le détricotage des mensonges de l’idéologie dans laquelle nous baignons à longueur de journée, la Grèce est un sujet de choix. C’est surtout, tant que vous ne sortez pas des moyens d’information calibrés, un sujet à n’y rien comprendre, comme cette crise économique et financière, dont les commentateurs spécialisés ne décrivent que la surface, dont les gouvernants ne traitent que des symptômes, et que Barroso prétend combattre en manipulant notre sens de la fierté.

Vous trouverez ci-dessous le témoignage d’un juriste viennois qui a, depuis un peu plus d’un an, une résidence secondaire à Athènes. Un constat paru dans le journal viennois Die Presse.

Attachez vos ceintures, et bonne journée!

 

Guy

 

PS: un petit persiflage dont je ne me lasse pas: le budget grec de l’armée est bien entendu totalement absent du débat, pardon, des discours, sur la Grèce.

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Grèce

On va droit au “génocide financier”

http://www.presseurop.eu/fr/content/article/977471-va-droit-au-genocide-financier

22 septembre 2011 – Die Presse – Vienne

Ainsi les Grecs “refusent d’économiser” ? Un juriste de Vienne, qui a un pied-à-terre à Athènes, les a observés au quotidien. Sa conclusion : ils économisent à en crever.

On ne peut rester sans réagir aux diverses déclarations des plus hauts responsables de toute l’Europe, certaines frisant l’imbécillité, au sujet de ces « fainéants » de Grecs qui « refusent d’économiser ».

Depuis 16 mois, je dispose d’une résidence secondaire à Athènes, et j’ai vécu cette situation dramatique sur place. On se plaint que les plans d’économie ne fonctionnent pas parce que les revenus fiscaux chutent. On remet en question la volonté des Grecs d’économiser. Quelle surprise ! Voici quelques faits :

– Réductions des salaires et des retraites jusqu’à 30%.

– Baisse du salaire minimum à 600 euros.

– Hausse des prix dramatique (fioul domestique + 100% ; essence + 100%, électricité, chauffage, gaz, transports publics + 50%) au cours des 15 derniers mois.

Le renflouement de l’UE repart à 97% vers l’Union

– Un tiers des 165.000 entreprises commerciales ont fermé leurs portes, un tiers n’est plus en mesure de payer les salaires. Partout à Athènes, on peut voir ces panneaux jaunes avec le mot « Enoikiazetai » en lettres rouges – « A louer ».

– Dans cette atmosphère de misère, la consommation (l’économie grecque a toujours été fortement axée sur la consommation) a plongée de manière catastrophique. Les couples à double salaire (dont le revenu familial représentait jusqu’alors 4.000 euros) n’ont soudain plus que deux fois 400 euros d’allocations chômage, qui ne commencent à être versées qu’avec des mois de retard.

– Les employés de l’Etat ou d’entreprises proches de l’Etat, comme Olympic Airlines ou les hôpitaux, ne sont plus payés depuis des mois et le versement de leur traitement est repoussé à octobre ou à « l’année prochaine ». C’est le ministère de la Culture qui détient le record. De nombreux employés qui travaillaient sur l’Acropole ne sont plus payés depuis 22 mois. Quand ils ont occupé l’Acropole pour manifestation (pacifiquement !), ils en ont rapidement eu pour leur argent, à coups de gaz lacrymogène.

– Tout le monde s’accorde à dire que les milliards des tranches du renflouement de l’UE repartent à 97% directement vers l’Union, vers les banques, pour éponger la dette et les nouveaux taux d’intérêt. Ainsi le problème est-il discrètement rejeté sur les contribuables européens. Jusqu’au crash, les banques encaissent encore des intérêts copieux, et les créances sont à la charge des contribuables. Il n’y a donc pas (encore ?) d’argent pour les réformes structurelles.

– Des milliers et des milliers d’auto-entrepreneurs, chauffeurs de taxis et de poids lourds, ont dû débourser des milliers d’euros pour leur licence, et ont pris des crédits à cet effet, mais ils se voient aujourd’hui confrontés à une libéralisation qui fait que les nouveaux venus sur le marché n’ont presque rien à payer, tandis que ceux qui sont présents depuis plus longtemps sont grevés par leurs énormes crédits, qu’ils doivent néanmoins rembourser.

– On invente de nouvelles charges. Ainsi, pour déposer une plainte à la police, il faut payer sur le champ 150 euros. La victime doit sortir son porte-monnaie si elle veut que sa plainte soit prise en compte. Dans le même temps, les policiers sont obligés de se cotiser pour faire le plein de leurs voitures de patrouille.

– Un nouvel impôt foncier, associé à la facture d’électricité, a été créé. S’il n’est pas payé, l’électricité du foyer est coupée.

– Cela fait plusieurs mois que les écoles publiques ne reçoivent plus de manuel scolaire. L’Etat ayant accumulé d’énormes dettes auprès des maisons d’édition, les livraisons ne sont plus effectuées. Les élèves reçoivent désormais des CD et leurs parents doivent acheter des ordinateurs pour leur permettre de suivre les cours. On ignore complètement comment les écoles – surtout celles du Nord – vont régler leurs dépenses de chauffage.

Où est passé l’argent des dernières décennies ? 

– Toutes les universités sont de fait paralysées jusqu’à la fin de l’année. Bon nombre d’étudiants ne peuvent ni déposer leurs mémoires ni passer leurs examens.

– Le pays se prépare à une vague d’émigration massive et l’on voit apparaître des cabinets de conseil sur la question. Les jeunes ne se voient plus aucun avenir en Grèce. Le taux de chômage atteint 40% chez les jeunes diplômés et 30% chez les jeunes en général. Ceux qui travaillent le font pour un salaire de misère et en partie au noir (sans sécurité sociale) : 35 euros pour dix heures de travail par jour dans la restauration. Les heures supplémentaires s’accumulent sans être payées. Résultat : il ne reste plus rien pour les investissements d’avenir comme l’éducation. Le gouvernement grec ne reçoit plus un sou d’impôt.

– Les réductions massives d’effectif dans la fonction publique sont faites de manière antisociale. On s’est essentiellement débarrassé de personnes quelques mois avant qu’elles n’atteignent leur quota pour la retraite, afin de ne leur verser que 60 % d’une pension normale.

La question est sur toutes les lèvres : où est passé l’argent des dernières décennies ? De toute évidence, pas dans les poches des citoyens. Les Grecs n’ont rien contre l’épargne, ils n’en peuvent tout simplement plus. Ceux qui travaillent se tuent à la tâche (cumul de deux, trois, quatre emplois).

Tous les acquis sociaux des dernières décennies sur la protection des travailleurs ont été pulvérisés. L’exploitation a désormais le champ libre ; dans les petites entreprises, c’est généralement une question de survie.

Quand on sait que les responsables grecs ont dîné avec les représentants de la troïka [Commission européenne, BCE et FMI] pour 300 euros par personne, on ne peut que se demander quand la situation finira par exploser.

La situation en Grèce devrait alerter la vieille Europe. Aucun parti prônant une raisonnable orthodoxie budgétaire n’aurait été en mesure d’appliquer son programme : il n’aurait jamais été élu. Il faut s’attaquer à la dette tant qu’elle est encore relativement sous contrôle et avant qu’elle ne s’apparente à un génocide financier.

Les prix qui tuent, dans un monde assez grand pour les uns, trop petit pour les autres

Photo: Le Monde


L’actualité du Japon a quasiment chassé, de la une des médias, une question lybienne qui avait précédemment pris toute la place. Cette logique pyramidale, à l’oeuvre dans le traitement de l’information, n’est pas sans pousser nos consciences à une forme de monomanie.
Cependant, bien sûr, d’autres crises anciennes ou permanentes subsistent. Aucun tsunami ne les tempère, aucun silence n’allège leur charge parfois mortelle.

Voici que le site du journal Le Monde présente un « récit multimédia », intitulé « Le prix du riz : question de vie ou de mort. » Ce prix a doublé au Bangla-Desh en deux ans.

Rappelons ce que l’ancien commissaire de l’Onu pour le droit à l’alimentation, Jean Ziegler, dont L’empire de la honte vient de paraître en édition de poche (6,50 euros), répète avec force dans ses livres, articles et conférences: « Dans les conditions actuelles, tout enfant mort de faim est assassiné. » Une affirmation qu’il démontre à satiété. Or un enfant de moins de dix ans meurt des suites de la faim toutes les 22 secondes sur cette planète.

Rappelons aussi que même la commission européenne a fini par reconnaître que la finance était responsable d’une part de la hausse mondiale des prix alimentaires, dans une proportion qui irait jusqu’à 75% selon certaines sources. « Le monde est assez grand pour répondre aux besoins de tous mais il sera toujours trop petit pour répondre à la cupidité de quelques-uns », disait Gandhi, aujourd’hui cité par l’économiste Jeffrey Sachs.

Si nous croisons les deux paragraphes qui précèdent, il est facile de comprendre qu’ « investir » – mot inexact, notre « épargne » – mot douteux, en banque, ou dans une société d’assurance, nous met dans un rapport de causalité immédiat avec des tragédies planétaires majeures.
Il est donc facile de savoir ce qu’il ne faut plus faire de son argent.
C’est « Une vérité qui dérange », sans doute, dont il me semble que chacun a l’intuition.

*

Revenons-en au récit du Monde qui suscite ces réflexions. Il reprend cinq courtes vidéos, d’à peu près une minute, dont voici quelques extraits:

« On n’a plus aucun rêve. On n’a pas le temps de rêver. On passe notre temps à travailler, pour manger. (…) On arrive encore à acheter des lentilles, pour accompagner le riz. »
Sahida, 25 ans, femme de ménage, 14 heures de travail par jour

« On achète même de la viande et des légumes, une ou deux fois par mois. Mais si les prix continuent d’augmenter, on ne mangera plus que du riz et des lentilles. »
Amila, 32 ans, couturière

« Maintenant, je travaille 12 heures par jour. Et même comme ça, nous ne mangeons plus à notre faim. »
Abdu, 29 ans, vélotaxi

« On ne mange plus qu’une fois par jour. Les mauvais jours, on ne prend aucun repas. »
Munni, 30 ans, mendiante

« Un ami a carrément arrêté l’université parce qu’il n’arrivait pas à se nourrir. Il était passé à un repas par jour. »
Mohammed, 23 ans, étudiant.

…Bonne fin de journée.

1929 – 1989 – 2009

(Publié sur Cemab.be)

La crise financière d’aujourd’hui pourrait passer dans l’histoire comme « celle de 2009 », car il se peut que nous n’assistions pour le moment qu’à la mise en place de ses conditions initiales et qu’elle s’aggrave encore pour connaître plus tard, l’an prochain par exemple, son acmé, qui est aussi un gouffre. Cela n’est pas certain, mais n’est pas impossible. Quoi qu’il en soit, me voilà disposer d’un titre, et grâce à Philippe Gibbon (1), qui mettait de côté une coupure de presse il y a dix-neuf ans, en se « doutant qu’elle servirait un jour»,  j’ai aussi une illustration.

Venons-en à notre sujet, qui est l’actualité financière.

Décrire quelques engrenages ne suffit pas.
Il faut comprendre qu’il y a une impasse logique dans le système, et qu’il s’agit d’une crise que l’on peut appeler à bon droit « systémique ».

Nous assistons dans l’ensemble des pays riches à une forte réduction, depuis trente ans, de la part des salaires dans le P.I.B. Au moins 10 pour-cent de la totalité des richesses produites annuellement, qui allaient précédemment à la part des revenus du travail, s’ajoutent désormais à celle qui revenait aux revenus de la propriété.
Cela signifie, humainement parlant, une agression inouïe contre les classes populaires, inouïe au sens propre vu qu’elle est largement inaudible-invisible dans les médias, qui représentent peu ou prou le Moniteur Officiel des Représentations. Les S.D.F. et la pauvreté, le chômage persistant à deux chiffres, la déglingue des budgets sociaux, la stagnation des salaires, l’explosion des loyers d’habitation et du prix des immeubles… sont la traduction sensible de ces chiffres abstraits.
D’un autre côté, sur le plan de la logique économique, cette évolution représente à terme une baisse de la demande et une tendance à la récession, même si provisoirement s’y oppose un « adoucissement » tout involontaire, à savoir le recours de plus en plus massif au crédit, conçu bien entendu au premier chef comme une source de profits, une extension, historiquement toujours nécessaire, de l’aire de jeu du capital, plutôt que comme un soutien à la demande.

S’agissant des États-Unis, dans ce pays le recours à l’endettement ne connaît pas de limite extérieure: le monde entier accepte leur dette. C’est un effet d’empire. Le capitalisme US ne peut gripper que de l’intérieur, comme en 1929, parce que de l’extérieur aucun de ses partenaires et rivaux n’a intérêt à provoquer sa chute, même ceux qui comme la Chine ou les fonds souverains (2) détiennent sur lui une telle quantité de créances qu’ils en ont techniquement les moyens. Il faut bien voir que l’économie étasunienne a un statut unique au monde, annulant les règles de change ou d’équilibre des balances extérieures qui s’imposent à tout autre pays – et à des années-lumières de toute analogie avec la saine gestion d’un budget personnel ou familial.
Il est d’ailleurs vraisemblable que l’un des aspects historiques de la présente crise soit justement une étape vers la fin de ce statut impérial, une fin qui est à long terme tout à fait certaine. (3)
Cela n’empêcherait cependant pas l’étranger, la panique une fois installée, d’aggraver la crise par des retraits massifs.

Dans ce contexte et dans une période historique de capitalisme triomphant, où c’est d’ailleurs le démocrate Clinton et le gouvernement du socialiste Mitterrand qui ont, en leurs territoires respectifs et parmi d’autres, parachevé la dérégulation financière, il faut bien voir que la financiarisation de l’économie n’a connu aucune limite politique ou réglementaire, en particulier aux EU. Il s’ensuit, dans ces conditions, que seule l’implosion des marchés financiers, seul leur plongeon dans le vide d’une société mise à sac, peut ramener au réel la folie de la bulle boursière (4), puisque n’y pourvoit aucune autre limitation : ni la « raison » humaine, ni la « bonne gouvernance » autoproclamée, ni aucune forme du sens de la responsabilité collective, inexistante au gouvernail des États et des institutions internationales, ne se sont manifestées.
Cette impasse logique est certaine, et depuis des décennies ! Simplement, son rythme se déploie sur une ou deux générations humaines. Et tout aussi simplement, le temps qu’elle impose sa loi, certains se sont approprié des montagnes de richesses produites par l’effort commun.

Il faut bien voir que la crise des subprimes et de leur titrisation (5) n’est que l’aspect anecdotique de la limite enfin atteinte, et non une cause, tandis que les revenus et « parachutes » indécents des grands patrons, équivalant à plusieurs siècles de revenus modestes, ne présentent qu’un effet médiatisable, parfois applaudi, de cette dérive aveugle, moralement illégitime, faut-il le dire, et économiquement irresponsable.
On croit rêver ! La caste des « décideurs » se prétend coureuse de risques. Elle se déclare récompensée au mérite. Elle s’invite aux débats de société, pour donner ses leçons à propos du chômage, alors qu’elle y trouve son intérêt puisque les licenciements font monter les cours en bourse, et alors qu’elle ne « donne du travail » ou ne « crée de l’emploi » qu’à condition, par structure (et non par un trait de caractère plus ou moins dévoyé), de faire un bénéfice sur chaque heure payée. Ses représentants viennent à toute occasion dire leur mot sur l’éducation, dont ils entendent tirer profit, soit immédiatement en ouvrant de nouveaux marchés, soit à plus long terme en réduisant l’école à un centre de formation pour soldats de la guerre économique (6). Au bout du compte et par divers chantages proportionnels à sa capacité de nuisance, qui balaie large entre asphyxie de l’activité productive et pièges à l’emploi, cette caste demande l’impunité.
Quant à la face sombre des événements, celle de la souffrance sociale quotidienne, des jeunesses sans emploi, des salaires de la peur et des fins de vie amères, elle reste à sa place dans l’ombre, loin des projecteurs.

La finance qui « par nature » devrait avoir pour fonction de servir l’économie productive, la domine au contraire depuis les années 80. Elle en est devenue un pur prédateur. Inévitablement la proie, dans un premier temps les débiteurs des crédits hypothécaires US, devient exsangue, et le circuit s’assèche.

La crise de 1929 avait poussé les gouvernements du monde capitaliste à dresser des parois étanches entre les banques et la bourse, pour éviter qu’une crise de l’une ne s’étende aux autres. Mais ces cloisons ont fondu dans l’enthousiasme de la « fin de l’histoire » et de la restauration conservatrice à l’œuvre depuis les années 80, survoltée par l’implosion du communisme réel en 1989. On voit bien que la plupart des banques sont aujourd’hui touchées par la « dérive » des produits du même nom, dont la valeur tend irrésistiblement vers zéro. Pour parler simplement : les banques, et les sociétés d’assurance, jouent en bourse. Comme en 1929, l’effondrement boursier s’étend aujourd’hui au secteur bancaire et des assurances, et menace des pans entiers de l’économie dite réelle.

C’est le retour d’une histoire qui n’aurait jamais dû se répéter, et la preuve que l’économie est une chose trop sérieuse pour être confiée aux financiers, aux grands patrons de tout poil, aux libéraux de tous les partis, aux économistes à collier. (7)
Pareillement, dans une démocratie qui ne se paie pas de mots, le pouvoir ne peut être confié à celui qui le brigue – qu’il le brigue est au contraire une raison de ne pas le lui donner. La charge du pouvoir doit être imposée à des gens qui n’en veulent pas, mais l’acceptent par souci du bien commun, par exemple parce que leur nom a été tiré au sort. On verrait alors l’économie devenir servante, ce qui était un souhait de Keynes, et le pouvoir changer de nature.

Où en sommes-nous ce deux octobre ? La crise est certainement historique. L’hypothèse qu’elle passe dans l’histoire comme la « crise de 2009 » et que nous n’en soyons qu’au déploiement de ses conditions initiales n’est pas incompatible avec les avertissements de Nouriel Roubini, de l’université Columbia à New York. Cet ancien conseiller du président Clinton a prévu chaque malheur de la planète Bourse depuis un et demi. Il redoute aujourd’hui une panique internationale qui emporterait le marché des prêts interbancaires à court terme, soit 1.000 milliards de dollars de liquidités prêtes à opter pour l’état gazeux ou solide, « illiquide ». Il qualifie la débâcle de systémique et d’une gravité sans précédent.
Si l’on peut dire que la crise des subprimes est une « anecdote » dans la mécanique en œuvre, c’est dans le sens qu’elle n’est en rien une cause de fond. Elle représente toutefois dans le réel une vraie terreur en son pays d’origine. Pour la low middle class dans un premier temps, pour tous les autres propriétaires moyens ensuite, elle ruine le credo libéral-libertarien, et surtout sa pratique, « ma maison, c’est ma pension », valides seulement si se confirme l’hypothèse d’une éternelle croissance de la valeur des maisons. À supposer que cette crise concerne environ 8 millions d’habitations, et si nous supposons à l’unité un prix moyen de 125.000 dollars, voilà 1.000 milliards de dollars pourris qui ont commencé de tomber en poussière. La dégradation de ces créances atteignant les contrats hypothécaires à la fin des (alléchantes) deux premières années de remboursement à taux fixe, on sait que cette vague initiale agira jusqu’à la mi-2009. Les conséquences dureront …un peu plus longtemps.

En attendant, les défenseurs du marché « nationalisent » les pertes, nous donnant un aperçu sur le rôle que ces amis du genre humain donnent réellement à l’État. On n’a pas fini de rigoler, comme m’écrit Jean Bricmont ! L’usage du mot « nationalisations » pour décrire le sauvetage des financiers sur fonds publics a d’ailleurs tout l’air d’une machine à empêcher de penser. …Vous avez déjà vu une « nationalisation » à 49% ? « Nous vous sauvons de vos propres erreurs, mais bien entendu vous restez maîtres de vos machines à siphonner les richesses.. » Les gouvernements du Benelux sont les auteurs de cette révolution copernicienne. Et les ministres affirmant que cette virile « augmentation de la capacité d’emprunt du gouvernement » n’entraînera « aucun frais pour le contribuable » (8) tentent de prolonger la farce. Certains diront à leur décharge que jusqu’à présent les électeurs se sont laissé télépigeonner comme des c…loches.

Mais la pédagogie « des marchés » pourrait les faire changer de conduite.

Guy Leboutte

Pour la suite

Où chercher son information dans cette tourmente ?

Il y a le blog réellement incontournable, « La pompe à phynance« , tenu par Frédéric Lordon sur le site du Monde Diplomatique: . Le Diplo papier et son site restent bien entendus des sources qui valent le détour.

Il y a Nouriel Roubini cité ci-dessus. Nous trouvons en français : « Retour du risque systémique» (30 septembre). Et son blog , en anglais évidemment.

On ne peut négliger les études édifiantes et toujours d’actualité de Robert Denis, le seul journaliste d’investigation à s’être penché sur Clearstream, caillassé du coup par plus de 60 procès en justice, qu’il a presque tous gagnés, mais qui l’ont moralement épuisé, et dont le dernier pourrait l’endetter pour trois générations. Il faut absolument se souvenir de lui, le lire et le soutenir. On découvre dans cette affaire un monde secret et dangereux, où même l’idyllique Grand-Duché du Luxembourg a ses barbouzes et des manières au besoin très peu catholiques à l’encontre de ceux qui s’en prennent à l’opacité de son réseau bancaire. Voici l’adresse du blog de Denis, volontairement muet depuis juin 2008: http://www.ladominationdumonde.blogspot.com. Et faites un tour, nom de Dieu, sur le site de son comité de soutien: http://lesoutien.blogspot.com.

Il y a encore les textes de Jacques Sapir, de l’École des Hautes Études en Sciences Sociales, comme « Sept jours qui ébranlèrent la finance ».

Et n’oublions pas les précieux portails de référencement, qui font un grand travail de tri et de récolte sur Internet, comme Contre Info, avec beaucoup de traductions de l’anglais, le français Rezo.net et le local de l’épreuve mouvements.be .

Notes

(1) Voir son site et un de ses vieux dessins politiques.
(2) Fonds souverains : actifs financiers détenus par des États. Ils représentant des fonds de pensions (Norvège), des réserve de change (Chine) ou les excédents issus de la production de matières premières, dont le pétrole, qui génère les deux tiers des montants gérés par ces fonds.
(3) La devise « In God we trust » , présente sur chacun des milliards de billets verts qui circulent sur la planète, appartient de plus en plus, dans le sens que les dominants savent lui donner, « In Gold we trust », …à la Chine.
(4) Jacques Sapir cite Shakespeare, « Bien que ce soit de la folie, cela ne manque pas de méthode », dans « Sept jours qui ébranlèrent la finance »
(5) Le mécanisme des subprimes titrisées : « Crise des « subprimes » : Si vous n’avez toujours rien compris… »
(6) Pierre Bourdieu écrivait dans Libération du 4 décembre 1986, sous le titre « À quand un lycée Bernard Tapie ? » : « Proposer en idéal l’entreprise et la concurrence, c’est installer le vide au coeur du système de valeurs. »
(7) Ma mémoire hésite ici entre « Celui qui croit qu’une croissance exponentielle peut continuer indéfiniment dans un monde fini est soit un fou, soit un économiste » de Kenneth E. Boulding, qui fut président de l’American Economic Association, et l’inoubliable « Les dinosaures ont vécu 150 millions d’années. Comment envisagez-vous une croissance équilibrée de 150 millions d’années ? »  de Friedrich Dürrenmatt.
(8) Phrase habillée par Benoît Cerexhe, ministre bruxellois de l’Économie et de l’Emploi.

L’Union européenne, au secours !

Les Dessous de Bruxelles, site Internet de dépollution mentale de la semaine

ENVOI:

 

«Ce qui est en train de se passer est une révolution silencieuse – une révolution silencieuse vers une gouvernance économique plus forte. Les États membres ont accepté – et j’espère que c’est ainsi qu’ils l’ont entendu – que les institutions disposent désormais d’importantes prérogatives concernant la surveillance et le contrôle strict des finances publiques.»

 José-M. Barroso, président de la Commission européenne, à l’European University Institute, juin 2010

«Le problème, c’est que, dans leur pays d’origine, les politiciens doivent obtenir des voix. Tandis qu’au sein de l’Union européenne ils peuvent avoir une vision d’ensemble.»
Caroline Walcot, secrétaire générale adjointe de l’ERT (European Round Table of Industrialists)
(Note de CB:   Pour rappel, l’ERT, ce sont les vilains capitalistes qui entre autres projets grandioses ont préparé depuis plus de trente ans une mainmise sur l’enseignement, désormais bien avancée, dans une Europe de quarante sept pays. – Voir les livres de Nico Hirtt)

 

*

 

Bonjour!

 

Si vous vous souvenez qu’un pays qui serait gouverné comme l’est l’Union Européenne, verrait sa candidature à ladite Union rejetée pour « manque de démocratie »,

Si vous voulez des portraits un peu débarrassés de l’eau de rose où on les noie d’habitude, des « pères » de l’ « Europe » (ouh! mais laquelle, ô laquelle?),
Jean Monnet
, prononcez money, avant tout banquier et affairiste, avec quelques années manquantes dans sa biographie, Paul-Henri Spaak, belge et ex-socialiste, spécialiste du retournement de veste, Robert Schuman, allumé du Saint-Esprit,
tous plus américanophiles les uns que les autres, au point que je me demande si le projet de l’Europe Unie n’est pas d’abord un projet US d’une US bis sur le vieux continent, un rêve de clonage, quoi,
ou de ceux, sans ombres, des plus récents, Herman Van Rompuy en catho haikuphile coincé – et surtout un peu anodin !, Davignon le vicompte  (orthographe vérifiée), José Manuel Barroso et sa bande de « commissaires à gages » , salués comme des « tchatchériens » par la presse britannique,
et de quelques autres,

Si vous aimez regarder dans le fond des yeux cette dite Union européenne, qui fait froid dans le dos à tout vrai démocrate, parce que vous ne voulez pas mourir idiots, mais au contraire vivre quelques années verticalement d’abord, et que vous savez avec La Boétie, qu’ « ils ne sont grands que parce que sous sommes à genoux » ,

Si de temps en temps, par souci de salubrité mentale, ce qui est un besoin vital dans le vacarme médiatique, vous aimez lire ou relire les « fondamentaux » des grandes impostures idéologiques indispensables à l’entretien de la démocratie partiale et partielle qu’est la représentation, laquelle a « pour vocation », expression empruntée à la novlangue bling-chic du gouvernement français, de tenir les peuples en minorité,

Si vous avez plaisir à lire quelques descriptions décapantes et sans révérence des machinations et de l’hypocrisie des mercenaires qui nous gouvernent en attendant de finir comme l’humaniste chrétien Jean-Luc Dehaene et tant d’autres, qu’ils s’affirment socialistes, réformateurs, démocrates, libéraux, sociaux, centristes, libertaires, écologistes ou ekologistes, dans des conseils d’administration de multinationales ou des conseils de consultance-counseling à haute redevance numéraire, si vous aimez le décapage, la déconstruction, de ces châteaux de cartes idéologiques, car cela vous rend plus intelligent et plus vivant, sans devoir vous-même procéder au décodage de l’actualité telle que décrite par la presse à l’eau tiède (« mainstream » ), vu qu’il vous plaît de garder votre vitalité pour autre chose que vous nettoyer les oreilles d’un torrent de mensonges et d’approximations.

Si…

Ah ah !

…Pour toutes ces raisons, qui sont loin d’épuiser le sujet… Notez dans vos favoris l’adresse de cette « échoppe tapie dans l’ombre » qu’anime « une poignée de guerrilleros luxembourgeois »  et lisez ce blog de dépollution mentale à haute matière grise ajoutée, qui a pour nom Les Dessous de Bruxelles.

L’actualité en cours, c’est: où en sommes-nous dans la socialisation des pertes de l’après-crise financière, la continuation de la privatisation des bénéfices ayant été assurée par déplacement des risques sur les États?
Entre ruine des États et austérité maximale pour les plus faibles, où en sont les triomphes du capitalisme et de la démocratie représentative ?

Bon remue-méninges!

Guy