G A Z A    N A U S É E – La terre volée, la niche du chien et quelques premiers de classe

Carte empruntée à Julien Salingue

Bonjour,

Je vous recommande ici quelques textes présents sur Internet, et un témoignage arrivé par courrier.
Il s’agit pour l’essentiel de voix israéliennes minoritaires, et une réflexion sur les médias, selon laquelle ils sont aussi des acteurs dans la guerre qu’ils prétendent seulement observer.
Pour la guerre à Gaza comme sur tous sujets, deux portails sont particulièrement intéressants à consulter: le français www.rezo.net  et son petit frère belge francophone, www.mouvements.be, auquel je collabore modestement. Les consulter, c’est se donner les moyens de mettre en perspective ce qui est bien trop souvent une farce dans les médias, et, anecdotiquement, d’être informé quelques jours avant les lecteurs de la grande presse. Quand l’éditorial du Soir du 12 janvier ose les mots « Gaza : folie collective et crimes de guerre » par exemple, eh bien, il y avait quelques temps déjà que cela n’avait pas échappé aux lecteurs desdits portails.

Bonne lecture!

Guy

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Gilad ATZMON (Israël) – écrivain et musicien, vivant en Grande-Bretagne:

Vivre en sursis sur une terre volée

Où l’on comprend que la base de la conscience fausse qu’ont les Israéliens du conflit depuis 1948 pour le moins, c’est la falsification de leur propre histoire à l’école, à l’université, et dans les médias.
Voici des extraits pour les lecteurs trop pressés:

 

Dans le paysage, les traces de la civilisation palestinienne d’avant 1948 ont été effacées. Non seulement la Nakba, le nettoyage ethnique en 1948 des indigènes palestiniens, ne fait pas partie des programmes scolaires israéliens, elle n’est pas même mentionnée ni discutée par aucun forum officiel ou universitaire israélien. (…)

Israël n’a pas trouvé de réponse militaire. Il peut certes tuer des civils mais ne parvient pas à enrayer les tirs de roquettes. (…)

le contrôle de l’Autorité Palestinienne et du Fatah sur la Cisjordanie est maintenu par l’armée israélienne (…)

Il est évident que le Hamas a fait preuve d’une certaine retenue avec Israël depuis trop longtemps. Le Hamas s’est retenu d’étendre le conflit à l’ensemble du sud d’Israël. (…)

Dès que le Hamas se sera emparé de la Cisjordanie, les plus grands centres urbains israéliens seront à sa merci. Pour ceux qui ne parviennent pas à le voir, ce serait la fin de l’Israël juif. Ça peut arriver dès ce soir, dans trois mois ou dans cinq ans, la question n’est pas de savoir ‘si ça se produira’, mais ‘quand.’ À ce moment-là, l’ensemble d’Israël sera à portée de tir du Hamas et du Hezbollah et la société israélienne s’effondrera, son économie sera ruinée. Le prix d’une maison individuelle de Tel Aviv nord équivaudra à celui d’un cabanon à Kiryat Shmone ou à Sderot. Au moment où une seule roquette touchera Tel Aviv, c’en sera terminé du rêve sioniste.

Les généraux israéliens le savent, les dirigeants Israéliens le savent. C’est pourquoi ils intensifient la guerre d’extermination contre les Palestiniens. Les Israéliens n’envisagent pas d’occuper Gaza. Ils n’ont rien perdu là-bas. Tout ce qu’ils veulent c’est terminer la Nakba. Ils larguent des bombes sur les Palestiniens dans le but de les anéantir. (…)

Tout ce qui reste aux Israéliens c’est de s’accrocher à leurs oeillères et à leur déni de la réalité pour fuir le triste destin qui leur est déjà fixé. Tout au long de leur déchéance, les Israéliens entonneront les divers chants de victimisation dont ils sont coutumiers. Imprégnés d’une réalité faite de suprématie égocentrée, ils seront hypersensibles à leurs propres souffrances tout en restant aveugles à celles qu’ils infligent aux autres.

http://www.alterinfo.net/Vivre-en-sursis-sur-une-terre-volee-Le-destin-ineluctable-d-Israel-est-inscrit-dans-chaque-bombe-qu-il-lache-sur-les_a28065.html

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Michel Collon (Belgique):

Cher Monsieur Obama,

Vous avez déclaré à propos du conflit entre Israël et les Palestiniens : « Si quelqu’un tirait des roquettes sur ma maison où mes deux filles dorment chaque soir, je ferais tout ce qui est en mon pouvoir pour faire cesser cela. »

Protéger vos enfants ? Comme je vous comprends! Mais, pour être tout à fait correct envers vos filles, ne devriez-vous pas leur raconter l’histoire de cette maison ? Dire que vous l’avez volée à ses propriétaires ? Et aussi le jardin, et tous les champs autour ! Et que vous avez obligé l’ancien propriétaire à aller vivre dans la niche du chien ? Car c’est exactement ce qu’Israël a fait en volant leurs maisons et leurs terres aux Palestiniens, et en les forçant à vivre dans des camps de réfugiés (voir les livres d’historiens israéliens comme Benny Morris).

Dès lors, cher Monsieur Obama, pourriez-vous prétendre vivre dans cette maison tranquillement, comme si de rien n’était ? Alors, juste une question : votre « changement » consistera-t-il à répéter ces vieux mensonges sur la maison, déjà ressassés par tous vos prédécesseurs ?

Recevez, cher Monsieur Obama, mes meilleurs sentiments. Et dites à vos amis que, sur cette terre de Palestine, il y a de la place pour tout le monde. A moins qu’une différence de religion ou de couleur de peau pose un problème à quelqu’un ?

Michel Collon
13 janvier 2009

http://www.michelcollon.info

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Une habitante de Sderot (Israël):

Je parle avec les gens de Sderot

C’est le texte d’une habitante de cette ville frontière où les journalistes sont confinés et ressassent par ennui le point de vue de la puissance dominante, comme on peut s’en faire une idée avec l’article d’Henri Maler et Olivier Poche ci-après .
Elle est membre de Kol-Acher (Une autre voix), une association transfrontalière de dialogue israélo-palestinien.

(En ligne sur http://www.millebabords.org/spip.php?article10028 )

 

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Henri Maler et  Olivier Poche (France):

Gaza – Médias en guerre

À grands renforts de reportages déséquilibrés et d’informations mal regardantes sur les sources, la plupart des médias ont confirmé qu’ils sont toujours, volontairement ou pas, des acteurs des guerres qu’ils prétendent observer.

Selon les comptages effectués par le site d’Arrêt sur images (lien payant), les 20h de TF1, France 2 et France 3, entre le 27 décembre et le 5 janvier, ont ainsi proposé 6 reportages intégralement consacrés aux civils israéliens, contre 2 aux civils palestiniens. Cette disproportion est encore plus prononcée, si l’on prend en considération les JT de 13h. Selon notre propre relevé, sur TF1 le rapport est de 5 contre 1. Un seul reportage consacré aux civils palestiniens, diffusé seulement au 20h, met en scène, sans le moindre propos politique, une famille relativement aisée de Gaza (comme nous l’apprend un reportage… de France 2 où le même couple franco-palestinien est interrogé [3]) et peu représentative par conséquent de la situation vécue par la majorité des Gazaouis. Et si l’on ajoute France 2, on atteint en tout 9 reportages contre 2 – là encore, le 13h ayant jugé bon d’évoquer Sderot, mais pas Gaza.
Publié le 12 janvier 2009.

Texte complet sur Acrimed (Action – Critique – Médias):
http://www.acrimed.org/article3044.html#nb1

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Michael Warschawski (Israël):

Il s’agit « de punir les Palestiniens du seul fait qu’ils continuent à exister »

Cela fait quarante ans qu’il en est ainsi, que Michael Warschawski a choisi le camp des Justes. En 1967, alors qu’il suivait des études talmudiques à Jérusalem, ce jeune homme né à Strasbourg a rejoint le mouvement trotskiste antisioniste Matzpen, alors le seul groupuscule israélien à s’opposer à l’occupation de la Cisjordanie. Après avoir participé en 1982 à la fondation de Yesh Gvul, un mouvement d’officiers de réserve et de soldats contre la guerre au Liban, il a créé deux ans plus tard le Centre d’information alternative (AIC), qui rassemble plusieurs mouvements pacifistes israéliens et organisations palestiniennes.
(…)

[Il est] l’auteur de Programmer le désastre, la politique israélienne à l’œuvre, livre paru aux éditions La Fabrique et dans lequel il se livre à un « démontage en règle des mystifications sur le Proche-Orient, fabriquées et / ou entretenues par les médias internationaux« 

Dans Politis le 8 janvier, Bernard Langlois replaçait ces bombardements israéliens dans la logique de l’après 11 septembre et de la doctrine néo-conservatrice, écrivant notamment : « Les zélotes d’Israël, là-bas ou ici, ne cessent de nous le rappeler : la vaillante armée de l’État hébreu ne se bat pas seulement pour sauver la patrie en danger, elle est aussi la première ligne de défense de l’Occident et de ses valeurs contre le terrorisme et la barbarie. » Est-ce selon vous la meilleure grille d’analyse pour expliquer la conduite d’Israël ?

(Michael Warschawski:) Je suis entièrement d’accord avec analyse de Bernard Langlois : le cadre de la guerre israélienne est celui de la guerre globale contre les barbares (assimilés aujourd’hui a la civilisation musulmane) et son idéologie celle du choc des civilisations.

Puisque le Hamas n’est qu’un prétexte aux bombardements, quel est l’objectif réel de l’intervention ? Quelles issues et échéances voyez-vous à cette attaque ?

On a beau chercher dans les déclarations des dirigeants israéliens, on n’entend pas de réponse à la question : quel est l’objectif de la guerre ? En fait, il s’agit d’un mélange, fait de guerre punitive (vous avez choisi le Hamas, vous allez le payer), de volonté d’affaiblir au maximum le Hamas (tout en sachant que le succès sera limité), de tenter d’imposer le contrôle d’Abbas sur la Bande de Gaza (ce qui serait la fin définitive de ce qui lui reste de légitimité populaire) et du plus profond de l’inconscient, de punir l’ensemble des Palestiniens du seul fait qu’ils continuent à exister.

En 2005, vous avez expliqué « aimer Israël comme on aime l’enfant d’un viol ». En est-il toujours de même ?

Comme on aime son fils ou son frère qui est a la fois l’enfant d’un viol et un voyou brutal et extrêmement dangereux pour l’environnement et pour lui-même. Vient un moment ou il faut l’arrêter, le traduire devant les tribunaux et le punir.

Article complet: http://www.article11.info/spip/spip.php?article256.
Warschawski est partout en ce moment. Lisez « Carnage à Gaza« , paru sur http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article12577 .
On trouve un beau portrait de cet étonnant israélien d’origine strasbourgeoise, sous la plume de François Xavier.

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Mads Gilbert et Erik Fosse (Norvège)

Des médecins évoquent l’usage « d’un nouveau type d’arme » à Gaza

Des blessés d’un type nouveau – adultes et enfants dont les jambes ne sont plus que des trognons brûlés et sanguinolents – ont été montrés ces derniers jours par les télévisions arabes émettant de Gaza.
(…)
nous avons vu des victimes de ce que nous avons toutes les raisons de penser être le nouveau type d’armes, expérimenté par les militaires américains, connu sous l’acronyme DIME – pour Dense InertMetal Explosive« 
, ont déclaré les médecins. Petites boules de carbone contenant un alliage de tungstène, cobalt, nickel ou fer, elles ont un énorme pouvoir d’explosion, mais qui se dissipe à 10 mètres. « À deux mètres, le corps est coupé en deux; à 8 mètres, les jambes sont coupées, brûlées comme par des milliers de piqûres d’aiguilles. Nous n’avons pas vu les corps disséqués, mais nous avons vu beaucoup d’amputés. Il y a eu des cas semblables au Liban sud en 2006 et nous en avons vu à Gaza la même année, durant l’opération israélienne Pluie d’été. Des expériences sur des rats ont montré que ces particules qui restent dans le corps sont cancérigènes », ont-ils expliqué.

http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2009/01/12/des-medecins-evoquent-l-usage-d-un-nouveau-type-d-arme-a-gaza_1140545_3218.html#ens_id=1106055

Je ne peux que recommander la lecture de cet article valant son pesant d’horreur et d’héroïsme.

Il illustre le complot des premiers de classe, acharné à faire avancer les industries de la mort.
De bons ou d’excellents élèves, encensés et applaudis par leurs profs, devenus ingénieurs ou scientifiques de haut niveau dans l’armement, mettent leurs talents, et tout leur coeur, à ces entreprises.
Il y a là comme un cuisant échec pour les formateurs, éducateurs, pédagogues…

G A Z A – un article d’Uri Avnery

Gaza- Uri AvneryBonjour,

Je vous écrivais vendredi passé:

Des Juifs du monde s’opposent à la politique de l’État d’Israël et le font savoir. En voici une liste totalement incomplète et arbitraire:
(…)
–  L’immense Uri Avnery, héros de la guerre de 1948 né en 1923, devenu l’opposant pacifiste historique que l’on a encore vu, à l’âge de 84 ans, couché sous le jet d’une auto-pompe. Il parle au micro d’Al Jezira, écrit « Plomb fondu à Gaza » (en anglais), sous-titré « Comment Israël multiplie le Hamas par 1.000 », ou « Israël a manqué un rendez-vous avec l’histoire« … On peut lire un beau portrait d’Avnery sous la plume du blogueur Guy M.

Je reproduis ci-dessous un article daté d’hier de l’ami Uri, sous le titre « Combien de divisions » .
C’est un cri de refus et de lucidité où chaque phrase porte son lot d’évidence, niée quotidiennement par les meneurs de guerre et leurs relais médiatiques.

Je vous souhaite une vivifiante lecture.

Guy

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« Combien de divisions »

par Uri Avnery, de Gush Shalom (mouvement pacifiste israélien)

Un crime effroyable a été commis à Leningrad, il y a soixante-dix ans, pendant la seconde guerre mondiale.

Pendant plus de mille jours, un groupe terroriste, « l’armée rouge » a tenu en otage des millions d’habitants de la ville et a provoqué la réplique de la Wermacht allemande contre des lieux où se trouvait la population. Les Allemands n’ont pas eu d’autre choix que de bombarder et de pilonner la population et d’imposer un blocus total, qui a causé la mort de centaines de milliers de personnes.

Quelque temps auparavant, le même crime a été commis en Angleterre. Le groupe Churchill s’est caché parmi la population de Londres, utilisant des millions de citoyens comme bouclier humain. Les Allemands ont dû envoyer leur aviation, la Luftwaffe, et, à leur corps défendant, ont réduit la cité en cendres. Ils ont appelé cette opération « le Blitz ».

Voilà ce qu’on aurait pu lire dans les livres d’histoire si les Allemands avaient gagné la guerre.

C’est absurde? Pas plus que ce que nos médias écrivent jour après jour, répétant jusqu’à la nausée : les terroristes du Hamas ont pris les habitants de Gaza en otages et se servent des femmes et des enfants comme de boucliers humains, ne nous laissant pas d’autre choix que de lancer des bombardements massifs, lors desquels, à notre grande tristesse, des milliers de femmes, d’enfants et d’hommes sans armes sont tués et blessés.

Dans cette guerre, comme dans toutes les guerres modernes, la propagande joue un rôle primordial. La disparité entre les forces, entre l’armée israélienne – avec ses avions, ses vedettes, ses drones, ses bateaux de guerre, son artillerie, ses tanks – et les quelques milliers de combattants du Hamas dotés d’armes légères, est de l’ordre de 1 pour 1.000, voire de 1 pour 1.000.000. Sur le plan politique, l’écart est peut-être encore plus grand. Mais, pour ce qui est de la propagande, il est presque infini.

Presque tous les médias occidentaux ont d’abord répété la ligne officielle de la propagande israélienne. Ils ont presque entièrement ignoré le versant palestinien de l’histoire, sans parler des manifestations quotidiennes du camp de la paix israélien. Le discours du gouvernement israélien ( « un État doit défendre ses citoyens contre les missiles qassams ») a été accepté comme la vérité vraie. Le point de vue de l’autre camp, que les qassams n’étaient que la réponse au siège qui affamait un million et demi d’habitants de la Bande de Gaza, n’était mentionné nulle part.

Ce ne fut qu’au moment où les images d’horreur venant de Gaza commencèrent à apparaître sur les écrans occidentaux que l’opinion publique mondiale se mit à changer. A dire vrai, les télévisions en Israël et en Occident ne montrèrent qu’au compte goutte les évènements effroyables qu’Aljazeera, la chaîne arabe, diffusait 24 heures sur 24, mais la photo d’un enfant mort dans les bras de son père terrifié a plus de pouvoir de conviction qu’un millier de belles phrases sortant de la bouche du porte- parole de l’armée israélienne. Et finalement, ce fut décisif.

La guerre – toute guerre – est faite de mensonges. Qu’on l’appelle propagande, ou guerre psychologique, on accepte qu’un pays en guerre a le droit de mentir. Quiconque parle vrai peut-être considéré comme un traître.

Le problème est que la propagande convainc d’abord le propagandiste. Et quand l’on s’est convaincu que le mensonge est la vérité et la falsification la réalité, on ne peut plus prendre de décision rationnelle.

Prenons l’exemple de l’atrocité la plus choquante de cette guerre, du moins jusqu’à aujourd’hui : le bombardement de l’école de l’ONU de Fakhura, dans le camp de réfugiés de Jabaliya.

Dès que le monde a connu cet incident, l’armée a «révélé» que les combattants du Hamas avaient lancé des obus de mortier à partir d’une position proche de l’entrée de l’école. Pour preuve, ils ont produit une photo aérienne qui montrait, en effet, l’école et le mortier. Mais il n’a pas fallu longtemps pour que le menteur officiel de l’armée admette que la photo datait d’un an au moins. Bref, une falsification.

Le menteur officiel déclara ensuite que « nos soldats avaient subi des tirs qui venaient de l’intérieur de l’école ». Un jour passa avant que l’armée ne doive admettre devant le personnel de l’ONU que c’était un autre mensonge. Personne n’avait tiré depuis l’école, il n’y avait pas de combattants du Hamas mais des réfugiés terrifiés.

Mais cet aveu fit difficilement la différence. Le public israélien, pendant ce temps, fut totalement convaincu qu’« ils avaient tiré depuis l’intérieur de l’école », et les journalistes de la télévision firent comme si c’était un fait acquis.

Il en fut de même pour les autres atrocités. Tout bébé fut métamorphosé, par sa mort, en terroriste du Hamas. Toute mosquée bombardée devint une base du Hamas, tout appartement une cache d’armes, toute école un poste de commandement, tout bâtiment public «  un symbole du pouvoir du Hamas ». Ainsi l’armée d’Israël préserva la pureté de  « l’armée la plus morale du monde ».

La vérité est que les atrocités sont le résultat direct du plan de guerre. Elles reflètent la personnalité d’Ehud Barak, un homme dont la façon de penser et les actes ressortent à l’évidence de ce qu’on appelle « un désordre moral », un trouble sociopathique.

Le but réel (si l’on exclut le gain de sièges lors des prochaines élections) est d’en finir avec la domination du Hamas sur la Bande de Gaza. Dans l’imagination des concepteurs, le Hamas est un envahisseur qui s’est emparé d’un pays étranger. La réalité, bien sûr, est tout à fait autre.

Le mouvement Hamas a remporté la majorité des votes lors d’élections éminemment démocratiques qui ont eu lieu en Cisjordanie, à Jérusalem Est, et dans la Bande de Gaza. Il a gagné parce que les Palestiniens sont arrivés à la conclusion que la stratégie pacifiste du Fatah n’avait permis d’obtenir rien de tangible d’Israël – ni un gel de la colonisation, ni la libération des prisonniers, ni aucun pas significatif vers la fin de l’occupation et la création d’un état palestinien. Le Hamas est profondément enraciné dans la population palestinienne – pas seulement parce qu’il est un mouvement de résistance combattant l’occupant étranger, comme l’Irgoun et le Groupe Stern l’avaient fait dans le passé – mais aussi parce qu’il est une organisation politique et religieuse qui s’occupe de services au public, sociaux, éducatifs et médicaux.

Pour la population, les combattants du Hamas ne sont pas un corps étranger, mais les enfants de chaque famille de la Bande et d’autres régions de Palestine. Ils ne se “cachent pas dans la population”, mais la population les voit comme ses seuls défenseurs.

Ainsi, toute l’opération est basée sur des présomptions fausses,. Faire de sa vie un enfer n’amène pas la population à se lever contre le Hamas, mais au contraire, la rassemble derrière lui, et renforce sa détermination à ne pas se rendre. La population de Leningrad ne se leva pas contre Staline, pas plus que les Londoniens ne se levèrent contre Churchill.

Celui qui a donné l’ordre de mener une telle guerre, avec de telles méthodes dans une zone si densément peuplée, savait qu’il allait provoquer le massacre épouvantable de civils. Apparemment ça ne lui faisait ni chaud ni froid. Ou, croyait-il, “ils changeront leurs manières” et “ cela leur fera prendre conscience”, et dans le futur, ils ne résisteront pas à Israël.

La priorité des priorités pour les concepteurs était d’obtenir qu’il y ait le moins de morts possibles parmi les soldats, compte tenu du fait qu’une large partie de l’opinion favorable à la guerre pourraient changer d’avis si elle savait qu’il y avait des pertes. C’est ce qui est arrivé lors des deux guerres du Liban.

Ces considérations ont d’autant plus joué, que la guerre est une pièce maîtresse de la campagne électorale. Ehud Barak, que les sondages donnaient vainqueurs aux premiers jours de la guerre, savait très bien que ses pourcentages pourraient s’effondrer si les écrans se remplissaient de soldats morts.

Donc on a appliqué une nouvelle doctrine :  éviter les pertes parmi nos soldats par la destruction totale de toute chose sur leur route. Les concepteurs étaient prêts à tuer non pas 80 palestiniens pour sauver un soldat israélien, mais 800. Éviter les morts de notre côté est l’ordre suprême, qui cause dans l’autre camps un nombre record de morts de civils.

Cela veut dire la décision consciente d’une guerre particulièrement cruelle – ce qui a été le talon d’Achille.

Une personne dépourvue d’imagination comme Barak (son slogan électoral : “ Pas un type bien, mais un chef ”) ne peut imaginer comment les gens qui ont une conscience partout dans le monde réagissent à des actes comme le massacre de toute une grande famille, la destruction de maisons sur la tête de ceux qui les habitent, les files de garçons et de filles dans leurs linceuls blancs attendant qu’on les enterre, les récits de la mort de gens vidés de leur sang parce que les ambulances ne peuvent arriver jusqu’à eux, la mort de personnels de santé et médecins allant sauver des vies, l’assassinat de chauffeurs de l’ONU lors du transport de vivres. Les photos des hôpitaux, avec les morts, les mourants et les blessés étendus par terre, emmêlés par manque de place ont choqué le monde. Aucun argument n’a la force de l’image d’une petite fille blessée étendue au sol, se tordant de douleur et hurlant “maman, maman !”

Les concepteurs pensaient qu’ils pouvaient empêcher le monde de voir ça en en interdisant de force la couverture par la presse. Les journalistes israéliens, pour leur grande honte, ont accepté de se contenter des rapports et des photos fournies par le porte-parole de l’armée, comme s’il s’agissait d’informations authentiques, tout en restant eux-mêmes à des kilomètres des événements en cours.
La presse étrangère aussi ne fut pas autorisée à pénétrer à Gaza, jusqu’à ce qu’à force de protestations, les journalistes aient droit à de petites excursions par groupe sélectionnés et contrôlés.
Mais dans la guerre moderne, une telle conception aseptisée  ne peut en exclure complètement d’autres – il y avait des caméras dans la Bande, au coeur de l’enfer, incontrôlables. Aljazeera a filmé à toute heure et a été vue dans toutes les maisons.

La bataille des écrans est une des batailles décisives de la guerre.
Des centaines de millions d’Arabes, de la Mauritanie jusqu’en Iraq, plus d’un milliard de musulmans du Nigéria jusqu’en Indonésie, voient ces images et sont horrifiés. Cela a un impact énorme sur la guerre. Beaucoup de ceux qui voient ça considèrent les dirigeants de l’Égypte, de la Jordanie et de l’Autorité Palestinienne comme des collaborateurs d’Israël qui perpètre ces atrocités contre leurs frères palestiniens.

Les services de sécurité des régimes arabes ont enregistré une fermentation dangereuses dans leurs peuples. Hosny Moubarak, le leader arabe le plus menacé à cause de la fermeture du Passage de Rafah devant des réfugies terrorisés, commence à faire pression sur les décideurs à Washington, qui jusqu’alors avaient toujours bloqué les appels à un cessez-le-feu. Ces derniers commencent à comprendre la menace qui pèsent sur les intérêts vitaux américains dans le monde arabe et changent soudainement d’attitude – à la consternation des diplomates israéliens auto-satisfaits.

Les gens qui ont des troubles du sens moral ne peuvent comprendre les motivations des gens normaux et doivent deviner leurs réactions. “Le pape, combien de divisions?”, se moquait Staline.   “Les gens qui ont une conscience, combien de divisions ? », pourrait bien se demander Barak.

A l’évidence, plusieurs. Pas énormément. Pas très réactives. Pas très fortes ni très organisées. Mais, quand les atrocités gonflent le nombre de protestataires et qu’ils se regroupent, cela peut décider du sort de la guerre.

Le manque à comprendre la nature du Hamas a entraîné le manque à comprendre les résultats pourtant prédictibles. Non seulement Israël ne peut pas gagner la guerre, mais le Hamas ne peut pas la perdre.

Même si l’armée israélienne pouvait réussir à tuer tous les combattants du Hamas jusqu’au dernier, le Hamas gagnerait pourtant. Les combattants du Hamas seraient des exemples pour la nation arabe, les héros du peuple palestinien, des modèles qui provoqueraient l’émulation pour chaque jeune du monde arabe. La Cisjordanie tomberait entre les mains du Hamas comme un fruit mûr. Le Fatah sombrerait dans une mer de mépris, les régimes arabes seraient menacés d’effondrement.

Si la guerre se termine avec un Hamas toujours debout, exsangue mais invaincu, face à la toute puissante machine de guerre israélienne, cela sera une victoire fantastique, une victoire de l’esprit sur la matière.

Ce qui marquera la conscience du monde sera l’image d’un monstre assoiffé de sang, Israël, toujours prêt à commettre des crimes de guerre et incapable d’être retenu par quelque considération morale que ce soit. Ceci aura des conséquences graves sur notre avenir à long terme, notre place dans le monde, notre chance de faire la paix et d’obtenir le calme.

En fin de compte, cette guerre est un crime contre nous-mêmes, un crime contre l’État d’Israël.

Le 10 janvier 2009.

Sang et CO2 à Bierset

(Article publié originellement sur acontrecourant.be)

 

« Un rapport réalisé il y a peu par un groupe d’ONG des Pays-Bas (United Civilians for Peace, UCP) indique que 90% des fleurs exportées par Israël sont exportées vers les Pays Bas avant d’être vendues au reste du monde. Selon ce même rapport, on compte environ deux vols de nuit par semaine vers le Luxembourg et dix vols de nuit par semaine vers l’aéroport de Liège, centre principal de transport aéronautique des produits d’Israël vers l’UE. »« La compagnie aérienne israélienne Cargo Air Line (CAL) ainsi que TNT (compagnie hollandaise qui, selon le rapport cité plus haut, entretient des liens avec les entreprises installées dans les colonies d’Israël) se sont installées très tôt à Bierset, où elles ont pu profiter de normes moins sévères qu’à Schiphol aux Pays-Bas. »(in Le commerce fructueux de l’exploitation, de l’expropriation et du vol http://www.radioairlibre.be//infos/Agrexco-Israel.htm)

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Le directeur de Liège-Bierset adore son boulot. Dans un organe de la presse gratuite (la mal nommée), son sourire en couverture, il dit sa fierté de « travailler pour l’avenir de sa région ».

Il n’est pas le premier à confondre le court terme avec l’avenir, ni ses fins de mois personnelles avec la prospérité collective.

Vous avez remarqué comme les hommes d’affaires aiment se prendre pour des visionnaires, alors que la négation, qui se dit en leur langue « externalisation », celle des coûts, des problèmes et des concepts, est au coeur de leur pratique quotidienne et de leurs relations avec l’environnement, qu’il soit naturel ou social ?

Pendant combien d’années croyez-vous que de leur côté les affairistes publics wallons, maîtres d’oeuvre à Bierset, vont réussir à favoriser et imposer cette hérésie économique, politique, éthique et environnementale : avions chaque nuit pour les fleurs et fruits d’Israël, produits là-bas dans un des derniers États coloniaux de la planète, en une économie de rapine guerrière et théocratique, et en violation du droit international ?

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« Agrexco appartient pour 50% à l’État israélien et tous les produits exportés [des colonies] de la Vallée du Jourdain sont emballés et vendus par eux. »

« (…) certains produits israéliens sont emballés en France ou en Suisse par Delhaize, Carrefour, Auchan, Monoprix, Intermarché ou Leclerc (jus de fruits Jaffaden), etc. avec un code barre français. »

« (…) L’exportation par Agrexco de marchandises provenant des colonies de Cisjordanie sont illégalement vendues en tant que « Produits d’Israël », tirant ainsi bénéfice des termes de l’échange préférentiel que l’Europe accorde aux importations israéliennes. »

« Les produits sont labellisés CARMEL, JAFFA ou STAR RUBY »

(Dans Apartheid et Agrexco dans la Vallée du Jourdain http://www.ism-suisse.org/news/article.php ?id=3769&type=campagne)

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Les mains humiliées des cueilleurs sont couvertes de sang et le circuit de livraison est opaque : les participants à ce commerce d’avenir n’ont pas le courage d’afficher l’origine des produits. Au Delhaize, les avocats Carmel sont présentés dans des cartons espagnols, comme nombre de produits Agrexco en Europe. La traçabilité est brouillée et les fleurs seront en général vendues comme provenant des Pays-Bas : après la fable des Israéliens faisant pousser des oranges dans le désert, voici celle des Hollandais produisant des oeillets sous la neige.

À Bierset, une débauche d’aides publiques pas très regardantes pousse haut le coût public de l’emploi privé. Luc Misson, avocat des riverains, l’évaluait en 2004 et au bas mot, à 11.357.183 francs (281.500 euros) par unité. Mais le double est probable !

« – Le 20 juillet 2000, le Gouvernement wallon déclarait évaluer les dépenses à 18,5 milliards de francs belges. »

« – En mars 2003, la SOWAER qui assume cette mission actuellement, évalue les dépenses à 27 milliards de francs belges. »

« – L’évaluation a donc augmenté de 46 % en 3 ans. Il est généralement avancé par les autorités wallonnes que le développement et l’équipement de l’aéroport de Bierset coûtera 20 milliards de francs belges. 10 fois le budget annoncé en 1996 ! Pourtant nombreux sont ceux qui pensent qu’au total l’équipement de l’aéroport, les rachats et les insonorisations coûteront plus de 40 milliards de francs belges. »

« Nous pensons qu’on sera en bout de course plus près des 40 milliards que des 20 milliards annoncés mais le démontrer demanderait trop de développements. »

« Si même l’investissement public devait se limiter à 20 milliards, il faudrait de toute manière en conclure qu’à Bierset pour créer 1.761 emplois (souvent de mauvaise qualité), on dépenserait 11.357.183 francs par emploi créé. »

Et encore faut-il y ajouter un coût, qui n’est pas seulement économique, infligé aux riverains eux-mêmes.

Résumé:

1, 2, 3
* Cologne ne voulait plus de TNT.
* Schiphol est trop exigeant.
* Bierset accueille les nuisances, à l’unanimité de trois vieux partis, par l’odeur alléchés.

4, 5
* Des chômeurs acceptent des temps partiels de nuit, pour les fuir dès que possible : un tiers des ouvriers quittent TNT chaque année. (rapport Misson ci-dessus)
* En provenance de colonies d’Israël, illégal, camouflé, nocturne, honteux, polluant, bruyant, s’ensuit un transport de produits valant leur poids de sang, d’humiliation et de CO2.

et 6
* Ce que les électeurs n’auront pas la sagesse de refuser dans une saine prévoyance, le tarissement du pétrole à bon marché et la panique climatique l’imposeront dans la douleur.