Deux mille vins? Il faudra…

Sous terre, dans le métro à Paris.

Bonjour!

Vous pouvez mettre le son, c’est mon piano. On ne sait pas ce que la musique raconte, mais étant des mêmes doigts sur un autre clavier, supposons qu’elle dise quelque chose, qui peut-être recouvrira le retard que j’ai mis et les difficultés que j’ai eues à écrire ces voeux.

…Les voeux de nouvel an sont-ils une parenthèse qui ferait abstraction du moment ou de l’époque ? Si certains peuvent s’y limiter, Condroz belge ne peut s’y résoudre.

Je ne cache pas devoir beaucoup à Karl Marx, si imparfaitement que je puisse le connaître. La lutte des classes me paraît de loin la meilleure façon de décrire l’histoire, même si elle est souveraine a posteriori plus que pour construire l’avenir. Ceux qui avec le marxisme ont cru disposer de la science de l’histoire, je pense aux trotsko-léninistes de 1917, ont été poussés à de terribles errements: dame, si la révolution est une science, elle ne souffre qu’une seule réponse à chaque étape, et ces camarades qui avaient partagé les geôles tsaristes se sont entretués pour la « ligne juste », avant de créer une nouvelle et originale classe prédatrice, celle des propriétaires de la classe ouvrière. Heureusement cela n’efface pas ce qu’il y a d’intéressant et de puissant chez le vieux Karl.
Cependant, lorsque j’ai lu, cet été, la somme de Jared Diamond, Effondrement, ma vision de la lutte des classes en a pris un sacré coup. Certes cette dernière brûle de tous ses feux, si je peux dire, lorsque la fin d’une civilisation se précise (et c’est bien là que nous en sommes), mais en général plus dans le chaos que dans la création inventive d’une société meilleure qui échapperait à l’impasse.
Aujourd’hui, le dérèglement climatique pose un défi sans précédent dans l’histoire humaine, car autant qu’une civilisation, que tous ne regretteraient pas, c’est notre espèce elle-même qui est en danger, et de même 97 pour-cent de la vie sur cette planète. L’Histoire avec un grand H reste résolument une affaire de bruit et de fureur, sans pilote ou sans sujet. Et possiblement, sans historiens du futur, marxistes ou pas.

Je ne doute pas que notre civilisation planétaire, thermo-industrielle et inégalitaire-capitaliste, a commencé sa fin. Sur le plan conceptuel, cela me paraît évident depuis quelques années. Mais sur un plan sensible, l’accélération est effrayante.
La décennie qui s’ouvre a toutes les chances d’être celle où les processus climatiques vont échapper à tout contrôle, quand déjà montent, comme préventivement, les autoritarismes et les fascismes.
Les feux en Australie montrent bien ce que peut être un cours non linéaire, explosif, « logarithmique », auto-alimenté, échappant à notre intuition plus portée à n’envisager que des évolutions graduelles ou arithmétiques: 1, 2, 3, 4, 5… plutôt que 1, 2, 4, 8, 16…
Signalons au passage que la déforestation a joué dans bien des cas un rôle majeur dans la disparition des civilisations éteintes, alors qu’aujourd’hui s’ajoute à une folle destruction des forêts, l’acidification des océans qui sont le véritable premier ou deuxième poumon de la planète, tant en libération d’oxygène qu’en piégeage de carbone.

La sixième extinction n’est pas probable, elle est déjà à l’oeuvre: 75 % des insectes ont disparu depuis trente ans, une espèce mammifère sur quatre est en danger d’extinction (et une sur cinq dans la décennie), de même qu’une espèce d’oiseau sur huit, un tiers des amphibiens, et 70 % des espèces végétales recensées… Je vous laisse prendre connaissance des éléments réunis par Gail Bradbrook, docteure en biophysique moléculaire, que je présente dans mon précédent billet, Les constats de Gail Bradbrook, co-fondatrice d’Extinction Rebellion.

Plus je m’informe et plus je comprends que Greta Thunberg, qui est si jeune et qui, en surdouée, comprend et retient tout ce qu’elle lit ou entend, « pète un câble ». Gail Bradbrook aussi pète un câble. Aurélien Barrau et au moins les 15.000 scientifiques dans le monde qui ont signé un avertissement solennel, aussi. Et moi, aussi.

« Deux mille vins ? Il faudra »…, ai-je titré.
Il faudra quoi, dans l’apparente et futile promesse d’abondance de ce mauvais jeu de mots, bien digne de l’obscénité publicitaire ?
Combattre ? Fuir ? Raison garder ? Être sobres ? Partager ? …Partager ou mourir ?

Chacune et chacun a le droit, voire le devoir, de chercher le bonheur. Cependant, je ne vois pas que l’on puisse y atteindre sans la lucidité.

Je vous souhaite donc à toutes et tous d’être heureux, …les yeux grands ouverts.
Selon son père, Greta Thunberg est heureuse depuis qu’elle est devenue celle que nous connaissons.

Pétez un câble !

 

Guy

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P.S. du 13 janvier
Nous lisons dans Le Soir du 26 novembre: « Climat: il faut quintupler les efforts, dit l’ONU » .

 

4 réflexions au sujet de « Deux mille vins? Il faudra… »

  • 15 janvier 2020 à 8h15
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    Ah! Oui, j’ai oublié, toute occupée que j’étais à chercher mes mots, bravo encore, hein, pour le piano!

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  • 15 janvier 2020 à 8h12
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    Bonjour Guy,
    Je suis, à 100 % d’accord avec vous…Et vous souhaiter une « bonne année » serait dérisoire car ça ne veut rien dire… Mais, pour le peu que je sais de vous, continuez longtemps d’alimenter ce blog dont il est peu d’équivalents, bien documenté, bien écrit, précis, et plein d’humour. Un régal, souvent.

    Oui, cherchons le bonheur, car c’est cela, le bonheur : le chercher. Reconnaissez avec moi que, nager dans le bonheur à perpétuité, serait une terrible condamnation. Telle est notre nature humaine, chercheuse, lutteuse, joyeuse et …. contradictoire.

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  • 14 janvier 2020 à 12h02
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    Bonjour Guy, Je te souhaite une très belle année de lutte et aussi de dérision…et tu joues bien du piano ? Super…..
    Le film qui dérange « le ramdam » à TOURNAI commence en fin de semaine; sur le site tu trouveras des films intéressants.
    Une grosse bise.
    Marlène

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    • 14 janvier 2020 à 13h40
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      Merci Marlène, oui, je « touche » le piano en amateur, sans partitions, uniquement des impros.

      Répondre

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