Je la croise et en même temps j’en entends un gueuler : « Nos morts! ». Il a dit quelque chose avant ou après, je ne sais plus, je sais que c’était mal intentionné.
Le vélo fait demi-tour, elle traverse avec ses deux petites filles. Elle porte un foulard, elle n’est pas sur la plage et de toutes façons ce n’est pas interdit dans la ville. Je regarde, même pas une robe, elle porte un pantalon un peu ample comme les filles en mettent en été.
– « Pardon Madame! »
Je lui demande si c’est après elle que le type en avait. Elle répond que oui, que ça n’a rien à voir (avec l’attentat). Je sais, je le lui dis et en même temps : « Je lis beaucoup et suis assez révolté de ce qu’on vous fait subir » et rajoute: «Tout le monde ne pense pas comme ça ». Puis: « Au revoir ».
Je poste ça, parce que souvent, et je le lisais encore dernièrement sur ce blog, les gens se demandent ce qu’ils peuvent faire.
La réponse n’est pas simple (elle devrait l’être mais elle ne l’est pas au vu des circonstances).
C’est le vélo qui a fait demi tour, je n’y suis pas pour grand chose, enfin si, je l’ai laissé faire.
Il a bien fait.
Luchino Visconti avait déjà mis ce monde (leur monde) en images dans son film Les Damnés.
Le film finit très mal, c’est un de mes films préféré, non pas parce qu’il finit mal mais parce qu’il est superbe.
Ce monde est finissant.
Et l’histoire finit mal; très bien, magnifique, merveilleux. Applaudissons!
Je fume leurs cigarettes, bois leur Coca, bouffe leur bouffe. Leurs antidépresseurs me rendent la vie supportable.
J’ai le mauvais goût d’appartenir à une génération finissante et je dépends de leurs allocations.
Mais j’ai lu des auteurs magnifiques (mes livres sont, un après, toujours dans des cartons), et j’aurai connu la vraie vie (voir le film d’Etcherelli, Élise ou la vraie vie).
C’est ça ou sombrer encore, de nouveau, le pessimisme ne sert à rien, j’ai expérimenté.
La liberté ne se reçoit pas, elle se prend (en 68 ils disaient quelque chose comme ça).
J’avais neuf ans en 68, j’ai été très mal éduqué 😉
Génération finissante aussi. Et même un peu plus sur la fin que la vôtre. Nous sommes nombreux dans la situation.
Parmi les auteurs magnifiques, Claude Simon évoque, se succédant dans le temps, plusieurs apocalypses. À chaque fois, c’est la même débâcle, à chaque fois, ce sont les mêmes qui gagnent et à chaque fois, les mêmes qui perdent. Les apocalypses finissent toujours par renaître de leurs cendres.
Pessimiste, moi? Allons donc! Les tomates et les mirabelles mûrissent dans les jardins, nous entasserons des pots de confitures et les petits enfants déposeront leurs chaussures au pied des sapins le 24 décembre au soir. En attendant le Grand Soir, ne restons pas, dans nos chambres, les yeux ouverts dans le noir en songeant à la prochaine apocalypse. Elle viendra, mais traitons-la par le mépris.
[Note de CB: Pierre vit à Nice]
Je la croise et en même temps j’en entends un gueuler : « Nos morts! ». Il a dit quelque chose avant ou après, je ne sais plus, je sais que c’était mal intentionné.
Le vélo fait demi-tour, elle traverse avec ses deux petites filles. Elle porte un foulard, elle n’est pas sur la plage et de toutes façons ce n’est pas interdit dans la ville. Je regarde, même pas une robe, elle porte un pantalon un peu ample comme les filles en mettent en été.
– « Pardon Madame! »
Je lui demande si c’est après elle que le type en avait. Elle répond que oui, que ça n’a rien à voir (avec l’attentat). Je sais, je le lui dis et en même temps : « Je lis beaucoup et suis assez révolté de ce qu’on vous fait subir » et rajoute: «Tout le monde ne pense pas comme ça ». Puis: « Au revoir ».
Je poste ça, parce que souvent, et je le lisais encore dernièrement sur ce blog, les gens se demandent ce qu’ils peuvent faire.
La réponse n’est pas simple (elle devrait l’être mais elle ne l’est pas au vu des circonstances).
C’est le vélo qui a fait demi tour, je n’y suis pas pour grand chose, enfin si, je l’ai laissé faire.
Il a bien fait.
Luchino Visconti avait déjà mis ce monde (leur monde) en images dans son film Les Damnés.
Le film finit très mal, c’est un de mes films préféré, non pas parce qu’il finit mal mais parce qu’il est superbe.
Ce monde est finissant.
Et l’histoire finit mal; très bien, magnifique, merveilleux. Applaudissons!
Je fume leurs cigarettes, bois leur Coca, bouffe leur bouffe. Leurs antidépresseurs me rendent la vie supportable.
J’ai le mauvais goût d’appartenir à une génération finissante et je dépends de leurs allocations.
Mais j’ai lu des auteurs magnifiques (mes livres sont, un après, toujours dans des cartons), et j’aurai connu la vraie vie (voir le film d’Etcherelli, Élise ou la vraie vie).
Je peux vivre, finir tout ça avec élégance, cette chose oubliée disparue. La preuve? https://www.youtube.com/watch?v=IzJlwWR_WHI
C’est ça ou sombrer encore, de nouveau, le pessimisme ne sert à rien, j’ai expérimenté.
La liberté ne se reçoit pas, elle se prend (en 68 ils disaient quelque chose comme ça).
J’avais neuf ans en 68, j’ai été très mal éduqué 😉
Génération finissante aussi. Et même un peu plus sur la fin que la vôtre. Nous sommes nombreux dans la situation.
Parmi les auteurs magnifiques, Claude Simon évoque, se succédant dans le temps, plusieurs apocalypses. À chaque fois, c’est la même débâcle, à chaque fois, ce sont les mêmes qui gagnent et à chaque fois, les mêmes qui perdent. Les apocalypses finissent toujours par renaître de leurs cendres.
Pessimiste, moi? Allons donc! Les tomates et les mirabelles mûrissent dans les jardins, nous entasserons des pots de confitures et les petits enfants déposeront leurs chaussures au pied des sapins le 24 décembre au soir. En attendant le Grand Soir, ne restons pas, dans nos chambres, les yeux ouverts dans le noir en songeant à la prochaine apocalypse. Elle viendra, mais traitons-la par le mépris.