Bonjour!
Je vous propose un long et intéressant article paru dans Le Monde (PDF joint): Odessa, histoire d’un mythe, par Emmanuel Grynszpan. L’article est daté du 15 avril, mais toutes les photos, pour la plupart manquantes dans le PDF, sont soigneusement légendées « mars 2022 ».
Une chose que j’y découvre est qu’à Odessa, des juifs ont accédé à des postes de responsabilité civile dès le XVIIIe siècle. Ils n’ont donc pas dû comme presque partout ailleurs en Europe, limiter leur goût pour l’étude à la Torah, …avant de passer à la science.
Je ne sais pas d’où je tiens depuis très longtemps cette ville pour un mythe du cosmopolitisme, où les enfants dans la rue parlent quatre ou cinq langues, ainsi qu’à Alexandrie avant les épurations récentes. Je me dis que peut-être seules des villes africaines se singularisent de la sorte aujourd’hui. Mais après avoir lu le premier tome des souvenirs d’Elias Canetti il y a peu, je me suis convaincu que beaucoup d’autres villes méconnues ont eu cette particularité :
Elias Jacques Canetti, fils d’une famille juive séfarade, naît en 1905 dans la ville de Roustchouk (actuellement Roussé) sur la rive sud du Danube en Bulgarie à la frontière roumaine. Ses parents, Jacques Elias (Elieser) Canetti et Mathilde née Arditti, sont issus tous deux de familles de commerçants juifs séfarades fortunés.
De nombreuses nationalités, ethnies et langues se croisaient dans cette région. Canetti lui-même, dans le premier tome de son autobiographie, le commente :« (…) et l’on pouvait entendre parler sept ou huit langues dans la journée. Hormis les Bulgares (…), il y avait beaucoup de Turcs (…) et, juste à côté, le quartier des séfarades espagnols, le nôtre. On rencontrait des Grecs, des Albanais, des Arméniens, des Tziganes. Les Roumains venaient de l’autre côté du Danube (…). Il y avait aussi des Russes, peu nombreux il est vrai. »
À la lumière de son œuvre, on comprend que cette multitude de cultures est symbolique d’un état d’esprit européen avant la lettre chez Canetti et a en fait présagé de son futur cursus culturel à travers l’Europe. La première langue qu’il parle en famille est l’espagnol des séfarades : le ladino.
J’ai lu les Contes d’Odessa d’Isaac Babel dans la quarantaine, mais il me semble que c’est chez Blaise Cendrars, parcouru en long et en large dans mes vingt ans, que j’ai découvert la légende de cette ville.
…Ô mémoire !
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PS: je joins aussi l’article du 10 mars, référencé sur cette page du Monde, un beau texte de l’écrivain français Camille de Toledo : « Odessa n’appartient pas seulement à l’Ukraine. Odessa, nous y sommes nés ou nous y renaîtrons un jour » (Ici aussi en PDF).