Alain Supiot est juriste du travail, théoricien et historien du droit, prof à Nantes, et depuis 2012, au Collège de France, à la chaire « État social et mondialisation : analyse juridique des solidarités. »
Un de ses cours de cette année est intitulé « Du gouvernement par les lois à la gouvernance par les nombres ». Sa pensée qui plonge dans l’histoire s’intéresse à la crête du mouvement présent. (Il a travaillé aux EU et en Italie et semble lire l’allemand aussi.)
J’ai commencé son avant-dernier livre, « L’esprit de Philadelphie. La justice sociale face au Marché total » , Paris, Seuil, 2010, 182 p., dont voici deux citations approximatives: Lire la suite
Les événements se précipitant, je me suis documenté sur la réforme des retraites que veut imposer Emmanuel Macron. Je livre ici une synthèse provisoire sur la question, que j’appelle « libre » en ce sens que je ne vais pas appuyer dans le texte chacun de mes dires par un lien. Je puise notamment dans des médias sur abonnement, Là-bas si j’y suis, Mediapart, Arrêt sur Images, qui tous mettent néanmoins, notez-le, certains textes ou émissions en accès libre. Je donne en vrac quelques sources parfois référencées au bas de ce billet. …C’est un destin incontournable, pour les Belges francophones, que de suivre de près ou de trop près l’état de notre voisin du sud. Et non sans raisons. Pour le mouvement social comme pour le nucléaire et d’autres sujets et pratiques, nous sommes sous influence.
Je livre ici quelques extraits d’une conversation à bâtons rompus. Qui échappa, je l’espère, aux bâtons de chaise.
(Les bâtons de chaise sont connus pour leur parole rugueuse et capricieuse, voire brutale, tandis que les bâtons rompus, comme la glace, et brisés, comme le silence, délivrent un discours de feu et de chaleur, excellant dans tous les registres. Seul leur échappe peut-être, à ces brillants causeurs, ce que l’on a dit de Mozart, dont la musique paraît-il habitait encore le soupir qui la suivait. …Mais une raison en était que le pauvre Wolfgang-Amadeus n’avait pas le temps de vieillir! Ce temps n’est jamais donné que faussement, comme à nous, à notre table à bâtons, où nous le payons au prix de la frivolité.
– Oh là. Attention… Mettons les parenthèses, et ne nous égarons pas!)
…
Quelle est la part des services dans le PIB? Banques et assurances comptent-elles parmi les services?Lire la suite
L’expression « burn-out » a tout du langage des motoristes et des artificiers. Elle indique l’épuisement complet du carburant. La fusée ou le pétard ont fait long feu.
Voilà un premier point.
Cet anglicisme recouvre un état proche de la notion psychologique plus ancienne de « décompensation » : épuisement, perte de repères, perte même du sens de l’identité. Pendant quelques jours le burn‑outé ou la burn‑outée ne savent plus vraiment qui ils sont.
Or voici que le burn-out a cessé d’être rare ou anglophone. Abandonnons les guillemets et les italiques, car chacun connaît désormais, et dans sa langue !, un cas de burn-out ou deux, rien n’indiquant la fin prochaine de cette extension du domaine de la chute.
Comme je suis fier de parler l’idiome dans lequel je suis tombé à la naissance, ce qui ne me donne aucun droit et n’a rien à voir avec la raison d’état, qu’elle soit de Hollanboma ou de Merkeloutine, comme je suis fier que 20.000 personnes au monde parlent le routoul…
J’écris ton nom, burnoutte. Le burnoutte.
Essayons une lecture provisoire.
Le burnoutte résulterait de deux réalités.
D’abord, il y la pression sur les travailleurs de tout niveau.
Par leur mise en concurrence, par les modes d’évaluation permanente et chiffrée, le ranking, par la modélisation des objectifs et des performances, par la normalisation des « compétences » qui exclut toute notion de savoir ou de savoir-faire (exclusion merveilleuse aussi dans le domaine des formations). Il y a tout ce processus, devenu omniprésent dans le monde du travail salarié, qu’Alain Supiot dissèque magistralement dans son livre L’esprit de Philadelphie.
Supiot nous dit que nous sommes passés du gouvernement par des lois à l’administration des choses. Les salariés de tout niveau sont traités comme des choses (et pas dans leur seule dimension de salariés !), et nous en sommes arrivés au « marché total » (d’autres parlent de la « marchandisation » de tous les aspects de la vie humaine et naturelle), dont le germe éclot d’après lui dès la campagne de Verdun. Du droit, il a une conception idéaliste et irénique (« qui croit en la paix universelle » ) qui me laisse sur ma faim, mais son analyse de l’évolution de la législation et des relations du travail me paraît tenir du scalpel autant que de l’orfèvrerie.
Deuxièmement.
Pour que les salariés en arrivent au burnoutte, qui signifie que l’effort porté contre soi-même a dépassé une limite très haute de dangerosité, il faut aussi que les enrichisseurs d’employeurs estiment ne pas pouvoir se soustraire à l’exigence qui leur est faite. Lire la suite
D’abord, est-ce que j’irai voter ?
C’est une vraie question. Souvent, je ne votais pas. Intuitivement, je ne le sentais pas. Et factuellement, voici juste un exemple. Chaque année pendant une décennie, à New York aux Nations-Unies, un type a voté en mon nom et contre l’Irak de Saddam Hussein, un embargo sur les médicaments qui tuait des milliers d’enfants saison après saison, sans rien retirer aux soins dont pouvaient bénéficier Saddam et sa clique. Le type qui votait en mon nom à New York le savait, bien sûr, et, de façon tout aussi banale, on ne m’a jamais demandé mon avis.
Le 25 mai, je ne voterai pas pour que PTB-go me représente. Je voterai pour dire toutes mes réserves sur la représentation telle qu’elle fonctionne. Et le dire autrement qu’en restant chez moi, parce que je commence à avoir des fourmis dans les jambes avec tous ces élus qui agissent sans mandat.
Il y a en Belgique comme dans toute l’Europe, de plus en plus de gens qui vivent mal et qui redoutent le lendemain ou la fin du mois. Et parmi eux, alors que dans leur entourage proche, dans leur famille ou parmi leurs collègues quand ils en ont encore, certains choisissent l’extrême-droite, malgré cela un nombre croissant de ceux qui paient cash l’injustice, voteront pour un parti à la gauche de l’éventail électoral. Chapeau !
Le 25 mai, je ne voterai pas PTB-go. Je voterai avec ces gens-là.
Les élections, c’est comme le football. Lire la suite