Erri De Luca: Notre mer qui n’es pas aux cieux, prière laïque

Erri_De_Luca__pecheurs&migrantsBonjour!

 

Voici Mare nostro, une prière laïque d’Erri De Luca.
Elle se trouve sur son site, avec une traduction anglaise : Mare Nostro Our Father Sea, et il l’a prononcée à la télévision, à l’émission Piazzapulita (« un coup de balai ») de la chaîne La7 Attualità, le 19 avril, au lendemain de la mort en Méditerranée de plus de 800 migrants.
Ci-dessous, avec une traduction établie d’après celle d’Eugénio Populin, parue sur son blog Mediapart, et celle d’Olivier Favier sur son site Dormira jamais.

Mare nostro che non sei nei cieli e abbracci i confini dell’isola e del mondo,sia benedetto il tuo sale,

sia benedetto il tuo fondale.

Accogli le gremite imbarcazioni

senza una strada sopra le tue onde,

i pescatori usciti nella notte,

le loro reti tra le tue creature,

che tornano al mattino con la pesca

dei naufraghi salvati.

 

Mare nostro che non sei nei cieli,

all’alba sei colore del frumento,

al tramonto dell’uva di vendemmia,

ti abbiamo seminato di annegati

più di qualunque età delle tempeste.

 

Mare nostro che non sei nei cieli

tu sei più giusto della terraferma,

pure quando sollevi onde a muraglia

poi le abbassi a tappeto.

Custodisci le vite, le visite cadute

come foglie sul viale,

fai da autunno per loro,

da carezza, da abbraccio e bacio in fronte

di madre e padre prima di partire.

;

 Notre mer qui n’es pas aux cieux et embrasses les frontières de l’île et du monde,que ton sel soit béni,

que ton fond soit béni.

Accueille les embarcations bondées

sans aucune route sur tes vagues,

les pêcheurs sortis dans la nuit,

leurs filets parmi tes créatures,

qui rentrent au matin avec leur pêche

de naufragés sauvés.

 

Notre mer qui n’es pas aux cieux

à l’aube tu es couleur de blé,

au couchant du raisin des vendanges,

nous t’avons semée de noyés

plus que n’importe quel âge des tempêtes.

 

Notre mer qui n’es pas aux cieux

tu es plus juste que la terre ferme,

même quand tu soulèves des murs de vagues

puis les abats en tapis.

Préserve les vies, les visites tombées

comme des feuilles sur l’allée,

sois-leur un automne,

une caresse, une embrassade et un baiser sur le front,

de père et mère avant de partir.

Tafta-Ttip, petit rappel en trois minutes pour une bonne semaine

 

Bonjour!

J’ai déjà parlé ici et du projet de Traité transatlantique, qui comme le serpent des mers porte toutes sortes de noms, mais dont, à la différence de ce dernier, on connaît et l’ADN et la date de naissance présumée. L’adn aussi, acte de naissance, est déjà écrit.

Voyez ci-dessus un petit rappel qui ne manque pas de rythme.
Il est dû à l’équipe de datagueule, une série de micro-« web émissions » produite par France 4, dont le premier numéro date de juin 2014.

 

Bonne semaine !

 

Guy

 

Notes Lire la suite

« Burnoutte », de l’anglo-américain burn-out, subst. masc., lecture provisoire

Théodore_Géricault_-_L'Aliéné
Théodore Géricault, L’Aliéné

L’expression « burn-out » a tout du langage des motoristes et des artificiers. Elle indique l’épuisement complet du carburant. La fusée ou le pétard ont fait long feu.
Voilà un premier point.
Cet anglicisme recouvre un état proche de la notion psychologique plus ancienne de « décompensation » : épuisement, perte de repères, perte même du sens de l’identité. Pendant quelques jours le burn‑outé ou la burn‑outée ne savent plus vraiment qui ils sont.
Or voici que le burn-out a cessé d’être rare ou anglophone. Abandonnons les guillemets et les italiques, car chacun connaît désormais, et dans sa langue !, un cas de burn-out ou deux, rien n’indiquant la fin prochaine de cette extension du domaine de la chute.
Comme je suis fier de parler l’idiome dans lequel je suis tombé à la naissance, ce qui ne me donne aucun droit et n’a rien à voir avec la raison d’état, qu’elle soit de Hollanboma ou de Merkeloutine, comme je suis fier que 20.000 personnes au monde parlent le routoul
J’écris ton nom, burnoutte.
Le burnoutte.

Essayons une lecture provisoire.
Le burnoutte résulterait de deux réalités.

D’abord, il y la pression sur les travailleurs de tout niveau.
Par­ leur mise en concurrence, par les modes d’évaluation permanente et chiffrée, le ranking, par la modélisation des objectifs et des performances, par la normalisation des « compétences » qui exclut toute notion de savoir ou de savoir-faire (exclusion merveilleuse aussi dans le domaine des formations). Il y a tout ce processus, devenu omniprésent dans le monde du travail salarié, qu’Alain Supiot dissèque magistralement dans son livre L’esprit de Philadelphie.
Supiot nous dit que nous sommes passés du gouvernement par des lois à l’administration des choses. Les salariés de tout niveau sont traités comme des choses (et pas dans leur seule dimension de salariés !), et nous en sommes arrivés au « marché total » (d’autres parlent de la « marchandisation » de tous les aspects de la vie humaine et naturelle), dont le germe éclot d’après lui dès la campagne de Verdun. Du droit, il a une conception idéaliste et irénique (« qui croit en la paix universelle » ) qui me laisse sur ma faim, mais son analyse de l’évolution de la législation et des relations du travail me paraît tenir du scalpel autant que de l’orfèvrerie.

Deuxièmement.
Pour que les salariés en arrivent au burnoutte, qui signifie que l’effort porté contre soi-même a dépassé une limite très haute de dangerosité, il faut aussi que les enrichisseurs d’employeurs estiment ne pas pouvoir se soustraire à l’exigence qui leur est faite. Lire la suite

Royaume-Uni: Salauds de pauvres !

 

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Fois quinze, en quatre ans!
Le graphique ci-dessus, riche promesse d’avenir, nous est donné dans un article du Monde du 7 avril, intitulé « Malgré la reprise économique, le Royaume-Uni touché par la faim ».

On se demande bien ce que reprise économique veut dire quand on voit ces chiffres! La langue journalistique ou économique est un mystère.

Pour faire bref, voici trois sous-titres de ce texte: « Sans revenus du jour au lendemain », Au moins 2 millions de Britanniques mal nourris, et Une politique « punitive » dirigée  « contre les pauvres », sous lequel nous lisons:

l’invraisemblable augmentation de la pauvreté Outre-Manche depuis quelques mois trouve aussi ses origines dans le « Welfare Reform Act 2012 », la réforme d’ampleur de la protection sociale initiée par le gouvernement conservateur de David Cameron. Le journaliste et économiste Stewart Lansley, coauteur d’un essai intitulé Breadline Britain: the Rise of Mass Poverty (« La Grande-Bretagne sous le seuil de pauvreté : la montée de la pauvreté de masse ») évoque une politique « punitive » dirigée « contre les pauvres, et non contre la pauvreté »

David Cameron? Ah oui, ce jeune homme de bonne famille! Le pote de notre premier ministre, lui aussi fils de!
Ils sont en avance sur nous, les Britanniques, et ils en ont fait du chemin, depuis Margaret Thatcher. Lire la suite