Biodiversité : Vers une sixième extinction de masse ? – Par Bruno David, du Muséum d’Histoire naturelle

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Bonjour!

 

Bruno David est le directeur du Muséum d’histoire naturelle de Paris.
Ancien chercheur au CNRS, d’une formation initiale en géologie, il est passé à la biologie et à la paléontologie, et publie cette année  À l’aube de la 6e extinction : comment habiter la Terre, aux éditions Grasset.

Je découvre Greenletter Club, « la chaîne qui décortique les grand sujets écologiques« .
Elle me paraît faire appel, sur chaque sujet traité, à de fins spécialistes.
Jugeons-en par cet entretien, en nous rappelant que le réchauffement du climat, qui est désormais un sujet impossible à négliger (bien qu’il y ait des artistes humains de l’impossible, en vérité au bord de la pathologie mentale), n’est que l’un des deux aspects de la destruction en cours. Le deuxième, tout aussi dangereux pour la vie humaine sur terre (et pas qu’humaine), est la destruction du vivant, soit l’atteinte à la biodiversité, en cours sur notre planète à une vitesse jamais vue dans les temps géologiques.
Et c’est bien homo sapiens à la manoeuvre, homo sapiens Uber Alles, démesure et cupidité assassines et suicidaires, au secours.
…D’accord, j’arrête, et je reviens au ton factuel et rationnel de mise ici. Hem.

1.

Vers la minute 9:40, Bruno David nous présente une remise en perspective de la disparition des dinosaures : la météorite géante est bien tombée lors de leur fin, mais leur disparition avait déjà commencé. Sinon les couches géologiques de l’époque seraient remplies de fossiles de dinosaures (10:48), …et ce n’est pas le cas ! La couche sédimentaire est vide, car en réalité l’extinction des dinosaures était entamée depuis cinq millions d’années…
Les extinctions du passé n’ont jamais été brutales, n’ont jamais été des hécatombes, mais un phénomène progressif. Et c’est cela qui est inquiétant aujourd’hui, entre autres facteurs.
S’agissant des dinosaures, précisons (CB) qu’une de leurs « classes » a survécu, donnant aujourd’hui les oiseaux. Les dinosaures disparus sont donc appelés non aviens.

Deux remarques parmi ces autres facteurs:
1. C’est une espèce vivante, la nôtre, qui est à l’origine de l’évolution en cours, toujours multifactorielle. (12:00)
2. La diminution de l’abondance du vivant (nombres d’individus par espèce, le nombre d’espèces étant défini par les spécialistes comme la richesse du vivant) se fait aujourd’hui à une vitesse jamais vue dans les extinctions anciennes: 100 à 1.000 fois plus vite.

2.

15:44  Qu’est-ce au fait que la biodiversité?  Il y a plusieurs façons d’en parler.

  • Combien d’espèces coexistent? C’est la vision la plus spontanée, dite richesse. Par exemple, le maïs mondial repose aujourd’hui sur deux espèces. Il y a cinquante ans, un seul village mexicain en cultivait vingt.
  • Cependant les abondances de chaque espèce, et leurs valeurs relatives, comptent aussi: voir la différence entre un bosquet de 100 arbres dont 10 espèces, avec chaque espèce représentée par 10 arbres, et un bosquet de même taille et composition, mais où 1 espèce compterait pour 91, et où les 9 autres espèces compteraient avec seulement 1 représentant.
  • On peut aussi peser les espèces. Voir en note.
  • Les gènes comptent aussi: quelle est la diversité génétique au sein de chaque espèce: l’ADN de l’espèce humaine compte 3 milliards de bases (les barreaux de sa double hélice), mais la tulipe, …34 milliards, 11 fois plus.
    Les représentants d’une espèce enfermés dans un périmètre fragmenté du territoire (routes, déforestations, …) ne présenteront pas toute la variabilité génétique de l’espèce entière, et pourraient tout simplement disparaître dans cet isolat territorial lorsque les conditions climatiques et autres se modifient.
  • Enfin, on peut observer les relations et dépendances entre espèces : les écosystèmes.

Tous ces points de vue éclairent différemment la notion de biodiversité.

3.

30:20 Comment les animaux, en tant qu’espèces, peuvent-ils migrer, ou pas, en réponse au changement climatique qui déplace leurs conditions optimales d’habitat.
Les papillons comme espèce migrent plus vite que les oiseaux.
Il y a des disjonctions d’aire si la nouvelle aire favorable à une espèce se déplace plus vite que ses capacités de migration: le chêne ne migre pas très loin en une génération, car les écureuils ne dispersent pas très loin les glands – et une génération de chêne, c’est un peu plus long qu’une génération de papillon…  [Note personnelle: la pyrale du buis, papillon asiatique dont les chenilles se nourrissent exclusivement de feuilles de buis, connaît deux à trois générations par an.]

4.

38:40 Cinq causes de l’effondrement de la biodiversité actuelle sont bien connues, toutes induites par l’activité d’homo sapiens:

  1. l’utilisation des sols, leur fragmentation (très important !) et leur artificialisation (En France : la surface d’un département tous les sept ou huit ans, soit un terrain de football par cinq à sept minutes – 18:38)
  2. la pollution,
  3. le déplacement d’espèces potentiellement invasives,
  4. la surexploitation des ressources notamment la pêche marine,
  5. le climat.

40:30  La pêche et la chaîne alimentaire. Dans le domaine terrestre, nous ne mangeons que de l’herbe (des végétaux) et des herbivores. Dans le domaine marin, nous mangeons des carnivores jusqu’à des carnivores de niveau 2, qui se nourrissent eux-mêmes de carnivores. C’est beaucoup plus prédateur sur les ressources.

5.

47:10 Grande méconnaissance de la nature par les élites, formées à autre chose dans les grandes écoles, ce qui pour Bruno David est « presque inadmissible » . « L’histoire naturelle ne fait pas partie des exigibles dans la culture en France, (…) comme dans l’ensemble des pays latins » . Si la prise de conscience de la question de la biodiversité, première étape avant l’action, progresse actuellement, il lui paraît certain que le libéralisme et la mondialisation, « c’est certain que ce n’est pas bon pour la biodiversité. (…) Il faut des régulations » . Les composantes d’un jeans acheté en Europe ont parcouru 50.000 kilomètres. C’est une absurdité à laquelle il faut mettre un frein.

6. …et fin (de l’entretien)

Bruno David termine par un appel aux petits gestes des individus… Ce qui n’est pas vraiment la tasse de thé de Condroz belge.

En atteste mon billet suivant que je termine justement (la vie est bien faite ! ??) :

Mickaël Correia : “Il y a des crimes climatiques, donc il y a des criminels

 

*    *    *    *

Note :

Comment peser la biodiversité sur terre ?

Les scientifiques recourent au poids carbone : on dessèche le vivant et on pèse le poids carbone.

Alors, que donnent les chiffres?

Le total terrestre : 550 milliards de tonnes.

  1. Les plantes : 450.
  2. Les bactéries : 80.
  3. Les champignons : 12 milliards de tonnes
  4. Les animaux : 2.
    Deux milliards de tonnes sur cinq cent cinquante. Soit 0,36% du vivant.

    Ceci indique à quel point les animaux, dont homo sapiens, nous donc, sommes tout petits dans la vie sur terre, et à quel point il serait illusoire que la destruction des insectes ou des lombrics sur cette planète pourrait nous laisser indemnes…

Chez les animaux, ce sont

  1. (5.) les arthropodes – insectes, arachnides, myriapodes – qui arrivent en tête : 1 milliard de tonnes
  2. (6.) suivis par les poissons : 700 millions de tonnes,
  3. (7.) puis à égalité, les mollusques et les annélides – les vers – : 200 millions de tonnes chacun.
  4. (8.) Les animaux domestiques : 100 millions de tonnes. 14,5 fois l’ensemble des mammifères sauvages.
  5. (9.) Homo sapiens : un peu plus de la moitié des mammifères domestiques, 60 millions de tonnes, soit 8,5 fois les mammifères sauvages. Autrement dit, 0.01% du vivant sur cette planète.
  6. (10.) Les mammifères sauvages : 7 millions de tonnes.
  7. (11.) Les oiseaux sauvages : 2 millions de tonnes.

Source : https://www.larecherche.fr/edito/le-poids-du-vivant.

Une réflexion au sujet de « Biodiversité : Vers une sixième extinction de masse ? – Par Bruno David, du Muséum d’Histoire naturelle »

  • 12 juin 2024 à 9h32
    Permalink

    Merci Guy,
    Vraiment génial d’avoir fait ce travail, dont je viens de profiter.
    N’en ferions-nous pas un article pour le prochain périodique ?

    Eric

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