Des fraises à Rostock

Rostock Heiligendamm – G8 – 06.06.2007

 

Bonjour!

La nature est magnifique en ce moment.
À Rostock aussi.
Les moissons lèvent, les forêts prospèrent.
Le vert des frondaisons est inimitablement pur et profond au mois de juin.

Avec cela, policier n’est décidément pas un métier comme les autres.
Mais combien utile! Pensez que sans eux, Poutine, Bush et consorts [dans leur G8] entendraient des cris à leurs fenêtres, ce serait évidemment inacceptable.

J’ai reçu un courrier du CADTM: « Les autorités allemandes ont utilisé des dispositions légales prises contre les hooligans au cours des dernières années (suite aux violences lors de matchs de football) et les ont appliquées à des manifestants politiques et pacifiques. » (On ne parle pas ici des deux mille membres de « black blocks » venus jusque du Japon pour en découdre.) « Sur les 1.100 arrestations auxquelles les autorités ont procédé, il semblerait que moins de 10 débouchent sur des poursuites. Cela paraît montrer que les autorités ont adopté une politique visant à empêcher un exercice normal des droits démocratiques. »

À Rostock donc, des milliers de flics en tenue mi-moyenâgeuse, mi-futuriste, tentent par leur nombre et leurs équipements de contenir la foule bigarrée des contestataires. C’est plein de jeunes, il y en a donc encore qui font autre chose que soldat dans la guerre économique, et il y a aussi quelques vieux de mon âge. J’ai vu ça dans un reportage photographique sur le blocage de la porte 2 de la zone dite « rouge ». Les policiers et les militaires, comme les politiciens belges, aiment bien l’usage des couleurs pour simplifier l’étiquetage. Ça repose.

Je ne suis pas mécontent que des anonymes bravent le manque de sommeil et les intempéries, parfois les auto-pompes, pour défendre pacifiquement une démocratie d’en-bas en laquelle je me reconnais. Je me souviens qu’à Seattle en 1999 ces gens-là, que la société bien-pensante ne prend pas au sérieux, ont mis en échec le Millenium Round de l’OMC, Organisation Commerciale du Monde, aujourd’hui dirigée par un socialiste français, Pascal Lamy. Un socialiste qui dirige l’OMC, ça devrait convaincre les protestataires qu’ils sont ringards, et que la modernité, c’est la fin de l’histoire, pour ne rien dire de la fin de la lutte des classes. Las, le slogan « Tous humains, tous copains », surtout lorsqu’il est asséné de ces tribunes-là, est une pédagogie qui ne réussit pas avec tout le monde.

*

Voter le 10 juin ne suffit pas vraiment au citoyen que je suis, dans un pays où la politique-spectacle et la marchandisation ont tout gangrené.
J’exagère? Voici un exemple entre mille. Dans l’école où je travaille, l’argent public finance l’éclairage des faces avant des distributeurs frigorifiques Coca-Cola et Danone, présents à l’intérieur de l’établissement (une présence qui en soi pose déjà une sacrée question). Deux tubes néon de 60 watts n’y servent à rien d’autre qu’assurer la publicité de ces multinationales, et à alourdir un peu la facture du refroidissement des précieux berlingots et canettes, puisque même des néons, ça chauffe. Ça coûtait 2.500 francs, soit 60 euros, par an et par distributeur en 1995, quand j’étais trésorier-adjoint de l’amicale (qui court après l’argent), et que je les avais débranchés. Comptez cent aujourd’hui.
Le monde progresse vers sa vérité marchande.

De temps en temps je vote donc avec mes pieds: une manif, ou avec mes mains: écrire un texte. Et par un achat: made in dignity, ou par un refus: fini les fraises espagnoles. D’autres fois, par un don.
Je préférerais m’occuper de mon jardin, mais le monde ne me laisse pas le choix.
L’arrestation sans explication ni poursuite, pour plusieurs jours, de quelques Belges à Rostock, m’a encore obligé d’écrire une lettre à l’ambassadeur de Belgique à Berlin. Réponse: « L’ambassade est en contact constant avec les autorités allemandes à Rostock ».
Chouette.

J’ai quand même versé un peu d’argent à Indymedia Deutschland, affilié allemand d’un large réseau de presse militante, présent aussi à Liège, à Bruxelles et un peu partout dans le monde. La presse « moyenne » (« main-stream ») n’est plus vraiment un contre-pouvoir.
Il leur manquait 11.000 euros au 21 mai pour assurer les activités du Mediacenter à Rostock. Je ne sais s’ils les ont récoltés, mais je ne crois pas qu’ils aient budgétisé les menus objets cassés par la police. Ici bien tranquillement, on peut débrancher un néon inutile ou nuisible et leur verser une obole.

À plus !

Guy

Sang et CO2 à Bierset

(Article publié originellement sur acontrecourant.be)

 

« Un rapport réalisé il y a peu par un groupe d’ONG des Pays-Bas (United Civilians for Peace, UCP) indique que 90% des fleurs exportées par Israël sont exportées vers les Pays Bas avant d’être vendues au reste du monde. Selon ce même rapport, on compte environ deux vols de nuit par semaine vers le Luxembourg et dix vols de nuit par semaine vers l’aéroport de Liège, centre principal de transport aéronautique des produits d’Israël vers l’UE. »« La compagnie aérienne israélienne Cargo Air Line (CAL) ainsi que TNT (compagnie hollandaise qui, selon le rapport cité plus haut, entretient des liens avec les entreprises installées dans les colonies d’Israël) se sont installées très tôt à Bierset, où elles ont pu profiter de normes moins sévères qu’à Schiphol aux Pays-Bas. »(in Le commerce fructueux de l’exploitation, de l’expropriation et du vol http://www.radioairlibre.be//infos/Agrexco-Israel.htm)

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Le directeur de Liège-Bierset adore son boulot. Dans un organe de la presse gratuite (la mal nommée), son sourire en couverture, il dit sa fierté de « travailler pour l’avenir de sa région ».

Il n’est pas le premier à confondre le court terme avec l’avenir, ni ses fins de mois personnelles avec la prospérité collective.

Vous avez remarqué comme les hommes d’affaires aiment se prendre pour des visionnaires, alors que la négation, qui se dit en leur langue « externalisation », celle des coûts, des problèmes et des concepts, est au coeur de leur pratique quotidienne et de leurs relations avec l’environnement, qu’il soit naturel ou social ?

Pendant combien d’années croyez-vous que de leur côté les affairistes publics wallons, maîtres d’oeuvre à Bierset, vont réussir à favoriser et imposer cette hérésie économique, politique, éthique et environnementale : avions chaque nuit pour les fleurs et fruits d’Israël, produits là-bas dans un des derniers États coloniaux de la planète, en une économie de rapine guerrière et théocratique, et en violation du droit international ?

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« Agrexco appartient pour 50% à l’État israélien et tous les produits exportés [des colonies] de la Vallée du Jourdain sont emballés et vendus par eux. »

« (…) certains produits israéliens sont emballés en France ou en Suisse par Delhaize, Carrefour, Auchan, Monoprix, Intermarché ou Leclerc (jus de fruits Jaffaden), etc. avec un code barre français. »

« (…) L’exportation par Agrexco de marchandises provenant des colonies de Cisjordanie sont illégalement vendues en tant que « Produits d’Israël », tirant ainsi bénéfice des termes de l’échange préférentiel que l’Europe accorde aux importations israéliennes. »

« Les produits sont labellisés CARMEL, JAFFA ou STAR RUBY »

(Dans Apartheid et Agrexco dans la Vallée du Jourdain http://www.ism-suisse.org/news/article.php ?id=3769&type=campagne)

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Les mains humiliées des cueilleurs sont couvertes de sang et le circuit de livraison est opaque : les participants à ce commerce d’avenir n’ont pas le courage d’afficher l’origine des produits. Au Delhaize, les avocats Carmel sont présentés dans des cartons espagnols, comme nombre de produits Agrexco en Europe. La traçabilité est brouillée et les fleurs seront en général vendues comme provenant des Pays-Bas : après la fable des Israéliens faisant pousser des oranges dans le désert, voici celle des Hollandais produisant des oeillets sous la neige.

À Bierset, une débauche d’aides publiques pas très regardantes pousse haut le coût public de l’emploi privé. Luc Misson, avocat des riverains, l’évaluait en 2004 et au bas mot, à 11.357.183 francs (281.500 euros) par unité. Mais le double est probable !

« – Le 20 juillet 2000, le Gouvernement wallon déclarait évaluer les dépenses à 18,5 milliards de francs belges. »

« – En mars 2003, la SOWAER qui assume cette mission actuellement, évalue les dépenses à 27 milliards de francs belges. »

« – L’évaluation a donc augmenté de 46 % en 3 ans. Il est généralement avancé par les autorités wallonnes que le développement et l’équipement de l’aéroport de Bierset coûtera 20 milliards de francs belges. 10 fois le budget annoncé en 1996 ! Pourtant nombreux sont ceux qui pensent qu’au total l’équipement de l’aéroport, les rachats et les insonorisations coûteront plus de 40 milliards de francs belges. »

« Nous pensons qu’on sera en bout de course plus près des 40 milliards que des 20 milliards annoncés mais le démontrer demanderait trop de développements. »

« Si même l’investissement public devait se limiter à 20 milliards, il faudrait de toute manière en conclure qu’à Bierset pour créer 1.761 emplois (souvent de mauvaise qualité), on dépenserait 11.357.183 francs par emploi créé. »

Et encore faut-il y ajouter un coût, qui n’est pas seulement économique, infligé aux riverains eux-mêmes.

Résumé:

1, 2, 3
* Cologne ne voulait plus de TNT.
* Schiphol est trop exigeant.
* Bierset accueille les nuisances, à l’unanimité de trois vieux partis, par l’odeur alléchés.

4, 5
* Des chômeurs acceptent des temps partiels de nuit, pour les fuir dès que possible : un tiers des ouvriers quittent TNT chaque année. (rapport Misson ci-dessus)
* En provenance de colonies d’Israël, illégal, camouflé, nocturne, honteux, polluant, bruyant, s’ensuit un transport de produits valant leur poids de sang, d’humiliation et de CO2.

et 6
* Ce que les électeurs n’auront pas la sagesse de refuser dans une saine prévoyance, le tarissement du pétrole à bon marché et la panique climatique l’imposeront dans la douleur.