Les travailleurs pauvres en Allemagne

Dominique Méda, sociologue et philosophe

 

Bonjour!

Vous avez remarqué que je fais du Germany bashing? Mon dossier à charge chez les bien-pensants s’alourdit donc ici, après mon dernier billet, le précédent, et quelques autres!

Je me suis toujours méfié des vertus officielles et claironnées par les pouvoirs, et dans le cas de la vertueuse Allemagne, disons celle d’Angela Merkel pour faire image, et tueuse de quoi me demande mon cerveau droit, il faut dire que la vertu est bien mal vêtue. La vertu allemande me donne bien des arguments.

Une autre raison de jeter un regard critique sur la Deutschland GmbH, comme on dit les USA Limited, et là mon cerveau droit me demande: limité en quoi, une autre raison d’ouvrir les yeux avec circonspection réside dans, outre le fait premier que nous aimons l’intelligence, ce deuxième fait qu’en ce moment la politique d’Emmanuel Macron concrétise en les épanouissant ses promesses de campagne, et ce troisième fait qu’avec quelques autres la législation allemande du marché du travail est un modèle pour Emmanuel. Vous avez demandé du Macron? Vous aurez du Merkel.

Le modèle allemand mérite un examen très sérieux. Il fige une construction européenne mortifère pour les peuples, ce qui est déjà fort clair pour les pays en difficulté, et va le devenir de plus en plus pour les autres, en priorité pour ceux qui se donneront des dirigeants plus conformes à la modernité, hein Macron, …des affaires. (**)
En attendant que les crispations Deutschland GmbH rendent impossible la continuation de l’euro et de la dite Union.

…Le sujet du jour, c’est un court extrait, de 33 secondes, du passage de la sociologue française Dominique Méda sur les ondes de France Inter:

– Le taux de pauvreté des salariés en Allemagne est de 23 %, contre 8 par exemple en France. C’est énorme, c’est tragique, et bien entendu c’est très largement « pas vu à la télé » . Rappelons que les sociologues avaient dû créer la catégorie de « travailleurs pauvres » pour désigner des gens qui, bien qu’ayant du travail à temps plein (souvent deux ou trois temps partiels) n’échappaient néanmoins pas à la pauvreté, par exemple en n’arrivant pas à un logement correct et logeant dans une voiture ou une caravane. Au début, la notion servait essentiellement, parmi les pays riches, aux États-Unis, et c’était un scandale qui ne s’ébruitait guère au-delà des murs des universités. Depuis quelques décennies, les travailleurs pauvres existent aussi dans les pays européens même riches. Je n’ai pas sous la main les résultats d’une enquête qui chiffre en Allemagne la proportion d’enfants pauvres, ne disposant pas, soit d’un repas chaud par jour, soit de deux paires de chaussures, mais je peux vous assurer que le chiffre est horrible, et que c’est à se demander à quoi sert, et à qui sert, le formidable enrichissement matériel de nos sociétés.

– L’Allemagne a-t-elle créé des emplois? Oui. Quatre millions, entre 1994 et 2014. Mais, précise Dominique: avec une masse inchangée de 58 milliards d’heures de travail par an.
Comment on fait ça? …Forcément, avec des emplois partiels.
Les employés à temps partiel échappent donc à la statistique des chômeurs, alors qu’ils sont chômeurs à temps partiel.
100 % des travailleurs à 50% de travail partiel, qui font 50 % de chômage arithmétique,  feraient 0 % de chômage dans les statistiques officielles et dans votre journal préféré. N’est-ce pas merveilleux?

À demi-vide, ce verre-là est toujours plein. Nous sommes dans la propagande.

 

 

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Note
(**) A contrario le Portugal a rompu avec les prescriptions austéritaires de l’UE, tout en recevant un accessit de la Commission, grâce à une croissance remarquable et surtout (du point de vue des troïkards) en satisfaisant à la norme des traités sur le déficit budgétaire.
Le Portugal est dirigé par un gouvernement socialiste minoritaire, appuyé au coup par coup par une opposition de gauche en mesure de lui donner la majorité. Les communistes et le bloc de gauche, au final, pilotent le navire vers leurs objectifs prioritaires: relèvement des minima sociaux et des retraites, préservation de l’emploi public, préservation du système de santé…
Le Portugal est sans exemple dans l’Union. Et bien entendu, pas « vu à la télévision »!
Une piste pour le PTB, Paul Magnette?

Heureux les pauvres! – RFA, Teresa, USA, Macron, ça n’en finit pas

Bonjour!

 

Mère Teresa disait que les pauvres (en acceptant leur sort) nous donnent une grande et salutaire leçon d’humilité.

L’économiste canadien devenu étasunien, John Kenneth Galbraith, écrivait en 1985 un bref article sur les idéologies de la richesse, intitulé « L’art d’ignorer les pauvres ».
Cet « art » est immémorial. Aussi vieux que la pauvreté.

Aujourd’hui, quand vous entendez « responsabilité individuelle », vous gagnerez du temps dans votre compréhension du monde en traduisant sans barguigner par: « les miséreux sont responsables de leur misère ».

Exemple.
En Allemagne, la casse sociale des lois Hartz a été opérée par le SPD et les Verts, deux partis supposés à gauche de celui d’Angela Merkel. Ça passe mieux avec ces gens-là au pouvoir.
Ci-dessous un florilège bien représentatif de l’idéologie des élites allemandes.
Mais pas que des élites, car la domination est aussi dans la tête des dominés.
Et pas qu’allemandes, car les lois Harz font rêver les élites françaises et Macron s’en inspire dans son détricotage du code du travail.
Ces citations sont extraites du Monde Diplomatique qui, dans son édition du mois de septembre, propose un voyage au pays du chômage germanique, sous le titre « L’enfer du miracle allemand »:

 

Heureux les pauvres

«Celui qui peut travailler, mais ne veut pas, n’a aucun droit à la solidarité. Il n’y a pas de droit à la paresse dans notre société. »
Le chancelier Gerhard Schröder interviewé par Bild, 6 avril 2001

« Les coûts salariaux ont atteint un niveau qui n’est plus supportable pour les salariés et qui empêche les employeurs de créer de l’activité. (…) Nous allons devoir couper dans les dépenses de l’État, encourager la responsabilité individuelle et exiger plus d’efforts de la part de chacun. »
Gerhard Schröder, discours au Bundestag, 14 mars 2003

« La misère, ce n’est pas la pauvreté du porte-monnaie, mais la pauvreté de l’esprit. Les classes inférieures ne manquent pas d’argent, elles manquent de culture. (…) La pauvreté découle de leur comportement, c’est une conséquence de la sous-culture. »
Walter Wüllenweber, éditorialiste, Stern, 16 décembre 2004

« La pauvreté n’est pas qu’une question d’argent. ( ) Ce qui compte pour une famille, c’est de bien savoir dépenser son argent. (…) Un repas dans un fast-food est non seulement moins bon pour la santé, mais aussi plus coûteux qu’un ragoût avec des légumes de saison. »
Renate Schmidt, ministre fédérale de la famille (Parti social-démocrate, SPD), Bild am Sonntag, 27 février 2005 Lire la suite

Mélenchoniste, poujadiste

 

 

– Bonjour monsieur Pujadas, je vous remercie de m’avoir invité.
Cependant, permettez-moi de faire d’abord une remarque.

Il y a que je vous trouve désobligeant lorsque vous dites « mélenchoniste ».
…Oui, je vous trouve subrepticement et fermement désobligeant lorsque vous dites « mélenchoniste ».
Bien sûr, je peux me tromper.
Mais si « mélenchoniste » n’a rien de désobligeant, tant mieux ! Je pourrai alors vous nommer pujadiste, ce qui se prononce poujadiste.
Merci donc, monsieur le poujadiste, je vous remercie de m’avoir invité.
…Quelle est la question ?

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Voici, d’après mon voisin Claudy, le meilleur clip officiel de Jean-Luc Mélenchon (1 minute 32):

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Et voici celui après lequel ma mère a décidé de voter pour lui:

L’Obs …olète, d’André Gorz à Emmanuel Macron

Bonjour!

Quel désastre que celui de la presse, quel désastre que celui de la gauche de gouvernement, l’abandonneuse des classes populaires.

Tandis que Libération, fondé en 1973 « sous l’égide de » Jean-Paul Sartre, ô j’hallucine, qui connut de remarquables conflits sociaux, est devenu le journal d’un milliardaire (Patrick Drahi) de l’argent roi, et se trouve dirigé par l’enfumeur Laurent Joffrin, petit marquis ayatollesque et mercenaire du cirage de pompes oligarchiques, avec quelques journalistes acquis à cette cause et d’autres qui vaille que vaille tentent de maintenir une ligne progressiste, pendant ce temps dis-je, que devient le Nouvel Obs co-fondé en 1950 par le lumineux et visionnaire André Gorz, né Gerhart Horst et se faisant alors appeler Michel Bosquet, par francisation de son nom de naissance, qu’est devenu le Nouvel Obs, nom familier du Nouvel Observateur? Lire la suite

À ne surtout pas oublier: les propriétaires de la presse et des médias français

 

Bonjour!

J’ai déjà publié cette infographie très bien réalisée, de Jérémie Fabre et Marie Beyer pour Acrimed-Le Monde diplomatique.
Elle mérite de rester bien présente à l’esprit en ces temps où après avoir photoshoppé Emmanuel Macron, en multiples couvertures et à son avantage, et un peu François Fillon, la presse française se déchaîne contre Jean-Luc Mélenchon avec les plus bas et plus anciens non-arguments. Ce n’est pas surprenant! C’est le signe attendu de l’inquiétude des propriétaires de ces médias, de leurs amis et de leurs larbins. Lire la suite

Poutou à Le Pen: Nous, quand on est convoqués par la police, on a pas d’immunité ouvrière! On y va.

« Nous, quand on est convoqués par la police, on a pas d’immunité ouvrière! On y va. »
Lors du débat télévisé de quatre heures ce soir entre les onze candidats à l’élection présidentielle française, Philippe Poutou, le seul ouvrier de la bande, l’a dit à Marine  Le Pen, qui, en tant que candidate « anti-système », use de son immunité parlementaire européenne pour ne pas répondre aux invitations de la police.
C’est une des meilleures phrases de la soirée, et je l’adopte!

Dans le moment qui suit, Philippe Poutou déclare vouloir réduire le salaire des élus au revenu moyen des salariés. Question de la première journaliste: « Et ça va les rendre moins corrompus? » (2:43)
Ça c’est du lourd! Pauvre Poutou, qui ne s’est même pas spécialement habillé pour la soirée!
…Que croyez-vous qu’il pût répondre?
Eh bien, deux choses.
D’abord: « Ils courront moins après le poste ». (Premiers rires dans la salle.)
Et ensuite: « Ils auront peut-être plus envie d’augmenter le smic et les salaires puisqu’ils seront directement concernés ».
Les gens rient et applaudissent. Lire la suite

Les imbéciles! – Encore un coup des publicitaires

Bonjour!

Ceci est une pub:

Des professionnels ont travaillé, ils ont brain-stormé, remue-méningé, …qu’ils disent en tout cas. On les a payés, plutôt cher à l’heure, c’est comme ça. Ils sont satisfaits d’eux-mêmes à hauteur du paiement: la relation entre leur auto-satisfaction et le prix qu’on les paie est simple, évidente, univoquement proportionnelle. Si on te paie cher, c’est que tu es bon, que ton produit est bon. Le plus marrant, et le moins moral, c’est que de toute façon, c’est l’acheteur final qui paie. Soit, ici, le pauvre qui aimerait bien se prendre un coup de pouce du destin.
La pub est une rage taxatoire infligée aux acheteurs. La pub est un impôt hors débat, inclus dans le prix. Quand t’achètes une poudre à lessiver, tu paies 10 pour-cent du prix en pub pour te convaincre toi-même d’acheter celle-là et pas une autre. Et cet impôt-ci ne finance aucun service collectif, il finance juste des bull-shit jobs, des jobs à la con.

On se demande ce qu’un drone militaire, cette nouvelle forme d’assassinat légal qui honore la démocratie, qui la représente désormais mondialement, merci Barack, tu resteras dans l’histoire comme le président des drones, c’est quoi la démocratie demande-t-on aux enfants du monde, et ils répondent en choeur: la démocratie, c’est les drones qui tirent depuis un ciel bleu et silencieux, tuent mon oncle, ma soeur, nos chèvres, les voisins, atomisent notre confiance dans l’avenir, tétanisent notre joie d’être nés et exténuent notre goût de la vie. Oui, on se demande ce que vient faire un drone militaire dans une pub de la Loterie nationale** belge et neuropénienne. Lire la suite

JT de la Parisienne Libérée

Bonjour!

Ce JT est bref, et pour moi, il est à ce jour un des meilleurs. C’est comme ça avec le talent: chaque jour meilleur.
La fin d’un JT, c’est la météo, et comme les lecteurs de Condroz belge  commencent à le savoir, avec la Parisienne libérée, la météo est nucléaire.
Elle a mis le doigt dessus, Lire la suite

Presse et médias mainstream: les types et les typesses qui travaillent pour moi

(Illustration réalisée avec Wordle.net)

 

Bonjour!

Je fuis absolument la télé – l’appareil du même nom n’existe pas chez moi -, et je fuis pas mal la grande presse. Je m’informe ailleurs, en grande partie sur Internet.
Mais tout de même, j’aime savoir ce que je rate, le lavage à grandes eaux que ne ratent pas les foules et qui ne les rate pas. Par exemple, je n’ai jamais vu Pujadas à la télé, mais je connais son nom, ce qui est en soi de la plus grande inutilité. J’ai lu quelques articles sur lui et sur ses manières. Je sais comment il sert la soupe aux puissants. Je sais comment il s’adresse avec condescendance à un politicien qui le dérange. Je sais comment il essaie de faire dire à un syndicaliste en grève, dont les troupes sont excédées, ce que ce dernier n’a aucune raison de dire. J’ai des idées sur ce qu’est BFM TV. Les éditocrates du vide ne me sont pas inconnus. Etc.
J’espère qu’arrivés à ce point de mon propos, vous vous posez la question: mais comment peut-on savoir ce que disent des médias que l’on ne consulte pas et que l’on ne veut pas consulter? Lire la suite